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<p><strong>A deux jours de leur tenue, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a, de concert avec ses partenaires, organisé, ce jeudi 23 mai 2024 à Ouagadougou, un dialogue démocratique autour des assises nationales, aux fins de permettre aux acteurs de donner leur lecture sur ce cadre marquant la fin de la Transition en cours et envisager des propositions de solutions. La communication inaugurale de cette journée de réflexion a été administrée par le constitutionnaliste, Pr Abdoulaye Soma, sur le thème : « Assises nationales : quel nouveau pacte républicain pour la sauvegarde du Faso ? ».</strong></p>
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<p>C&rsquo;est devant un public composé de diverses sensibilités, que le communicant, le constitutionnaliste et député à l&rsquo;Assemblée législative de Transition, Pr Abdoulaye Soma, a déroulé la communication inaugurale sur le thème, qu&rsquo;il qualifie de « brûlant », au regard du contexte. ‘&rsquo;Notre nation ne se trouve pas à la croisée des chemins, elle se trouve dans un champ où il faut, avec prudence, poser chaque acte, si l&rsquo;on veut prendre les orientations que suggère la thématique. (&#8230;). Notre nation doit tenir des assises, c&rsquo;est-à-dire qu&rsquo;on a dû se rendre compte, on a pris la mesure de la gravité de la situation nationale et de la nécessité de statuer, de faire cette rencontre importante pour régler les problèmes que soulève cette gravité de la situation nationale. Et vous savez que les assises ont été suggérées par l&rsquo;Assemblée législative de Transition par l&rsquo;adoption de la loi sur la convocation des assises le 26 avril dernier et la loi autorise le président à convoquer les assises. Et nous y sommes, nous y allons”, a introduit le communicant.</p>
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<p>Dans le vif du thème, le constitutionnaliste a d&rsquo;abord mis en exergue le terme “pacte”, qui revêt, par rapprochement au sens africaniste, un caractère de “sacré”, souligne-t-il. « C&rsquo;est un accord, donc on doit croire que toutes les parties seront assez intègres pour respecter, dans la mesure où le sacré est à respecter dans nos cultures, nos sociétés et conceptions africaines de la parole donnée. C&rsquo;est-à-dire qu&rsquo;on doit se croiser pour se donner la parole, pour convenir des choses, faire des accords, poser un contrat social national dont le respect doit s&rsquo;imposer à chacun », déblaie ensuite le constitutionnaliste, précisant que l&rsquo;objet des assises doit être de parvenir à la conclusion de ce pacte, ce contrat social. Mais pour y parvenir, avise le Pr, les assises ont besoin de liberté, de sincérité, de tranquillité, d&rsquo;intégrité. « Si on se pose la question par rapport aux assises, quel nouveau pacte pour la sauvegarde du Faso, on doit chercher à savoir quelles sont les conditions dans lesquelles les assises doivent produire ce nouveau pacte pour la sauvegarde du Faso. Dans quelles conditions ces assises peuvent-elles réussir à atteindre cet objectif ? Il me semble que l&rsquo;interrogation est fondamentale ; fondamentale pour le Burkina Faso, en ce sens que le pays peut se stabiliser, se tranquilliser, se sécuriser, en fonction de ce qu&rsquo;on fera et en fonction de ce qu&rsquo;on dira dans les assises. Malheureusement, le pays peut aussi péricliter, se déstabiliser, s&rsquo;insécuriser en fonction de ce qu&rsquo;on dira, de ce qu&rsquo;on fera dans ces assises « , situe-t-il l&rsquo;enjeu. Raison pour laquelle estime-t-il qu&rsquo;au thème déjà chaud, il faut éviter d&rsquo;ajouter de la passion.</p>
