Les autorités de la Transition semblent vouloir changer de paradigme en matière de coopération militaire avec la France. Selon un scoop rapporté par l’Agence d’information du Burkina (AIB), le gouvernement burkinabè a dénoncé l’accord du 17 décembre 2018 qui régit la présence des Forces françaises sur le territoire national. Cette décision a été prise depuis le 18 janvier dernier, sous le magistère du capitaine Ibrahim Traoré. En attendant d’en savoir davantage, les 400 éléments des Forces françaises de l’opération Sabre, basés à Kamboinsin à la sortie-nord de Ouagadougou, ont un mois pour quitter le territoire burkinabè. Ce départ doit permettre aux forces combattantes nationales de prendre entièrement en charge le combat contre l’hydre terroriste qui hante les Burkinabè depuis 2015. Avoir un allié qui, visiblement et en théorie, est plus apte que vous à solutionner une question pressante et qui, dans les faits, ne fait pas mieux que vous, ne peut que déboucher sur cette situation de rupture de confiance et de collaboration. Le bilan de presque dix ans de lutte engagée par le peuple burkinabè, à travers ses vaillantes Forces de défense et de sécurité (FDS), ne fait pas honneur à ceux qui ont accouru auprès du Burkina Faso pour lui proposer une solution.
La décision du gouvernement actuel n’est pas une nouveauté dans l’histoire du pays. A l’origine, dans les années postcoloniales, la République de Haute- Volta, alors dirigée par Maurice Yaméogo, faisait partie des rares pays qui ont ouvertement dénoncé la présence militaire française sur son sol. Cette image héroïque des soldats voltaïques s’installant dans le camp Ouezzin-Coulibaly de Bobo-Dioulasso traduisait un acte de courage et de détermination qui accompagnera le pays dans toutes ses situations sécuritaires. Ces dernières années, dans le G5 Sahel, le Burkina Faso se demarquait, en refusant l’aide systématique de Barkhane dans ses interventions militaires, sauf sur demande express, au moment où la communauté internationale indexait le Burkina comme étant « le ventre mou », le maillon faible de la coalition. Cette décision de rupture du gouvernement burkinabè ne surprend donc que ceux qui se refusent d’observer la nouvelle donne sociale dans les pays africains. Elle s’inscrit en droite ligne du sens souhaité par les Burkinabè agacés par la présence d’un allié puissant et fort mais qui en termes de change ne donne pas toujours les résultats attendus.
C’est à ne rien comprendre par les populations qui sont convaincues que l’engagement du partenaire à la fois traditionnel et stratégique prenait des allures de « jeu de dupes ». En 2018, quand le président Roch Marc Christian Kaboré signait cet accord, l’objectif était clair : « renforcer la coopération face à une recrudescence d’attaques djihadistes ». Le Président français, Emmanuel Macron, dans l’euphorie avait même affirmé que « la France restera un partenaire indéfectible face à ce défi qui peut s’entendre simplement par : aider les FDS à avoir le dessus sur des terroristes ». Cinq ans après la signature de l’accord du 17 décembre 2018, le constat s’impose de lui-même. Quand l’ambassadeur de cette même France au Burkina Faso, Luc Hallade, demande à ses compatriotes vivant sur le sol burkinabè de ne pas fréquenter certaines villes du pays, quand la France peint le pays en rouge, synonyme de destination à ne pas fréquenter, cela sonne comme un aveu d’échec de cette France là-même qui venait pour soutenir le Faso. Le Burkina a donc décidé de prendre ses responsabilités.
Cette décision pourrait être lourde de conséquences, mais en la matière, le pays a opté d’être seul que mal accompagné, en attendant sans doute de se trouver d’autres partenaires. Somme toute, la décision de Ouagadougou entre en droite ligne d’un processus engagé depuis le 30 septembre dernier et qui revisite tous les accords léonins signés avec des partenaires et fragilisant un pays, dont la population résiliente, forte et déterminée n’entend pas brader son indépendance. La lutte sera âpre. Mais le pays, à l’image du roseau, va par moments plier, mais ne rompra jamais, au nom de la dignité d’une génération qui se sait attendue par son peuple. L’opération militaire française, Sabre, a donc jusqu’au 18 février pour emballer le drapeau tricolore et quitter le Burkina. Un pays en pleine réorganisation sécuritaire et qui, dans un laps de temps, a pu voir près de 100 000 de ses filles et fils, de toute conditions, de tout âge, s’enrôler pour la défense de la patrie. Cela témoigne de la détermination des Burkinabè à mener, avec leurs propres forces et moyens, cette guerre imposée.
Par Assetou BADOH badohassetou@yahoo.fr