Mesures fiscales : « Quand on paie, ce n’est pas pour le gouvernement, ni pour le président Ibrahim Traoré ; c’est pour le pays … » (DG des impôts, Daouda Kirakoya)
La loi de finances, exercice 2023, se caractérise par les nouvelles mesures fiscales qui visent, selon le gouvernement, à mobiliser non seulement davantage de ressources propres pour faire face aux priorités de l’heure, mais également à réparer les injustices fiscales. A la faveur de la « rentrée fiscale 2023 », le 11 janvier dernier, et à travers cette interview, le directeur général des impôts, Daouda Kirakoya, donne des détails relatifs à cet élargissement de l’assiette fiscale.
Lefaso.net : Vous êtes arrivé à la tête de la Direction générale des impôts, avec certainement un esprit de continuité, mais aussi d’innovation. Et parlant de continuité, on vient d’assister à la « rentrée fiscale », huitième du genre. Quelle est la portée symbolique d’une « rentrée fiscale » ?
Daouda Kirakoya : Comme dans nos coutumes, quand on veut entrer dans une nouvelle année, il y a quand même l’annonce par un évènement ; le chef, le roi annonce et donne des orientations. Au niveau de l’administration fiscale, on s’est aussi dit, chaque année, on a des objectifs à atteindre ; mais nous-mêmes, que prenons-nous comme engagements pour l’année et sur quoi souhaiterions-nous travailler tout le long de l’année pour améliorer davantage nos performances ?
D’où l’initiative de la rentrée fiscale, pour lancer les activités de l’année. Au fur et à mesure, nous avons associé à la rentrée fiscale, un thème pour l’année. Et c’est ce thème qui est incarné toute l’année. L’an passé, nous avons fait le contrôle interne (le thème était : Faire du contrôle interne un outil de management des risques pour une performance accrue de la Direction générale des impôts, ndlr).
Cela nous a permis de tirer plusieurs enseignements ; parce qu’on s’est rendu compte qu’il y avait des insuffisances internes, auxquelles on ne prêtait pas attention. On était entré dans une sorte de routine. Le contrôle interne a donc permis de relever ces insuffisances pour procéder à des ajustements. Donc, cette année, on s’est dit que le pays est dans un contexte très difficile, et nous pensons que nous devons également être des Volontaires pour la défense de la patrie. Et notre engagement, c’est de faire en sorte que l’Etat puisse avoir les ressources pour mettre en œuvre les actions. L’administration fiscale doit être une administration citoyenne ; elle ne dépend pas d’une autorité politique, elle doit travailler pour le peuple, pour l’Etat.
Et quand vous êtes dans une situation difficile, même ceux qui avaient l’habitude de vous prêter de l’argent commencent à s’interroger ; ils doutent, se disant que le risque que vous ne puissiez pas payer est élevé. C’est ainsi que le gouvernement a dit : « Comptons sur nous-mêmes, faisons en sorte qu’on puisse financer les actions par nos propres impôts et taxes ». L’année passée, nous avons travaillé dans cette dynamique, de sorte que même lorsqu’on a atteint l’objectif qu’on nous a assigné, on a continué à travailler, réalisant un surplus de 100 milliards. Un surplus qui n’est même pas suffisant, au regard des priorités liées au contexte.
C’est également au regard du contexte qu’on s’est dit qu’il faut choisir un thème qui rassemble, canalise toutes les énergies, de sorte qu’on puisse améliorer les recettes fiscales pour permettre au gouvernement de mettre en œuvre les priorités, qui sont celles de la Transition. Dans cette situation, il faut même se projeter ; on va reconquérir les territoires, on doit y faire des barrages, réinstaller les gens, on va produire et si on produit, il nous faut des routes. Donc, il y a beaucoup de besoins. On doit se dire que la situation est difficile, mais ce n’est pas pour autant qu’on ne doit pas donner le peu qu’on a. Si on ne donne pas, ce qui va se passer est qu’on n’aurait pas semé, et si on n’a pas semé, on ne va pas récolter. Ici, ce qu’on récolte, c’est la reconquête du territoire, le financement de la sécurité, le financement des actions de développement.
