Les accidents de la circulation routière sont lésion dans la ville de Bobo-Dioulasso comme dans la plupart des grands centres urbains. De 2019 au 18 novembre 2022, ce sont 10 349 cas d’accidents de circulation qui ont été enregistrés, pour 9 963 blessés et 219 décès dans la capitale économique du Burkina Faso. L’incivisme, l’intolérance, le manque de courtoisie, la vétusté des infrastructures routières ou des engins sont indexés comme les causes de cette hécatombe routière.
Dimanche 9 octobre 2022. Il est 16 heures environ, en face de la résidence du gouverneur de la région des Hauts-Bassins, sur l’avenue Charles-de-Gaulle. Des éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) règlementent la circulation en déviant les usagers qui sont priés de bifurquer vers l’Institut français. La raison, un accident mortel. Un camion « 10 tonnes » a mortellement percuté une personne du troisième âge.
« C’est en voulant éviter une dame qu’il suivait que le vieux s’est retrouvé sur la route du véhicule. Malgré les efforts, le conducteur n’a pas pu éviter le pire », narre un voisin du quartier du vieil homme, soutenant que c’est tout joyeux que la victime les a salués avant de prendre ce chemin mortel pour la ville.
Le lundi 17 octobre 2022, soit une semaine après cet accident, c’est une dame qui faisait les frais d’un autre véhicule « 10 tonnes » aux alentours de la Maison de la culture Mgr Anselme- Titianma Sanon, tôt le matin à 7 heures. Aux dires des témoins de cet autre accident mortel, la victime était avec son enfant. « Heureusement que l’enfant est sorti sain et sauf », s’exclame l’un des témoins visiblement soulagé de voir le môme en vie après cet accident qui a ôté la vie à sa génitrice.
Le samedi 29 octobre 2022, à 10 heures, une femme avec ses trois enfants sur sa motocyclette, tente un mauvais dépassement au feu tricolore de la place Tiéfo-Amoro. Malheureusement, elle percute un obstacle et se retrouve à terre avec ses bambins dont l’un (le plus âgé de 7 ans aux dires des témoins) sous le camion-remorque qu’elle voulait dépasser. Le constat est implacable. L’enfant est écrasé par le gros porteur.
Dans la nuit du samedi 12 au dimanche 13 novembre 2022, aux environs de 3 heures du matin, c’est le corps sans vie d’un automobiliste et une épave que les agents de la section accident de la Police nationale ont retrouvé sur la chaussée du boulevard de l’Indépendance. « Roulant à tombeau ouvert, le conducteur, seul à bord de son véhicule, a percuté un arbre et y est resté sur le champ », confie un témoin.
Des chiffres effroyables
Ces exemples macabres sont la preuve que la « route tue » à Bobo-Dioulasso, comme dans la plupart des grands centres urbains du Burkina Faso, en plus de handicaper et de marquer à jamais de nombreuses personnes. Les routes nationale n°1 (Bobo-Dioulasso-Ouagadougou), Bobo-Dioulasso-Dédougou, Bobo-Dioulasso-Banfora et celles menant à Nasso et Bama, sont entre autres axes identifiés par le commandant de la 2e compagnie de la Brigade nationale de sapeurs-pompiers (BNSP), Mamadou Go, comme accidentogènes de la cité de Sya.
Selon les chiffres de la section accident de la Police nationale du commissariat central de Bobo-Dioulasso, de 2019 à 2021, ce sont 8 104 cas d’accidents de la route qui ont été répertoriés dont 7 737 blessés et 175 décès. Pour la seule année 2022 (à la date du vendredi 18 novembre 2022), ce sont 2 245 cas d’accidents de circulation qui ont été enregistrés pour 2 226 blessés et 44 décès. De janvier à novembre 2022, les services de la 2e compagnie de la BNSP sont intervenus sur 3 008 cas d’accidents de circulation qui ont coûté la vie à 158 personnes.
Les cas les plus fréquents, aux dires du commandant de la 2e compagnie de la BNSP, Mamadou Go, mettent en cause les engins à deux roues et les tricycles. « Ces statistiques démontrent à souhait que les accidents de circulation sont un problème de santé publique qui cause beaucoup de pertes en vies humaines autant que les grandes pandémies comme le SIDA ou le paludisme », soutient avec tristesse le chef de la section des accidents de la ville de Bobo-Dioulasso, le lieutenant de police Salomon Kafando.
En vue de prévenir les accidents, la Police municipale de la ville de Bobo-Dioulasso, à moins d’un mois de la fin de l’année 2022, a saisi plus de 10 000 engins à deux roues pour non-respect des règles de la circulation. Preuve que les règles de la circulation sont foulées aux pieds, aux dires du directeur de la Police municipale de Bobo-Dioulasso, l’inspecteur de police Seydou Coulibaly. Plusieurs opérations, poursuit-il, ont été menées au cours de l’année en cours dans le cadre du désencombrement des voies d’accès.
L’incivisme, principale cause
Trois facteurs, selon le lieutenant de police Kafando, sont les véritables sources de ces drames de la circulation de la route. Ce sont les facteurs liés à l’homme, aux engins et à l’environnement. L’incivisme routier, déplore-t-il, est la principale cause des accidents de la circulation routière dans la capitale économique du Burkina Faso.
