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Blassé Kouraogo, président du Comité régional anticorruption des Hauts-Bassins : « Nous ne pouvons pas faire une seule journée sans enregistrer de plaintes »

Le Comité régional anticorruption des Hauts-Bassins (CRAC-HB), structure déconcentrée du Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC), a fait parler de lui ces dernières années à travers de nombreux dossiers de corruption qu’il a portés devant les juridictions. Nous avons rencontré, le vendredi 13 janvier 2023 à Bobo-Dioulasso, son président, Blassé Kouraogo qui nous fait le bilan de la lutte contre la corruption dans son ressort territorial.

Sidwaya (S) : Comment fonctionne le Comité régional anticorrup-tion (CRAC) des Hauts-Bassins que vous dirigez ?

Blassé Kouraogo (B.K.) : Le CRAC est une structure déconcentrée du Réseau national de lutte anticorrup-tion (REN-LAC). C’est pour rapprocher le Réseau des citoyens dans certaines régions que des structures déconcentrées ont été créées avec des organisations membres au niveau régional.

Chaque comité régional dispose d’un bureau de trois membres et d’un animateur qui, lui, est chargé de la gestion quotidienne des activités du comité. Nous élaborons chaque année un plan d’actions avec les orientations du secrétariat exécutif à qui nous transmettons ces plans pour amendement. Nous lui faisons le point à chaque fois et lui demandons des conseils et appui financier pour accomplir au mieux notre mission.

S : De nombreux dossiers dont ceux de la SOFITEX, du lycée Ouezzin-Coulibaly, de celui de Baguéra, des agents de santé de Péni et de la SNC ont été jugés ou sont en cours, à la suite de vos plaintes en justice. Comment arrivez-vous à détecter les cas d’irrégularités que vous portez devant les juridictions ?

B.K. : Les citoyens nous saisissent pour dénoncer des dysfonctionnements ou lorsqu’ils sont témoins ou victimes d’actes de corruption dans des administrations. Nous, nous menons des enquêtes de vérification. Si à l’issue des vérifications, nous constatons qu’il y a des choses qui ne sont pas tout à fait claires, nous saisissons le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance (TGI) du ressort territorial pour lui demander de mener des investigations afin de clarifier la situation. Nous intervenons dans les TGI de Bobo-Dioulasso, Orodara, Banfora, Boromo et Dédougou. Dans tous ces TGI, nous avons des dossiers de corruption.

S : Quel bilan faites-vous de vos actions au titre de l’année 2022 ?

B.K. : Au titre de l’année 2022, nous sommes satisfaits du bilan de nos activités puisqu’en termes de sensibilisation, nous sommes au-delà de nos prévisions. Nous sommes également au-delà de nos prévisions au niveau des plaintes des citoyens, des dossiers en justice, des constitutions de partie civile, des dénonciations et du nombre de dossiers auprès du parquet. Malgré le contexte sécuritaire difficile, nous sommes à un taux de réalisation satisfaisant.

Nous sommes régulièrement saisis car nous ne pouvons pas faire une seule journée sans enregistrer de plainte. Il y a également des plaintes qui nous parviennent aussi des autres régions que nous transférons au siège et dans d’autres CRAC pour qu’ils puissent les prendre en compte.

S : Quelles difficultés rencontrez-vous dans la conduite de vos activités quand on sait que la lutte que vous menez n’est pas du goût de tous ?

B.K. : La première difficulté reste l’insécurité parce qu’il y a des zones où nous avons des dossiers et actuellement, il n’y a plus d’administration et les dossiers sont bloqués. Nous espérons que la quiétude reviendra en 2023 pour que nous relancions ces dossiers. L’autre difficulté réside dans le fait que certains administrateurs ne sont pas réceptifs.

S : Avez-vous fait l’objet de menaces ou d’intimidations ?

B.K. : Effectivement, nous recevons également des menaces et intimidations de façon voilée, par personne interposée ou directement. Nous avons, par exemple, dépêché notre animateur répondre à une invitation d’une structure. Arrivé là-bas, on a déchiré le pneu de sa moto avec un couteau.

S : Les autorités actuelles de la Transition ont mis un point d’honneur sur la lutte contre la corruption. Quelle appréciation en faites-vous ?

B.K. : Pour le moment, nous observons pour voir la réalité sur le terrain. L’ancien Président Roch Marc Christian Kaboré avait, au début de son mandat, parlé de tolérance zéro contre la corruption. Mais sur le terrain, la corruption n’a fait qu’augmenter. Il a, après, parlé d’opération mains propres, qu’on n’a jamais vue jusqu’à son départ.

Le MPSR 1 (ndlr : Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration sous le Président Damiba), a, quant à lui, fait de la lutte contre la corruption, sa priorité. Après le départ de l’ancien président de la Transition, on constate que la lutte contre la corruption était loin d’être une priorité. Maintenant avec les nouvelles autorités, nous attendons de voir les actions concrètes de la Transition sur ce volet pour apprécier.

S : Cette lutte contre la corruption peut-elle aider le combat contre l’insécurité que vit notre pays ?

B.K. : Dans la lutte contre le terrorisme, Nous avons des difficultés, en tant que Nation, pour équiper nos Forces de défense et de sécurité (FDS) et nos Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) alors que les terroristes, eux, n’ont pas cette difficulté. Par où le matériel passe pour leur parvenir. Tout cela se fait par le biais de la corruption. La lutte contre le terrorisme sera difficile dans un environnement infecté par la corruption. II y a donc un lien entre la lutte contre la corruption et la lutte contre l’insécurité. Il faut faire ces deux batailles en même temps.

S : Quelles sont vos perspectives à court et moyen terme ?

B.K. : Si la situation sécuritaire s’améliore, nous projetons aller, même dans les petits hameaux de culture des Hauts-Bassins, de telle sorte que chaque citoyen sache ce qu’est la corruption pour qu’ensemble, on construise une veille citoyenne contre le phénomène. S’il y a une veille citoyenne contre la corruption, je pense qu’on va y arriver.

S : Quels messages avez-vous à l’endroit de la population ?

B.K. : Nous demandons à la population de nous faire confiance en dénonçant les actes de corruption dont elle est témoin ou victime. Quant aux autorités avec qui nous collaborons, nous souhaitons continuer la collaboration. Je crois que c’est ensemble que nous pourrons lutter contre ce phénomène.

 

Propos recueillis par Adaman DRABO

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