Aujourd’hui, il y a des entrepreneurs qui ont dit qu‘il n’y a pas de travail. Mais vous avez vu que le gouvernement a lancé des marchés publics ! Il faut donc qu’on contribue pour mettre ensemble, faire en sorte que ça circule, pour faire tourner l’économie afin qu’on récolte des fruits et qu’on relance les choses. Voyez les zones difficiles où il y a des déplacés internes ; on fait des actions humanitaires (des écoles et des centres de santé à construire, il faut veiller à leur nourriture). Tout cela, c’est la redistribution des produits des impôts. Cela veut simplement dire qu’on doit se mettre ensemble, et pour pouvoir le faire et booster le civisme fiscal, on a besoin de tout le monde.
C’est pourquoi le gouvernement a dit qu’il va, lui-même, donner l’exemple ; on contrôle actuellement les services publics (ce qu’on ne faisait pas avant). Quelqu’un fait un travail, on dit qu’on doit retenir 10% pour l’Etat, mais les gens ne le faisaient pas. Donc, on a commencé à contrôler les administrations publiques (la présidence, la primature, le ministère des Finances, l’Assemblée législative de Transition, la Commission électorale nationale indépendante, le Médiateur du Faso, les établissements publics, les organes de presse ont été déjà contrôlés).
C’est pour sensibiliser et dire que chacun doit, là où il est, jouer sa partition. On s’est dit qu’au-delà des gouvernants, il y a les leaders d’opinion que les gens écoutent beaucoup et qui veulent également, dans leurs actions quotidiennes, le développement du pays. C’est pourquoi, on travaille de sorte à ce qu’ils portent également le message de sensibilisation. Donc, on a commencé à travailler avec les associations religieuses et cela va se poursuivre avec les coutumiers, les leaders des commerçants, les organisations de la société civile, etc. S’acquitter des impôts, c’est vraiment nécessaire pour tout le monde.
Nous assistons tous aux évènements ; lorsque quelqu’un meurt, on demande publiquement s’il doit à quelqu’un, que la personne se signale pour que la famille puisse rembourser (sauf si le créancier décide de laisser tomber). Imaginez, s’il (défunt, ndlr) ne paie pas ses impôts, c’est à tout le peuple qu’il doit. Si la personne doit 1 000 francs aux impôts, ce n’est pas à une personne, mais aux 20 millions de Burkinabè. Alors, s’il est vrai que la justice divine existe, ce qui va se passer, c’est que lorsqu’on va se retrouver devant le Seigneur, il va demander. Et ce n’est pas sûr que parmi les 20 millions, c’est tout le monde qui va accepter laisser tomber, certains vont dire d’amener leur part.
… Et l’année 2023 annonce donc de nouvelles mesures !
Dans les nouvelles mesures fiscales de l’année 2023, il y a des mesures très audacieuses que l’Assemblée législative de Transition a adoptées. Parmi ces mesures phares, il y a le quitus fiscal, qui s’étend à l’ensemble des postes électifs, consulaires et de nomination.
C’est-à-dire des membres du gouvernement, les présidents d’institution, les directeurs généraux, les directeurs…bref, tous ceux qui sont nommés en Conseil des ministres doivent fournir le quitus fiscal. Quelqu’un qui veut être candidat à une élection, qui veut diriger, mais n’a pas payé (ses impôts et taxes, ndlr) a un problème. Voilà pourquoi, nous avons dit qu’il faut donner l’exemple. Si vous voulez aller à une décoration, il faut montrer que vous êtes un bon citoyen ; si on reconnaît vos mérites dans le travail, ce n’est pas suffisant, il y a les autres pans de la citoyenneté également.
Une autre mesure phare, c’est la contribution des citoyens qui ont des motos et des tricycles ; c’est important parce que le Burkina est un pays de cycles. Vous avez des motos qui sont plus chères que des véhicules, mais qui ne paient pas. Il y a une injustice fiscale quelque part. Pour ne pas que ça crée des problèmes liés par exemple au contrôle (des gens qui vont vouloir fuir, créant des accidents, des altercations avec les policiers), nous avons décidé que le paiement soit unique, au moment de l’achat (immatriculation) de la moto.
Aussi, l’UEMOA a prévu ce qu’on appelle les droits d’assises. Pour certains impôts, vous pouvez augmenter jusqu’à un certain plafond, pour pouvoir avoir des ressources (les produits comme le tabac, les boissons, les produits cosmétiques…). Ici, nous avons ajusté les taux (on n’a pas atteint les plafonds, on est toujours dans la fourchette). Il y a aussi des mesures de facilitation. Si vous n’êtes pas un contribuable qui est immatriculé correctement et que vous faites une prestation de service, comme les femmes qui nettoient ou les manœuvres, la loi a prévu 25%. Donc, si dans le marché tu gagnes 100 000 F CFA, on doit te prendre 25%, soit 25 000 F CFA.