Il se manifeste, détaille-t-il, par l’usage du téléphone au volant, le non-respect ou la méconnaissance du code de la route, l’intolérance, l’imprudence, la circulation frontale, le transport illicite des passagers, le dépassement ou le stationnement défectueux ainsi que l’encombrement de la voie, la fatigue au volant et les acrobaties sur la voie publique.
« En plus de communiquer au volant, certains usagers se permettent d’échanger des SMS en pleine circulation », regrette le lieutenant Salomon Kafando. L’état du réseau routier, l’étroitesse et le mauvais état des voies publiques, l’absence ou le manque de panneaux de signalisation ou de marquage, les dangers non signalés (ponts, virages…) tout comme l’insuffisance ou la quasi inexistence d’éclairage public, l’occupation anarchique des bordures des routes et la divagation des animaux sont les autres facteurs liés à l’environnement et sources des accidents de circulation à Bobo-Dioulasso, explique-t-il.
Quant aux facteurs liés aux engins, le chef de la section accident de la Police nationale fait cas du dysfonctionnement des systèmes de sécurité des véhicules, de la vétusté des moyens de transport, du non-respect des délais de la visite technique, du mauvais état du pneumatique et de l’absence de feux de gabarit, triangles de signalisation.
Respecter le code de la route
Dans les centres de santé, les accidentés sont conduits par dizaines chaque jour. « Il y a des jours où on reçoit une trentaine de patients. Tout est en fonction de la période. Vers la fin de l’année qui correspond à la période de festivité ou pendant l’année scolaire, surtout aux heures de pointe les matins de 7 heures à 8 heures et aux heures de descente, il y a un manque de prudence sur les voies et cela crée des accidents », précise le chirurgien-orthopédiste-traumatologue au Centre hospitalier universitaire Souro- Sanon (CHUSS) de Bobo-Dioulasso, Dr Hervé Ouattara.
Du 1er janvier au 28 novembre 2022, les services de chirurgie du CHUSS ont enregistré 5 540 patients. Les cas les plus fréquemment reçus, selon le chirurgien-orthopédiste- traumatologue, sont les traumatismes crâniens et du membre pelvien, notamment les fractures des jambes. « Lorsque le patient arrive à temps, dans un moment minime au traumatisme, nous parvenons à le sauver.
Mais dans le cas où le patient arrive de façon grabataire, dans une situation de polytraumatisme, c’est-à-dire un patient qui présente au moins deux lésions dont une des lésions peut l’emporter, comme le cas d’un traumatisme du bassin, dans ce cas, c’est difficile de le sauver », regrette Dr Ouattara. Toujours est-il que, poursuit Dr Ouattara, le patient, s’il est sauvé, s’en tire avec des séquelles souvent graves en fonction du choc subi.
« Dans les cas où ce ne sont pas des lésions grabataires, nous travaillons à faire en sorte qu’il puisse récupérer ses membres », soutient-il. Pour freiner l’hémorragie des accidents de la route, le lieutenant de police Salomom Kafando invite les usagers de la route au respect du code de la route, à intégrer le port du casque dans leurs habitudes, à nouer la ceinture de sécurité pour les automobilistes et à se démarquer des actes inciviques.
Le directeur de la Police municipale de Bobo-Dioulasso, Seydou Coulibaly, quant à lui, lance un appel aux acteurs de l’éducation à intégrer l’enseignement du code de la route dans les curricula scolaires afin de sensibiliser les élèves dès le bas âge aux règles de la circulation. Pour sa part, le chirurgien- orthopédiste-traumatologue au CHUSS de Bobo-Dioulasso, Dr Hervé Ouattara, invite les autorités à user de la sensibilisation pour réduire les accidents.
Kamélé FAYAMA
Seydou Coulibaly, directeur de la Police municipale de Bobo-Dioulasso
« L’occupation illégale de nos rues est due aux faiblesses de l’aménagement urbain »
« Ce n’est pas parce qu’on ne sévit pas. Le problème de l’occupation de la voie publique illégale à Bobo-Dioulasso est un problème qu’il faut prendre presque comme un problème à part entière. Il faut un ensemble de mesures. D’où est venu cet encombrement ou cette occupation illégale de nos rues ? Cela dû aux faiblesses de l’aménagement urbain. Si l’aménagement des trottoirs ou des marchés secondaires était effectif, on n’allait pas trouver des commerces sur les abords ou sur la chaussée. Les citoyens ont tendance à dire que c’est parce qu’on n’a pas besoin de cette partie, c’est pourquoi on a laissé. C’est vrai que ce ne sont pas des actions à encourager. Il faut dire que la lutte contre l’encombrement demande le regroupement de plusieurs acteurs et nous pensons que l’aménagement urbain est l’un des premiers facteurs ».
F.K.
Mamadou Go, commandant de la 2e compagnie de la BNSP
« Certaines personnes, pour tester leur téléphone, n’hésitent pas à composer notre numéro »
« Les fausses alertes sont l’un de nos véritables problèmes. Nous recevons beaucoup de fausses alertes. Comme la ligne est gratuite, certaines personnes, pour tester leur téléphone, n’hésitent pas à composer notre numéro. Cela nous rend la tâche difficile parce qu’en moyenne nous recevons près de 1 000 appels par jour. Souvent, on nous appelle mais quand nous arrivons sur les lieux, nous constatons qu’il n’y a rien. J’invite la population à plus de sérieux en nous aidant à apporter notre secours à ceux qui en ont vraiment besoin ». K.F.
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