Burkina : Le Rassemblement pour le salut national propose la mise en place d’une transition dirigée par un civil et un militaire
Face à la « tristesse, aux pleurs et aux lamentations du peuple burkinabè meurtri dans son âme et sa chair » et préoccupé par une situation nationale assez explosive au regard des signaux que celle-ci laisse voir dans son volet sécuritaire et politique, des citoyens ont décidé de porter sur les fonts baptismaux le Rassemblement pour le salut national (RSN). C’est une organisation de la société civile qu’il veulent démocratique et sans affiliation partisane. Ils lancent, a travers les lignes qui suivent, un appel au rassemblement autour de certaines valeurs cardinales et repenser la co-construction d’un État Burkinabè nouveau.
DECLARATION
Chers compatriotes,
Chers amis du Burkina Faso,
L’évidence d’un sursaut national et patriotique pour le salut de notre pays s’impose à nous de façon flagrante aujourd’hui. Il n’y a absolument pas de doute à se faire quant à l’urgence de la situation. Le Rassemblement pour le Salut National (RSN) appelle les filles et fils du Burkina Faso de l’intérieur et de la diaspora à se rassembler pour donner toutes les chances à un processus de salut à tous. En tant qu’organisation citoyenne de la société civile, démocratique et sans affiliation partisane, il est attaché aux valeurs séculaires fortes que sont la tolérance, la réconciliation, le dialogue, la justice, l’unité, la solidarité, le pardon …, qui constituent le socle de notre société et la fondation de son identité. Si le RSN a vu le jour, c’est au regard de la tristesse, des pleurs et des lamentations du peuple burkinabè meurtri dans son âme et sa chair, sans oublier les appels au secours, à l’aide et à la délivrance des femmes, des enfants, des personnes âgées martyrisés des campagnes et des villes par cette tragédie connue de tous qu’est le terrorisme qui, par ailleurs, n’a que trop duré ; et auquel nous avons l’obligation et le devoir historique d’y mettre fin.
Le tribut payé dans cette crise sécuritaire est beaucoup trop lourd en larmes, en sang et en biens. Depuis neuf années maintenant, ce sont des dizaines de milliers de morts, plusieurs centaines de milliers d’écoles fermées et d’enfants déscolarisés ; plus de 02 millions de déplacés dont des dizaines de milliers de refugiés à l’étranger et près de 40% du territoire nationaloccupé par les terroristes dont plusieurs localités entières sous blocus.
Le peuple burkinabè aura dignement supporté d’énormes sacrifices, privations et contraintes pour soutenir les gouvernements successifs dans la lutte farouche engagée contre le terrorisme.Les populations ont renoncé à d’importants privilèges sociaux, droits et devoirs ; parfois, elles ont cédé des portions de leurs libertés. Elles ont vaillamment participé au financement de l’effort de guerre avec leurs maigres revenus et se sont enrôlées comme volontaire pour la défense de la patrie. Mais, en dépit de la mobilisation patriotique notable ainsi que tous les efforts hautement consentis par les forces de défense et de sécurité, les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et les populations de toutes les catégories sociales, l’ennemi est toujours présent et les effets néfastes de l’insécurité, sans cesse alarmants, s’accumulent chaque jour qui passe en termes humains, sociaux, économiques et matériels. Notre pays court aujourd’hui le risque sérieux de l’enlisement total sans que, jusque-là, des perspectives d’espoir réelles ne soient palpables. L’incertitude est grande quant à une solution immédiate et durable pour nous sortir de la crise et qui permettrait d’espérer la paix, la sécurité et la stabilité, comme c’est le vœu le plus cher des populations pour une relance du pays sur la voie d’un avenir rassurant. Le RSN, qui ne désespère point du peuple burkinabè quant à ses ressources intrinsèques pour vaincre le terrorisme, avoue cependant être préoccupé par une situation nationale assez explosive au regard des signaux que celle-ci laisse voir tant dans son volet sécuritaire que celui politique à deux mois de la fin de la transition.
Cela ne fait l’ombre d’aucun doute, sous le pouvoir du président Ibrahim Traoré, les actes de violence politique se sont multipliés et ont atteint des degrés déplorables pour un Burkina Faso jadis Etat de droit, où les libertés étaient respectées et protégées. Lesdits agissements contraires aux droits de l’homme, comme on a pu le constater, ont fait l’objet d’une vive réprobation des Burkinabè qui rejettent aujourd’hui encore, comme cela l’a toujours été, ces violations intolérables que sont les enlèvements de personnes, les arrestations arbitraires, les disparitions, les séquestrations, les tortures, les enrôlements forcés et l’exile de journalistes et de leaders d’opinion contraint de vivre hors du pays pour leur sécurité. Cette situation politique déjà précaire et crispée est renforcée ces derniers temps par la radicalisation des positions, les menaces et les intimidations autour de la fin de la transition. Ce contexte national caractérisé par une tension palpable fait craindre une confrontation fratricide dans notre pays dont le casus belli pourrait être une volonté de prolongation unilatérale de la période de transition.
