Sonko et Faye démarchent des passagers pour un train à terre (commentaire)
Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko veut persuader la Confédération des Etats du Sahel de revenir au sein de la CEDEAO. Il s’est rendu ce mardi 13 août 2024 à Bamako pour convaincre le Premier ministre Choguel Maïga et le président Assimi Goïta d’oublier les sanctions infligées à leur pays pour revenir au sein de cette institution sous-régionale.
Avant lui, son président Diomaye Faye s’était aussi rendu à Bamako puis à Ouagadougou, le 30 mai 2024, pour la même cause. Et si Ousmane Sonko et Diomaye Faye, les nouveaux dirigeants sénégalais annoncés comme des acteurs de la rupture, s’occupaient d’abord de la concrétisation de la monnaie unique de la CEDEAO et des réformes nécessaires qu’ils ont souhaitées pour cette institution ? Les populations ouest africaines ont besoin de preuves que la CEDEAO est encore viable et utile et que son gouvernail se trouve dans les mains de nos chefs d’Etat.
Faut-il le rappeler, la monnaie unique de la CEDEAO devrait voir le jour en 2004 à travers un processus accéléré d’intégration monétaire. 20 ans plus tard, beaucoup de rendez-vous manqués mais toujours pas de monnaie unique et demain n’est pas la veille.
Les questions d’intégration économique et de souveraineté monétaire évoquées dès 1987 dans le cadre du programme de coopération monétaire ne font plus parties des préoccupations de cette institution qui se présente de plus en plus sous les apparences d’un organisme spécialisé à veille citoyenne et à la certification des processus démocratiques en Afrique de l’ouest. N’a-t-elle pas envoyé des observateurs électoraux lors des consultations présidentielles en 2020 au Togo (22 février), en Guinée (18 octobre), en Côte d’Ivoire (31 octobre), au Burkina Faso (22 novembre), au Ghana (7 décembre) et au Niger (27 décembre) ? Et pendant ce temps, au même moment donc, le terrorisme paralysait le Sahel sans une réaction musclée de la CEDEAO contre les groupes terroristes et leurs soutiens.
Plutôt que de négocier le retour du Burkina Faso, du Mali et du Niger au sein de la CEDEAO, les dirigeants sénégalais devraient pouvoir mettre leur énergie positive à remettre sur de rails cette institution afin qu’elle redevienne fiable et utile aux peuples.
Les chantiers ne manqueront pas. En plus des textes à revoir pour les récentrer sur les objectifs originels et sur les vrais enjeux de l’Afrique de l’ouest, les peuples aimeront sans doute voir que les capitaux des différents ports de l’espace communautaires sont ouverts aux citoyens et aux Etats ouest africains de sorte à ce qu’il n’y ait jamais de blocage de marchandises en partance pour un pays, pour quelque raison que ce soit. On pourrait aussi penser à réaliser des projets d’intérêt sous-régional en mobilisant les ressources auprès des citoyens de la CEDEAO afin de concrétiser des rêves communs En tous les cas, d’importants projets structurants, les rails par exemple, dorment dans les tiroirs et attendent des leaders pour être mis en œuvre.
Et puis, on se demande bien en quoi le retrait des pays de l’AES de la CEDEAO peut nuire au fonctionnement de cette institution qui compte encore 12 membres, soit le double des membres de la Communauté des Etats de l’Afrique centrale (CEMAC, 6 Etats). D’autant plus que les absents sont souvent présentés comme de petits poucets comparativement aux géants Nigéria-Ghana côté anglophone, Côte d’Ivoire-Sénégal côté francophone, les locomotives de la région.
Il faut aussi rappeler que le Burkina Faso, le Niger et le Mali, restent toujours suspendus de la CEDEAO. Si Sonko et Faye se battent pour un bien partagé, et il n’y a pas de raison de douter d’eux, ils doivent au moins savoir que la France gaulliste et souverainiste a quitté l’organisation militaire intégrée de l’OTAN en 1966. La France a réintégré le commandement unifié de l’OTAN en 2009, sans que personne ne l’ait démarchée. Tandis que la Suède vient de briser sa neutralité historique pour se mettre sous la protection de l’Otan.
L’approche judicieuse des nouveaux dirigeants sénégalais devrait donc être de lancer la machine, de lever les doutes sur la CEDEAO perçue désormais comme un instrument aux mains de l’impérialiste puis que ses bonnes actions se résument en termes de sanctions iniques et affreuses contre ses propres
membres. Tout autre pari est perdu d’avance.
Mouor Aimé KAMBIRE