C’est démotivant, c’est compliqué. On s’est donc dit, pour ces cas, on va ramener à 2%. Ce qui n’est pas bon, c’est de mettre des gens à l’écart de la contribution. Tout le monde veut contribuer, il n’y a pas un Burkinabè (parce que tous les Burkinabè sont patriotes) qui ne veut pas apporter sa contribution. Maintenant, il regarde si ce qu’on demande ne dépasse pas sa force. C’est la raison pour laquelle nous avons aussi ajusté certains impôts pour répondre à ces préoccupations.
Il y a parfois des réticences, parce que les gens n’ont pas confiance par rapport à la destination de leurs contributions !
C’est un élément fondamental, et c’est pourquoi nous avons dit : « Ensemble, boostons le civisme fiscal ». C’est ce qu’on disait tout à l’heure aux acteurs de l’économie informelle ; en réalité, le problème de la redevabilité se pose. Quand on va inaugurer une route, les gens disent que c’est le président ou tel ministre qui l’a construite. Alors que c’est archi-faux, il n’a rien sorti de sa poche.
On doit dire que c’est le fruit des efforts des citoyens burkinabè. Quand les autres nous donnent, ils rappellent par exemple : « Don du peuple japonais ou financé par le peuple américain ». Ce n’est ni le président ni le gouvernement qui a donné. Ce sont les impôts des citoyens. C’est pourquoi, nous disons qu’il faut contribuer et demander des comptes. Tant qu’on ne demandera pas des comptes, on sera toujours dans la frustration. Donc, au niveau des gouvernés, ils doivent s’organiser pour demander des comptes aux gouvernants.
C’est pour cela qu’on a mis ensemble la décentralisation et cela doit commencer dès les communes avec les maires, ensuite les présidents des Conseils régionaux et le gouvernement. C’est ce que l’assemblée (Assemblée nationale, ndlr) fait, mais elle ne va pas en profondeur des fois. Il faut aller en profondeur pour que les gens aient confiance (expliquer les destinations de l’argent).
Aujourd’hui, toute la polémique autour du Fonds de soutien à la guerre, les gens pensent qu’ils donnent, mais n’y voient pas clair. Il faut donc qu’on communique pour dire voici ce qu’on fait avec l’argent. Voilà pourquoi nous disons aussi ce que nous avons recouvré, c’est très important. Nous pensons que l’engagement des gouvernants doit être à ce niveau-là, pour jouer la transparence et la redevabilité.
Renforcer l’esprit de solidarité, l’indépendance et réparer les injustices fiscales…, est-ce, en résumé, ce qu’il faut également comprendre de ces nouvelles mesures ?
Tout à fait ! L’élargissement de l’assiette fiscale, c’est faire en sorte que chacun puisse payer ce qu’il doit payer. Cela permet de repartir la charge équitablement ; chacun, selon ses forces, doit donner. Dans notre jargon par exemple, on parle de « niche fiscale ». Si on ne procède pas ainsi, il y a des poches qui vont échapper au paiement.
En fin d’année, on a fait une étude ; voyez-vous la voie de contournement où l’Etat a mis des milliards, et les citoyens qui sont à ces abords-là se sont enrichis (les prix des parcelles ont connu des flambées) ? On a réalisé la voie de contournement avec l’argent de tout le monde, et ceux qui revendent cher les parcelles à cause de la réalisation de cette voie de contournement ne paient rien en retour à l’Etat. Voyez-vous, ils s’enrichissent, mais l’Etat n’a rien. C’est cela par exemple les « niches fiscales ». Il y a une injustice.
Dans votre discours de lancement de la rentrée fiscale, on a noté que vous comptez maximiser sur la sensibilisation et surtout améliorer les facilités de paiement. Comment cela va se passer, concrètement ?
La sensibilisation va se faire à travers toutes les composantes, c’est-à-dire les contribuables et leurs faîtières. Cela doit être un processus participatif pour que tout le monde comprenne et soit d’accord. Notre sensibilisation consiste donc à expliquer et faire comprendre aux gens pour qu’ils assimilent et comprennent facilement ce qu’il faut faire. Donc, on va utiliser tous les canaux possibles ; les médias, les réseaux sociaux, les leaders d’opinion, etc. Aussi, on s’est dit que nous devons faire en sorte que celui qui doit payer l’impôt, n’ait pas trop de contraintes pour s’acquitter.