Notre histoire politique a toujours été le théâtre de nombreux soubresauts sociopolitiques liés à la dévolution du pouvoir. De tout temps, et particulièrement ces dix dernières années, se sont succédées des crises sociales, politiques et militaires répétitives sur fond de contradictions violentes et de querelles de personnes ou de clan. C’est pourquoi, dans cette quête d’une solution durale à la crise multidimensionnelle que vit notre pays, nous appelons à nous rassembler autour de certaines valeurs cardinales et repenser la co-construction d’un État Burkinabè nouveau : un État Burkinabè qui fait de nos différences une richesse et non un handicap.
Dans ce sens, nous invitons tous les acteurs à reconnaître avec lucidité, honnêteté et avec un souci de vérité quela crise du Burkina Faso comprend d’un côté le terrorisme qui se joue sur le terrain militaire et sécuritaire, et de l’autre côté, une crise sociétale profonde engendrée par les différentes crises politiques. Cette dernière, la crise sociétale, la plus pernicieuse et destructrice, prend ses racines très loin derrière, depuis de longues années et aussi dans un passé récent, dans les haines interpersonnelles, les ressentiments, les frustrations, les rancœurs, les vengeances et les règlements de comptes. Ce n’est certes pas le lieu de rappeler ces différentes crises sociopolitiques, mais des années restent mémorables pour ceux qui se rappellent notre propre histoire : 1966, 1974, 1980, 1982, 1983, 1987,2011, 2014, 2015, janvier et septembre 2022, pour ne citer que ces années-là. Cela parait bien triste et regrettable, mais il est nécessaire de le rappeler pour dire combienles acteurs sociopolitiques ont failli par leur incapacité d’être à la hauteur des enjeux et du devoir qui les attendaient. Ils n’ont pas été capables de se surpasser et d’être en mesure de dépasser leurs égos et égoïsmes de clans et de camps pour faire preuve d’unité, de responsabilité et de raison afin d’œuvrer au profit de l’intérêt général à des moments cruciaux de la vie de lanation où il était indispensable d’avoir une vision prospective sur les enjeux générationnels.
Par conséquent, nous basant sur toutes ces expériences, ces réalités et l’environnement national ; sur les échecs et les ratées dans les approches des crises antérieures et sur la sociologie politique et sociale de notre pays qui demeure un condensé de vieux contentieux, de différends, de meurtrissures que de ressentiments ; nous voudrions que chacun de nous prenne conscience de l’extrême fragilité de la nation. Il ne s’agit pas de privilégier les intérêts de Pierre ou de Paul, encore moins de les défendre ; mais de notre responsabilité morale et historique devant la menaced’un chaos national synonyme de l’hypothèque de l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants.
Il est donc plus que temps d’avoir en esprit l’équation nationale et d’emprunter définitivement la meilleure voie qui nous éviterait à l’avenir tous ces drames qui n’ont pas seulement pour cause la fatalité, mais sont aussi les résultats de notre manque de sagesse et de bonne foi. Car par faiblesse ou par opportunisme, nous avons adopté hier des comportements d’exclusion de l’autre, de catégorisation, de préjugés, de division, d’adversité etc. Lesquels ont alimenté et continuent d’alimenter le cycle de la vengeance et des règlements de comptes interpersonnels ou de clans qui pourrissent malheureusement notre vie nationale, depuis des années. Ce cycle infernal et nocif pourrait encore se perpétuer, continuellement, par transmission de génération en génération ; ruiner et détruire les espoirs d’une nouvelle société burkinabè plus saine, unie, pacifique et prospère dont nous rêvons d’avoir, afin de prendre notre place au sein de la communauté des grandes nations.
Aujourd’hui le Burkina Faso vit des heures très sombres et notre passé est teinté de regrets, de culpabilisation et de frustrations face à nos multiples incuries et gâchis qui nous interpellent cruellement et nous enjoignent à opérer un changement au plus profond de nous-mêmes, en nous posant les bonnes questions sur notre responsabilité individuelle et collective ayant contribué à pousser notre pays au fond du précipice. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, et la dignité et l’honneur commandent chez l’homme intègre qu’il se relève fièrement chaque fois qu’il trébuche. Nous devons humblement reconnaître nos erreurs aussi minimes soient-elles et prendre, hic et nunc, la résolution ferme que nous ne devons plus jamais agir à travers des actes et des paroles qui modifient dangereusement la trajectoire du pays, gâchent ses chances de progrès et le met en retard dans son processus d’évolution. Pour ce faire, nous devons donc briser cette chaîne de la haine inter-Burkinabè d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Nous devons ouvrir courageusement une nouvelle page de l’histoire de notre pays ; laquelle nous offrira de nouvelles perspectives et des espérances meilleures au travers d’un nouveau départ qui passe obligatoirement par le rassemblement des intelligences, des énergies et des forces.