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<p>“C&rsquo;est pourquoi, j&rsquo;ai pris ici l&rsquo;orientation d&rsquo;enlever mon habit marqué par mon sentiment personnel, mes préférences et opinions personnelles, pour être habité par l&rsquo;esprit patriotique, par l&rsquo;objectivité scientifique, par l&rsquo;intérêt supérieur de notre nation. Pour moi, et pour notre nation, si on convoque des assises, c&rsquo;est pour espérer qu&rsquo;elles trouvent une solution. D&rsquo;où une opportunité à saisir. Mais pour que ces assises soient une opportunité à saisir, il faut que nous délaissions toutes nos oppositions sentimentales, émotionnelles, qui se structurent autour des assises (donc, on est en face d&rsquo;une conflictualité à dessaisir) », pose Pr Abdoulaye Soma.</p>
<p>Après avoir ainsi campé le décor général, le député à l&rsquo;Assemblée législative de Transition a poursuivi sa communication à travers deux grands axes, consistant à présenter les assises comme, d&rsquo;une part une opportunité à saisir et, d&rsquo;autre part une conflictualité à dessaisir.</p>
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<p><strong>“ les assises ne font pas partie des procédures de révision de la Charte, à moins que&#8230;” </strong></p>
<p>Sur le premier volet, une opportunité à saisir, le communicant explique qu&rsquo;il est évident que tous les acteurs impliqués dans la convocation des assises du chef de l&rsquo;Etat, de l&rsquo;Assemblée législative de Transition, du Comité d&rsquo;organisation des assises, de toutes les composantes dans la nation, de tous les citoyens, tout le monde fonde l&rsquo;espoir que les assises fassent progresser. Donc, les assises peuvent et sont une opportunité à saisir. “Et cette opportunité est à saisir pour non seulement avoir un nouveau contrat transitionnel, mais aussi pour mettre en place un nouveau format transitionnel”, envisage Pr Soma, pour qui, le nouveau contrat transitionnel est subordonné à l&rsquo;issue des assises. “Qu&rsquo;est-ce que les assises vont pondre, quel type de document les assises vont produire ? C&rsquo;est un questionnement fondamental auquel, peut-être, on n&rsquo;a pas pu penser avant de convoquer les assises. C&rsquo;est une question de droit, parce que les assises et la Transition sont fondées sur le droit. Donc, la question qui se pose, c&rsquo;est quel type de document constitutionnel que les assises doivent produire. Est-ce qu&rsquo;il peut s&rsquo;agir d&rsquo;une révision de la charte de Transition ? A cette question, on a une réponse objective et juridique à travers la Charte de la Transition elle-même. La Charte de la Transition d&rsquo;octobre (2022) dispose clairement sur sa procédure de révision, dans laquelle il y a l&rsquo;initiative de la révision”, relève le constitutionnaliste, rappelant que pour l&rsquo;initiative de la révision, seuls le président de la Transition et l&rsquo;Assemblée législative de Transition ont l&rsquo;initiative de la révision. Cependant, et jusque-là, aucun de ces organes n&rsquo;a pris l&rsquo;initiative d&rsquo;une révision de la Charte de la Transition.</p>
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<p>“En tout cas, les assises ne font pas partie des organes ou des procédures de révision de la Charte de la Transition. Cela veut dire simplement qu&rsquo;on ne peut pas s&rsquo;attendre à ce que les assises produisent une révision de la Charte de la Transition. Ce que je dis est fondamental, parce qu&rsquo;en vérité, dans la convocation des assises, il est recherché de toute façon, une situation transitionnelle. On ne peut pas rentrer dans une situation constitutionnelle normale avant la fin de la Transition actuelle, c&rsquo;est-à-dire le 1er juillet 2024. Donc, il est tout à fait certain, dans l&rsquo;esprit de chacun, que le 2 juillet 2024, on sera en Transition, de toute façon. Mais, sur la base de quel texte de Transition ? Il ne peut pas s&rsquo;agir d&rsquo;une révision de la Charte actuelle de Transition, parce qu&rsquo;on n&rsquo;a pas mis en mouvement la procédure de révision de la Charte de la Transition pour convoquer les assises. Donc, les assises doivent produire un document qui est autonome, indépendant, différent d&rsquo;une Charte révisée. A moins qu&rsquo;à la conclusion des assises, on récupère les résultats pour les injecter dans une révision de la Constitution. Donc, les assises peuvent produire, et doivent produire, une nouvelle Charte de Transition ; parce que celle actuellement en vigueur a une date d&rsquo;abrogation (expiration) qui est le 1er juillet”, édifie le constitutionnaliste.</p>