Avec la taxe de résidence, par exemple, on s’est rendu compte que le citoyen qui se rend au centre-ville pour payer doit payer le parking, ensuite rentrer prendre une fiche pour renseigner. Et s’il se trouve une information, il doit répartir à la maison pour revenir, et ce n’est même pas sûr que s’il revient, il puisse avoir le même jour. Toutes ces tracasseries peuvent décourager le contribuable. On s’est donc dit que l’administration fiscale doit faciliter la tâche au contribuable ; nous allons mettre en place une organisation qui est adaptée et un dispositif pour faciliter le processus de paiement.
La seule contrainte aujourd’hui, c’est le problème de réseau (qui dépasse la Direction générale des impôts) qui limite la digitalisation ; s’il n’y a pas de réseau partout, après, on est bloqué. Pourtant, il faut qu’on facilite la digitalisation, parce que ce n’est pas facile d’enlever l’argent (techniquement, nous appelons cela la ‘‘chirurgie du portefeuille »). Donc, on s’est dit qu’il faut qu’on change de mentalité, d’esprit, pour travailler avec le contribuable ; parce qu’on ne sait pas ce que le contribuable a fait comme effort pour emmener sa contribution pour payer.
On apprend que dans la dynamique de la sensibilisation, vous voulez intégrer les langues nationales pour davantage impacter … !
Exactement ! 2022 nous a beaucoup enseignés. On a été très résilients. Dans la région de l’Est, par exemple, nos services se sont fermés et tout le monde s’est retrouvé à Fada. Dans cette région, comme partout ailleurs, plus de 80% des populations parlent les langues nationales. Alors, on a communiqué dans les langues nationales (tout ce que nous disons par rapport aux impôts, le bien-fondé…). En lui parlant dans sa langue, le contribuable se sent considéré et il se dit qu’on tient compte de lui aussi. Sinon, si c’est « nul n’est censé ignorer la loi »-là, c’est compliqué.
A quoi peut-on s’attendre en 2023, en termes de recouvrement ?
Nous n’avons pas encore ce que les communes et les régions vont nous assigner, parce que cela se fait au niveau des collectivités territoriales avant d’être centralisé (ils sont en train de centraliser, mais ce qui est sûr, ce ne sera pas moins de 40 milliards).
Mais au niveau du budget de l’Etat, ça a été voté au niveau de l’ALT (Assemblée législative de Transition), il s’élève à 1 280 milliards. Mais les députés nous ont dit que c’est provisoire et qu’ils vont l’ajuster au cours de l’année. Nous avons donc du boulot, mais c’est notre partition. Nous avons la chance d’être en vie, de pouvoir vaquer à nos occupations. C’est notre devoir de faire rentrer l’argent pour que d’autres personnes puissent vivre en paix, vaquer tranquillement à leurs affaires et qu’on puisse investir également pour le pays. C’est pour cela que nous nous sommes engagés dans la fonction publique.
On peut comprendre que c’est dans cet esprit de cohésion-là que vous avez initié le « mois de l’exemplarité fiscale ». Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette innovation ?
Le « mois de l’exemplarité fiscale » (du 11 janvier au 10 février 2023), c’est justement dans la même lancée. C’est pour qu’on puisse travailler ensemble pour que l’Etat puisse avoir des ressources pour mener sa politique. On s’est dit qu’on peut prendre les premiers mois pour qu’un certain nombre de personnes donnent l’exemple.
Donc, le ministre des Finances nous a instruits de faire des actions dans ce sens et nous avons mis en place le dispositif. Son excellence monsieur le président du Faso a demandé qu’on aille plus loin pour voir même dans les concessions comment les gens peuvent contribuer. Mais cela commence d’abord par nous, travailleurs de la DGI (Direction générale des impôts). Nous allons payer pour donner l’exemple. Le ministre a demandé à tous ses collaborateurs de payer. Le président de l’ALT aussi a demandé (à ses collaborateurs, ndlr) de le faire.
A la présidence du Faso, là où beaucoup de gens travaillent, on va mettre des dispositifs pour que les gens puissent payer. Nous allons demander la contribution des religieux et des chefs coutumiers pour que les gens paient. Il y a le président de la délégation spéciale de Ouagadougou et ses collaborateurs, les autres arrondissements… ; parce qu’à tort ou à raison, certains pensent que les gouvernants ne paient pas, les opérateurs économiques aussi. Vous avez même suivi la boutade à l’Assemblée, où on a dit que ce sont les petits qui vont payer.
