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Effondrement d’un bâtiment à l’aéroport de Donsin : « Nous n’avons pas été associé à l’exécution pratique des travaux », affirme le PDG de COGEA International

Que s’est-il exactement passé pour qu’un bâtiment en construction à l’aéroport de Donsin s’effondre, provoquant la mort de sept personnes ? Nous avons contacté les deux entreprises citées dans le communiqué du parquet du Tribunal de grande ins-tance de Ziniaré afin de mieux comprendre. GESEB SARL n’a donné aucune suite à notre requête. Du côté de COGEA Interna-tional, la réaction a été prompte. Les deux entreprises ont postulé au marché en groupement. Mais attention : sur le terrain de l’exécution, une seule était en activités. Le Président-Directeur général de COGEA International, Lamine Yaoliré, apporte, dans cette interview, un éclairage.

Courrier confidentiel : L’un des bâtiments en construction de l’aéroport de Donsin s’est écroulé le soir du 30 décembre, provoquant sept morts et des blessés. Que s’est-il passé au juste pour que survienne un tel drame ?

Lamine Yaoliré : J’ai été effectivement informé le 31 décembre de l’effondrement d’un bâtiment de cet aéroport. L’information m’a été portée par monsieur Dieudonné Soudré, le Directeur général de l’entreprise GESEB SARL. Mais bien avant, dans la soirée du 30 décembre, l’information circulait déjà sur les réseaux sociaux. Mais je n’imaginais pas que le nom de ma société, COGEA International, serait cité dans cette affaire. Lorsque monsieur Soudré m’a contacté le 31 décembre, il m’a dit que le bâtiment qu’il était en train de construire au niveau de l’aéroport de Donsin s’est effondré. J’étais surpris et choqué à la fois. Je lui ai demandé de quel bâtiment il s’agissait exactement.

Il a rétorqué qu’il s’agissait d’un bâtiment en construction dans le cadre d’un marché qui avait été attribué au groument d’entreprise GESEB SARL et GOGEA International. Je croyais pourtant qu’il avait fini les travaux depuis longtemps. Au début, il m’avait informé que le marché lui avait été attribué. Mais j’avoue que je n’ai jamais vu la copie du contrat. Il ne m’a jamais présenté non plus l’ordre de service. Je ne sais pas également comment il s’est fait financer pour exécuter le marché, ni comment il s’est organisé pour aller sur le terrain.

Pourtant, vous êtes allés en groupement dans le cadre de ce marché. GESEB SARL et votre société, COGEA International, ont été déclarés attributaires. Comment se fait-t-il que vous ne soyez au courant de l’évolution des travaux, au point de ne pas avoir à votre disposition ne serait-ce que les documents contractuels ?

GESEB SARL était chef de file du groupement. En réalité, il ajuste sollicité mon chiffre d’affaires parce que c’est le chiffre d’affaires adéquat qui lui manquait. Dans le domaine des marchés publics, il est demandé un certain montant en termes de chiffre d’affaires. Si une entreprise donnée n’en dispose pas tel qu’indiqué dans le dossier d’appel d’offres, elle peut solliciter, dans le cadre d’un groupement, qu’une autre entreprise lui complète ce chiffre d’affaires.

Mon engagement à l’aider, c’était dans ce sens. Je l’ai fait afin qu’elle puisse obtenir le marché. Par la suite, monsieur Soudré m’a informé que son entreprise a été effectivement attributaire du marché. Il devait donc logiquement me communiquer le contrat, l’ordre de service et les autres documents concernant ce marché. Mais je n’ai reçu aucun document en la matière jusqu’aujourd’hui. Je suis en train de voir comment lui demander ces documents par voie d’huissier.

J’ai vu dans le communiqué du Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ziniaré que le parquet demande au groupement d’entreprises GESEB SARL et COGEA International de fournir les pièces nécessaires pour faciliter une expertise qui permettra d’orienter le parquet « sur les causes de l’effondrement et les responsabilités individuelles éventuelles ». Dans la réalité, monsieur Soudré a procédé à une rétention d’information concernant ce marché. Je ne suis pas en mesure, au moment où je vous parle, de vous dire le coût exact du marché et comment son entreprise s’y prend sur le terrain.