<p>En clair, affirme-t-il, ne pas réviser cette charte de Transition implique nécessairement l&rsquo;adoption d&rsquo;une nouvelle Charte lors des assises. Selon ses explications, les assises nationales devraient donc, en tant qu&rsquo;instrument constitutionnel, aboutir, non pas à une révision de la Charte de la Transition (les assises n&rsquo;étant pas faites pour la révision de la Charte de la Transition, selon la charte elle-même), mais produire un instrument constitutionnel nouveau, un nouveau pacte transitionnel pour une nouvelle Transition. Se pose donc, poursuit Pr Soma, la question du format de la Transition qui se dessine. “Quand on convoque des assises nationales, on convoque la nation, et quand on convoque la nation, c&rsquo;est pour que la nation se parle, s&rsquo;unisse, décide, soutienne ce qui sera conclu par les assises nationales. Donc, on devra aboutir à un format de transition décidé par la nation, soutenu par l&rsquo;ensemble de la nation et animé par l&rsquo;ensemble de la nation. Donc, un format soutenu par les forces-vives de la nation”, décortique le député à l&rsquo;Assemblée législative de Transition avant de marquer un arrêt sur la notion de “forces-vives”.</p>
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<p>Il évoque à ce sujet, ce que le droit constitutionnel burkinabè donne comme contenu. “16 novembre 2014, le Conseil constitutionnel a décidé, dans le contexte de la Transition, lorsqu&rsquo;il a constaté la vacance du pouvoir, qu&rsquo;il n&rsquo;y avait pas de président de Transition, il a appelé dans sa deuxième décision, les forces-vives le de la nation à se concerter pour la désignation d&rsquo;un président de Transition. La décision est disponible. Donc, au sens du Conseil constitutionnel, une Transition doit se faire sur concertations des forces-vives de la nation. Je peux considérer que les assises nationales devraient être (ou pourraient être) cette concertation des forces-vives de la nation. Et quelles sont les forces-vives de la nation ? Dans la dynamique de la décision du Conseil constitutionnel, les forces-vives de la nation sont les forces de défense et de sécurité, les autorités coutumières et religieuses, les partis et formations politiques, les organisations de la société civile”, renseigne l&rsquo;enseignant, concluant sur ce point que ce sont, là, les acteurs à réunir pour porter la nation et pour, selon les considérations du Conseil constitutionnel, sauvegarder le Faso.</p>
<p><strong>“ Personne n&rsquo;est tranquille avec autant de tentatives de coups d&rsquo;Etat” </strong></p>
<p>Mais pour qu&rsquo;il en soit ainsi, avertit-il, il y a la conflictualité à dessaisir. Cette conflictualité à dessaisir se réfère simplement aux tensions qui se manifestent, se structurent, se propagent dans la société, brandit le communicant. “Et cette conflictualité se rapporte autant au contexte spécial des assises qu&rsquo;au contexte général de la conduite de la nation”, dit Abdoulaye Soma, s&rsquo;appuyant entre autres sur les opinions qui traversent la nation burkinabè à l&rsquo;orée des assises. “Il y a ceux-là qui disent non aux assises. Deux non contradictoires aux assises. Non pour ceux qui ne veulent pas du tout voir le capitaine Ibrahim Traoré président ; le 1er juillet, il dégage. Il y en a aussi qui disent non aux assises, parce qu&rsquo;ils ne veulent même pas voir le capitaine Ibrahim Traoré être compromis comme président de la Transition, il faut qu&rsquo;il continue, si on veut, ad vitam æternam (pour la vie éternelle), pas besoin d&rsquo;assises pour aller prendre des risques de remettre en cause des choses que le capitaine a décidées. Ensuite, il