Démocratie en Afrique : « L’opposition aux régimes militaires s’est affaiblie de 11 points et le soutien aux élections de 8 points à travers 30 pays », rapport 2024 Afrobarometer
La Guinée, le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ces quatre pays ont connu il y a quelques trois années en arrière, des coups d’Etat qui ont renversé les pouvoirs démocratiquement élus. Pour bon nombre d’observateurs, ce « coup de force » a provoqué un violent recul de la démocratie dans ces contrées, quoique les dirigeants actuels aient prôné le changement de paradigme, la lutte contre la mal gouvernance et la corruption, la lutte contre le terrorisme pour certains et le repositionnement de leurs pays sur les rails du développement durable. Dans son rapport 2024 intitulé « La démocratie en danger- Le point de vue du peuple », le réseau africain et indépendant de recherches dénommé Afrobarometer, revient sur la perception qu’ont les citoyens des régimes militaires, soutenus aujourd’hui par les masses populaires, chiffres à l’appui.
Défiance des limites constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir, mal gouvernance, corruption à grande échelle, terrorisme, etc. sont autant de maux qui minent l’Afrique. Depuis 2020, dans certains pays de cette partie du monde, les militaires ont renversé les gouvernements élus, traînant par la même occasion un beau monde derrière leurs actions, lesquelles sont de plus en plus vues comme une rupture définitive d’avec les systèmes qui ont toujours maintenu l’Afrique dans la précarité. « Les indicateurs de la gouvernance démocratique et responsable livrés par les dirigeants élus ont soit diminué au fil du temps, comme pour le respect des présidents pour les tribunaux et le parlement, soit stagné à des niveaux très bas, comme dans le cas du traitement égalitaire devant la loi », mentionne le rapport, à la page 4.
En dépit de cette réalité des faits, sur 39 pays africains, le soutien à la démocratie demeure fort, en tout cas selon le rapport. « En effet, deux tiers (66%) des Africains disent préférer la démocratie à tout autre système de gouvernement. De fortes majorités rejettent la dictature (80%), le régime à parti unique (78%) et le régime militaire (66%). Cependant, à travers les 30 pays régulièrement sondés au cours de la dernière décennie, le soutien à la démocratie a régressé de 7 points de pourcentage, et même de 29 points en Afrique du Sud et de 23 points au Mali. L’opposition au régime militaire s’est affaiblie de 11 points à travers 30 pays, le plus dramatiquement au Mali et au Burkina Faso (respectivement de 40 et 37 points). Plus de la moitié des Africains (53% à travers 39 pays) sont disposés à accepter la prise du pouvoir par les militaires dans le cas hypothétique où les dirigeants élus abusent de leur pouvoir pour leurs propres intérêts… Le soutien aux élections a régressé de 8 points de pourcentage à travers 30 pays, bien qu’une grande majorité les considèrent toujours comme la meilleure méthode pour choisir leurs dirigeants », souligne le rapport, à la page 5.
Au sujet de l’offre de démocratie, 45% des Africains pensent que leur pays est une pleine démocratie ou une démocratie avec des problèmes mineurs, et 37% se disent satisfaits du fonctionnement de la démocratie dans leur pays. « A travers 30 pays, ces deux indicateurs ont décliné de 8 et 11 points de pourcentage respectivement au cours de la dernière décennie. La satisfaction vis-à-vis du fonctionnement de la démocratie a brusquement régressé dans certaines des plus grandes démocraties d’Afrique, notamment au Botswana (-40 points), à Maurice (-40 points) et en Afrique du Sud (-35 points) », lit-on dans le rapport.
Notons par ailleurs que d’autres indicateurs de l’offre de démocratie montrent également au moins un léger déclin de la qualité des élections et de la responsabilité du président devant le parlement et les tribunaux. « Compte tenu de l’importance du soutien citoyen pour la survie d’un projet démocratique, ces résultats soulignent le besoin crucial de restaurer la confiance dans la capacité des gouvernements africains à assurer une gouvernance démocratique et responsable », propose le rapport.
Erwan Compaoré
Lefaso.net