Donc, on s’est dit qu’il faut qu’on donne l’exemple pour que les gens voient. Cela permet de donner de la visibilité à cette exemplarité. Vous pouvez payer tous les jours, mais si personne ne sait, c’est comme si vous ne faites rien. Dans la communauté, il y a des gens qui sont discrets ; quand il y a des évènements, ce sont eux qui contribuent le plus, mais les gens les critiquent comme quoi, ils ont les moyens, mais ne donnent pas. Alors que dans la réalité, ce qu’ils font est énorme. Le « mois de l’exemplarité fiscale » va donc permettre de rendre visibles ces actions.
Nous avons aussi l’obligation de réserve ; nous devons protéger les données personnelles. Quand on n’a pas son aval, on ne peut pas dire que telle personne a payé. Par exemple, quand on dit que les mines ne paient rien, on pourra sortir la contribution de l’ensemble des mines. C’est le cas aussi pour les commerçants. Mais on ne pourra pas dire que telle personne a donné tel montant, si elle n’a pas donné son accord. Par exemple, moi, j’ai déclaré que j’ai payé ma taxe de résidence et cela fait 9 000 F CFA, par rapport à ma situation géographique et au confort que j’ai à la maison. Mais je ne peux pas dévoiler pour les autres, sans leur accord.
Souhaiteriez-vous, en conclusion, revenir sur des éléments qui vous tiennent à cœur, que nous n’avons pas suffisamment aborder ?
Je voudrais revenir sur deux éléments. Par rapport aux agents de la DGI et de l’administration publique, nous devons faire en sorte que le service rendu soit de qualité. Que la qualité des services que nous offrons soit à la hauteur des attentes des usagers. C’est cela qui crée un climat de confiance et rehausse l’image de l’administration publique. C’est aussi valable pour tout le monde. Faire en sorte que cela soit effectif, et tout le monde, à quelque niveau qu’il se trouve, peut contribuer. Chacun doit se dire qu’il doit jouer sa partition, en faisant en sorte que les gens puissent payer. Dans cette contribution-là, il y a des gens qui assistent à des cas de fraudes ou de corruption, mais qui ne disent rien.
Et le cas le plus patent, au-delà de la DGI, c’est ce que vous constatez à la Direction générale des douanes. Il y a des gens qui fraudent pour faire entrer des marchandises, et quand on cherche à les rattraper, c’est la population elle-même qui se lève contre les agents publics. Et même chez nous, quand on veut rentrer dans les marchés, il y a des gens qui n’ont ni boutique, ni d’étal dans les marchés, qui organisent l’évitement de l’impôt. C’est en réalité ce qui est resté dans les esprits à partir de l’impôt colonial. Les gens ont toujours à l’esprit que l’argent qu’on récolte, c’est pour le Blanc (colon, ndlr).
Cette image fait qu’il y a des caissiers qui ont des problèmes ; le monsieur vient payer, on lui donne la monnaie, il compte et voit bien que le caissier a fait une erreur en lui remettant plus qu’il ne lui doit, mais il ne signale pas, il part. Il dira qu’il a gagné ‘‘l’argent du Blanc ». Or, il se fait du tort. On doit travailler dans l’éducation pour changer cette perception-là. C’est valable pour le gouvernement. Il y en a qui se disent que si on ne paie pas, le gouvernement n’aura pas l’argent pour travailler, il va tomber et quelqu’un d’autre va prendre (jeux politiques, ndlr). C’est ce qui est dans la conscience populaire et qui est très grave.
Même chez les agents de l’administration, cela se voit. Par exemple, si un agent ne s’entend pas avec son chef, il dit que si lui, il ne travaille pas, le chef va tomber. Il ne voit pas le tort qu’il fait au pays et à lui-même. Cela demande donc du travail. Et nous, on veut compter sur tout le monde, parce que, tant qu’on ne va pas changer cela, on ne pourra pas se développer. Il faut que les gens comprennent que quand ils paient, ce n’est pas pour le ministre, ce n’est pas pour le gouvernement, ce n’est pas pour le président Ibrahim Traoré ; c’est pour le pays. C’est ainsi que le Burkina Faso se portera mieux.
Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net