y a des positions disant : on va boycotter les assises (on n&rsquo;aime pas le capitaine Ibrahim Traoré, on n&rsquo;aime pas son régime), gare à ceux qui participeront aux assises, et il y en a qui disent, il y aura des assises, quoi qu&rsquo;il en soit, même si c&rsquo;est avec deux personnes et ces assises seront sécurisées ; nous allons nous mobiliser pour encercler la salle des assises pour sécuriser les assises et, en filigrane, imposer ce qu&rsquo;on veut dans les assises. Voici la conflictualité qui impacte les assises dont il faut se rendre compte ; elle est explosive et on ne devrait pas vouloir cela pour la nation”, soulève Pr Soma avant de souhaiter donc que les assises se tiennent dans la liberté, la tranquillité, la sincérité, l&rsquo;intégrité, la sécurité.</p>
<p>“La nation, ce n&rsquo;est pas Ibrahim Traoré ; on l&rsquo;aime ou ne l&rsquo;aime pas, on doit aimer notre nation. Ce qu&rsquo;il faut rechercher dans les assises, ce n&rsquo;est pas le sort d&rsquo;une personne, c&rsquo;est le sort de notre nation qu&rsquo;il faut sauvegarder. Donc, pour qu&rsquo;on profite des assises, il faut dessaisir cette conflictualité”, insiste le communicant, qui interpelle alors tous les acteurs impliqués sur la nécessité de tenir un discours non-violent.</p>
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<p>“Il faut désamorcer la conflictualité autour des assises et à chacun de jouer son rôle. Nous devons tout faire pour que les assises prennent la couleur du rassemblement, de la coalition de la nation, de l&rsquo;union de la nation autour des grands objectifs que nous avons : sécurité, stabilité, vivre-ensemble. On n&rsquo;est nation qu&rsquo;en gouvernant ensemble. Réussir à désactiver la conflictualité spécifique, c&rsquo;est réussir les assises nationales. Des assises réussies, ce sont des assises dans lesquelles, l&rsquo;ensemble des forces-vives de la nation a parlé, a décidé, a déterminé les orientations et les objectifs, a porté et gère la Transition. Quand on désactive la conflictualité, on atteint les objectifs des assises”, prône-t-il, persuadé que désamorcer la tension spécifique, c&rsquo;est aussi désamorcer la tension générale.</p>
<p>“Je ne peux pas compter le nombre de tentatives de coups d&rsquo;Etat sous la Transition. Personne n&rsquo;est tranquille ; ni ceux qui gouvernent, ni ceux qui tentent ni ceux qui observent ni nous dans le peuple, qui n&rsquo;avons pas d&rsquo;armes. Personne n&rsquo;est tranquille avec autant de tentatives de coups d&rsquo;Etat. Il y a de la conflictualité sur plusieurs fronts. Il ne sert à rien de vouloir le bien d&rsquo;un peuple, le bien d&rsquo;une nation et d&rsquo;entretenir la conflictualité au sein de ce peuple, au sein de cette nation. L&rsquo;aigreur est destructrice. C&rsquo;est naturel, c&rsquo;est humain. Aujourd&rsquo;hui, la transition se structure entre partisans et opposants, ce n&rsquo;est pas la nature d&rsquo;une transition ; une Transition est de nature nécessairement populaire, dans le terme qu&rsquo;elle est portée par le peuple, les compartiments du peuple. Une transition n&rsquo;est pas partisane, elle est un accident constitutionnel et quand il y a un accident, tous les acteurs se mobilisent pour clarifier la situation. Il faut dessaisir cette conflictualité autour de la Transition, que ce soit la transition actuelle finissante que pour la nouvelle Transition qui arrive. Les fils et filles du Burkina Faso sont aujourd&rsquo;hui structurés à se tirer les ficelles de la nation à des côtés opposés. La nation s&rsquo;en sort stagnante, on ne progresse pas et quand on ne progresse pas, en réalité, on recule par rapport aux autres. Et quand on recule, on sent les difficultés du recul et nous les sentons, ces difficultés du recul”, a conclu Pr Abdoulaye Soma dans une posture d&rsquo;interpellation de l&rsquo;ensemble du peuple.</p>
<p><strong>O.L<br />
Lefaso.net</strong></p>
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