Cette démarche plutôt de renaissance sociale n’appelle pas à une amnésie collective. Bien au contraire, elle nous exhorte à nous saisir de notre histoire et de notre mémoire collective les éléments positifs et nécessaires qui apportent une plus-value aux luttes et aux enjeux futurs de notre nation. C’est à nos yeux le seul et l’ultime sacrifice qui s’impose à tous les Burkinabè. Car c’est le gage crédible et réaliste pour la sortie de notre pays des abysses de sa destruction amorcée. Ce choix doit être fait par nous, sans conditions et sans tergiversations, si nous aimons et tenons au sauvetage et à la reconstruction de notre pays dans un esprit collectif, d’unité, de solidarité et de fraternité pour en faire une nation stable, forte et prospère.
Nous encourageons toutes les initiatives qui se sont déjà exprimées avant nous et celles qui viendront à la suite et qui ont tenu à réaffirmer à l’unisson avec intransigeance les principes de l’Etat de droit, des libertés civiques, de la démocratie et de la paix que le peuple souverain du Burkina Faso s’est choisi comme modèle de société, et gravé dans sa loi fondamentale, que nul ne peut et ne doit être autorisé à remettre en cause. Le RSN invite les uns et les autres de tous bords à faire fi des contradictions pour aller à une convergence, sans tarder, afin de réussir cette nécessaire intelligence collective autour d’un consensus minimal salvateur de la république, qui nous conduira au sursaut patriotique indispensable, au-delà des particularismes, des sensibilités, des courants et des obédiences divers. Si nous acceptons que notre diversité, nos différences et notre pluralité nous définissent idéologiquement et socialement, nous devrons, en revanche, refuser qu’elles nous condamnent et nous enferment dans des antagonismes ou dans des ghettos interminables et insurmontables au nomde toutes les valeurs humaines, spirituelles et sociales positives que nous prônons et auxquelles nous croyons tous. Parce que nous n’avons pas compris les choses de cette façon, notre pays se retrouve face à la plus grande impasse de son histoire qu’est le terrorisme qui a entrainé avec lui la quasi-faillite de l’État, la négation de la démocratie et le retour de la république sous la tutelle du régime militaire.
Le RSN salue la mémoire des dignes fils, civils et militaires, tombés dans cette guerre et manifeste une vive compassion à l’endroit des veuves, des orphelins, des familles endeuillées et de la nation entière. Nous restons convaincus qu’une nouvelle dynamique sociopolitique est possible grâce au rassemblement et au compromis social des filles et fils du Faso qui donneront une porte de sortie honorable vers la paix et la reconstruction du Burkina Faso. Pour correspondre à cet idéal, il s’avère donc impératif de mettre en place un pacte civique fort portée par une large coalition républicaine regroupant toutes les forces sociales, culturelles et politiques de notre pays.
En tout état de cause, considérant la décision des autorités de convoquer des assises nationales pour discuter de la suite de la Transition, ainsi que la volonté manifestée à travers des déclarations publiques de ces dernières, soutenues par leurs partisans à travers des meetings géants, de ne pouvoir organiser des élections dans les délais comme convenu avec le peuple et la communauté internationale ; prenant en compte les oppositions et les déclarations appelant à la résistance à toute prorogation de la durée de la Transition exprimées par les structures citoyennes et politiques et les voix importantes qui exigent le respect de l’échéance de la transition inscrite dans la Charte et la mise en place d’une transition civile ; le RSN voudrait attirer l’attention sur les risques d’une crise sociopolitique qu’engendrerait toute idée de prolongation unilatérale de la transition dont les conséquences ne seront que désastreuses. En effet, une telle démarche s’assimilerait à une confiscation du pouvoir contre la volonté du peuple souverain.
En conséquence, le RSN exige des autorités ce qui suit :
1. le respect du délai imparti à la transition par la Charte fixant son terme au 1er juillet 2024 ;
2. la dissolution des organes de la Transition et la convocation d’une conférence nationale souveraine afin de mettre en place une transition civile avec une présidence et une vice-présidence dirigées respectivement par un civil et un militaire désignés par les anciens chefs d’Etat au terme du délai imparti à la présente transition ;
3. la mise en place d’un Gouvernement de concorde nationale conduit par un Premier ministre désigné par la société civile ;
4. l’arrêt de toutes les mesures de répression et de représailles politique et judiciaire ainsi que le respect du pluralisme des opinions ;
5. la libération sans conditions des personnes enlevées ou séquestrées et le respect des décisions de justice ;
6. le retour de tous les exilés filles et fils du Burkina Faso pour prendre part à tous les cadres de discussions concernant l’avenir du Burkina Faso.
Enfin, le RSN exhorte les autorités et singulièrement le Président Ibrahim Traoré à la sagesse et à la retenue ; appelle dans ce sens les autorités coutumières et religieuses, les acteurs sociopolitiques à assumer pleinement leur responsabilité face au risque d’une déflagration de notre pays ; prend l’engagement de faire connaître ses positions suivant l’évolution de la situation nationale et toute démarche nécessaire pour aboutir à un rassemblement pour le salut national.
Gloire, honneur et dignité au peuple !
Victoire au peuple en lutte !
Pour le Comité Exécutif
Le porte-parole
Dr Arouna LOURÉ