Vous avez tout de même envoyé des techniciens de votre entreprise pour l’exécution des travaux, le marché ayant été attribué à un groupement dont COGEA International fait partie …

Jamais ! La première fois que je m’y suis rendu, c’est le 31 décembre 2022 lorsque j’ai été informé qu’un bâtiment s’était effondré. Je n’ai jamais envoyé ni brouette, ni technicien, ni un franc pour l’exécution du marché. Je n’ai pas non plus reçu un centime dans le cadre de ce marché. GESEB SARL est le chef de file de ce marché et a l’entière responsabilité de ce qui se passe sur le terrain de l’exécution du marché. Elle aurait dû me tenir informé de la suite après l’obtention du marché. Mais elle ne l’a jamais fait.

En principe, quand vous allez en groupement pour conquérir ou exécuter un marché qui vous a été attribué, vous vous rencontrez pour des rapports périodiques afin de permettre la bonne exécution des travaux. Mais rien de tout cela. On pourrait même dire qu’il s’agit d’un groupement de façade, non ?

J’ai juste voulu l’aider concernant le volet chiffre d’affaires exigé dans le dossier d’appel d’offres. En principe, la mission de contrôle et la Maitrise d’ouvrage de l’aéroport de Donssin (MOAD) devaient nous adresser des courriers dans le cadre de l’exécution des travaux.

Peut-être que monsieur Soudré de GESEB SARL en a reçus. Mais moi, non. Je n’ai jamais participé à une réunion. Je n’ai pas non plus apporté quoi que ce soit dans l’exécution des travaux. Je n’ai aucun technicien sur les lieux. Aucun membre du personnel chargé d’exécuter les travaux ne relève de COGEA International. Malheureusement, l’effondrement du bâtiment a provoqué des morts. Je présente mes condoléances aux familles éplorées et prie pour le repos des âmes des personnes disparues. Je souhaite également prompte rétablissement aux blessés.

Vous dites n’avoir pas eu d’information de la part de GESEB SARL concernant l’exécution des travaux. Mais pourquoi n’être pas vous-mêmes allé aux informations étant donné que vous êtes en groupement ?

GESEB SARL est le chef de file du groupement. C’est elle qui conduit les travaux. J’aurais voulu être régulièrement informé. Mais je n’ai jamais été impliqué à quelque niveau que ce soit, mis à part ma contribution concernant le chiffre d’affaires. Logiquement, s’il y a un courrier, étant donné que COGEA International est membre de ce groupement, elle devrait recevoir ampliation. Si quelqu’un prétend m’avoir informé concernant l’exécution de ce contrat, qu’il me présente les preuves. Je répète qu’à ce jour, je ne connais ni le montant exact du marché, ni la date de démarrage des travaux.

Ces informations sont pourtant contenues dans les tous premiers documents du marché, notamment le contrat. On a l’impression que la communication s’est complètement rompue entre vous et monsieur Soudré après l’obtention du marché. Que s’est-il réellement passé ?

Je lui ai apporté un soutien gratuit. Je n’attendais rien en retour. Mon objectif était de permettre à cette entreprise d’avoir aussi ses chances, de pouvoir prospérer, aider à la résorption du chômage et participer au développement de notre pays. Je n’ai rien demandé en retour. Il est possible que dans le cadre de certains marchés, des acteurs demandent un pourcentage donné du montant.

Concernant le marché pour l’exécution du lot M3 dont le groupement a été attributaire, il n’y a rien eu dans ce sens. Je m’attendais tout de même à être informé régulièrement de l’évolution des travaux. Malheureusement, GESEB SARL ne nous est pas revenue pour nous faire le point. Etant donné que je n’exigeais rien en retour concernant une quelconque rétribution, je n’ai pas voulu faire pression sur cette entreprise, préférant la laisser exécuter sereinement les travaux.

Mon objectif était de permettre à cette entreprise d’avoir aussi ses chances, de pouvoir prospérer, aider à la résorption du chômage et participer au développement de notre pays. Je n’ai rien demandé en retour.

Les faits sont tout de même extrêmement graves, l’effondrement du bâtiment ayant provoqué la mort de sept personnes de même que des blessés. Comment analysez-vous cela ?

J’en tire leçon. J’ai été un peu naïf. Certes, le fait d’accompagner GESEB SARL a été un facteur qui lui a permis d’avoir le marché, mais j’aurais dû suivre l’évolution et l’exécution du marché pour m’assurer que tout allait bien. Malheureusement, je n’ai pas obtenu d’informations me permettant de suivre les différentes étapes de l’exécution du marché. Si j’avais obtenu les documents nécessaires, j’aurais pu contribuer, savoir ce qui a été recommandé et aider à ce que cela soit conforme pendant l’exécution des travaux, donc satisfaire aux conditions du marché.

Que s’est-il passé lorsque, le 31 décembre, vous êtes arrivé sur le lieu du drame ?

Lorsque je suis arrivé, j’ai constaté que d’autres responsables d’entreprises chargés d’exécuter des travaux sur d’autres volets de l’aéroport étaient présents. Monsieur Soudré de GESEB SARL également. Nous avons ensemble participé à l’extraction des corps des personnes qui étaient dans les décombres. J’en ai profité pour lui demander ce qu’il s’était réellement passé. Selon lui, c’est probablement lors du coulage qu’un étais des dalles a été touché. Une dalle s’est ainsi effondrée.

En tant qu’acteur du domaine, quelles sont, selon vous, les autres raisons qui pourraient expliquer un tel effondrement ?

Il y a plusieurs facteurs. D’abord la qualité des agrégats comme le fer et le béton. En la matière, le calcul biotechnique des agrégats doit être bien fait. Le béton doit être calibré en fonction de cela. Le Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics devait donner son point de vue sur la question. La mission de contrôle devrait également suivre cette étape. Je ne sais pas si cela a été respecté. Si c’est le cas, tant mieux.

Mais en plus, sur un tel chantier, des dispositions adéquates doivent être prises concernant les étais. Il faut éviter que quelqu’un les touche pendant le coulage du béton. Si un ou deux étais bougent, cela peut entrainer un déséquilibre de la dalle.
Si la qualité des agrégats et le dosage sont respectés, le problème pourrait se situer du côté des calages des nœuds, des fers, etc. En plus, si le personnel n’est pas qualifié pour exécuter un tel travail, des problèmes vont toujours survenir. Il y a plusieurs facteurs et cela demande une expertise pour mieux comprendre les raisons de l’effondrement du bâtiment.

Pour l’exécution des travaux, GESEB SARL vous a-t-elle contacté pour vous demander une contribution en personnel ?

Je dispose de techniciens qualifiés. Mais je n’ai jamais été approché dans ce sens, ni associé à l’exécution pratique des travaux. Sinon, je lui aurais conseillé des techniciens bien outillés pour les travaux. Il en existe au Burkina, en mesure d’exécuter convenablement des travaux de ce type. C’est une situation que l’on pouvait éviter.

Pour terminer, avez-vous, du fond du cœur, autre chose à ajouter que l’on n’a pas jusque-là abordé dans cette interview ?

Je voudrais une fois de plus présenter mes condoléances aux familles attristées, prié pour que les âmes des disparus reposent en paix et que les blessés recouvrent la santé. Je suis personnellement affligé par cette situation parce que j’ai voulu simplement aider un ami et cela a mal tourné. J’invite donc toutes les entreprises à la vigilance. Il faut toujours vous assurer, lorsque vous êtes en groupement, que l’exécution des travaux se déroule selon les normes prescrites dans le dossier d’appel d’offres et dans les documents contractuels.

Propos recueillis par Hervé D’AFRICK
COURRIER CONFIDENTIEL

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