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Burkina/Flux financiers illicites dans le secteur minier : Enjeux et perspectives pour un développement durable

Le secteur minier burkinabè, souvent perçu comme une bénédiction pour l’économie nationale, se heurte en réalité à des défis colossaux liés à la gestion et à la transparence de ses revenus. Les flux financiers illicites (FFI), associés à l’exploitation minière, posent un problème majeur qui a causé des pertes économiques significatives au Burkina Faso. Selon un rapport cosigné par la société civile burkinabè et rapporté par l’Agence d’information du Burkina le 7 août 2024, les opérations frauduleuses dans l’achat et la vente des minerais ont fait perdre au pays plus de 2 700 milliards de francs CFA entre 2012 et 2021. Ce chiffre, alarmant par son ampleur, met en lumière les défis auxquels fait face le Burkina Faso pour garantir la transparence et la justice dans l’exploitation de ses ressources naturelles.

Les flux financiers illicites (FFI), représentent des fonds qui échappent au contrôle étatique par le biais de transactions illégales, de sous-déclarations, ou de fausses facturations dans les secteurs d’exportation comme celui des ressources minières. Le rapport de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE-Burkina), remis au ministre en charge de l’économie, Aboubakar Nacanabo, estime que sur la période de 2012 à 2021, la valeur des FFI liés à l’exploitation de l’or, du zinc, de l’argent et du manganèse s’élève à environ 2 774,59 milliards de francs CFA. Cette somme dépasse de loin les recettes officielles engrangées par l’État dans le secteur minier sur la même période, révélant ainsi un écart significatif entre les revenus potentiels et les recettes réelles perçues par le Trésor public.

La période post-insurrectionnelle, allant de 2014 à 2021, a vu une explosion de ces flux, avec une valeur cumulée de 3 686,75 millions USD, soit environ 2 212,05 milliards de francs CFA. Ce constat souligne non seulement l’inefficacité des dispositifs de contrôle en place, mais aussi l’impact des instabilités politiques et sociales sur la gestion des ressources naturelles.

Les conséquences des flux financiers illicites

Les FFI ont des conséquences dévastatrices sur l’économie nationale. En privant l’État de ressources financières importantes, ils limitent les capacités d’investissement dans des secteurs cruciaux comme la santé, l’éducation, et les infrastructures. Le manque à gagner dû à ces flux illicites pourrait être utilisé pour financer des projets de développement communautaire, réduire la pauvreté et améliorer le bien-être des populations.

De plus, ces flux illicites contribuent indirectement à l’alimentation du terrorisme et des conflits armés. Les fonds détournés sont souvent réinvestis dans des activités illégales, y compris le financement de groupes armés. En effet, le ministre Aboubakar Nacanabo a souligné l’importance de lutter contre ces flux, non seulement pour protéger l’économie, mais aussi pour assécher les sources de financement du terrorisme qui continue de déstabiliser la région.

Le nouveau code minier, une réponse législative

Face à cette situation, le Burkina Faso a adopté le 18 juillet 2024 un nouveau code minier, dont l’objectif principal est de renforcer le cadre légal régissant le secteur minier et de prévenir les pratiques frauduleuses. Ce code introduit des dispositions strictes visant à réprimer les infractions liées aux FFI dans le secteur minier.
À ce titre, plusieurs mesures ont été prises. C’est ainsi que l’article 220 prévoit des peines pour toute personne impliquée dans la falsification ou la modification frauduleuse de titres miniers, la fourniture de renseignements inexacts pour obtenir un titre minier, ou encore la modification illégale des périmètres attribués. Les sanctions prévues, vont de cinq à dix ans d’emprisonnement, accompagnées d’une amende allant de dix millions à cinquante millions de francs CFA.

Selon l’article 223, les substances minérales extraites illicitement vont être confisquées au profit de l’État. De plus, les instruments de travail et les moyens de transport utilisés dans ces activités illégales seront également saisis.

L’article 276, lui, punit sévèrement les bénéficiaires de flux financiers provenant de trafics illicites d’or ou d’autres substances précieuses. Les peines vont d’un à cinq ans d’emprisonnement, en plus d’une amende équivalente au double de la valeur des substances impliquées dans le trafic.

Quant aux articles 280 et 283 : les infractions liées à la commercialisation de l’or et des autres substances minérales seront désormais constatées par un large éventail d’agents habilités, y compris les officiers de police judiciaire, les agents des douanes, et les agents assermentés de diverses administrations. Les perquisitions et saisies peuvent être effectuées à toute heure, garantissant ainsi une répression plus efficace des activités illégales.

Pour s’assurer que les enquêtes sur les flux illicites ne soient pas entravées, l’article 289 dispose que seul le secret médical et le secret défense peuvent être opposés aux membres de l’organe de coordination des activités de lutte contre la fraude. En outre, ces agents ont le droit de porter des armes de poing dans l’exercice de leurs fonctions, et peuvent faire usage de leurs armes pour des tirs de sommation dans des situations spécifiques. Cette disposition vise à protéger les agents tout en garantissant leur efficacité dans la lutte contre la fraude minière.

Aussi, il est prévu à l’article 303, une répartition des revenus générés par la vente des substances minérales confisquées, avec une part de 75% attribuée au Trésor public. Cette disposition renforce l’implication de l’État dans la lutte contre les FFI en garantissant que les bénéfices des actions de répression soient en grande partie réinvestis dans le budget national.

L’importance de la transparence et de la responsabilité

Le nouveau code minier du Burkina Faso reflète une volonté claire de renforcer la transparence et la responsabilité dans le secteur minier. Cependant, l’efficacité de ce cadre législatif va dépendre fortement de sa mise en œuvre rigoureuse et de la capacité des autorités à faire respecter les dispositions prévues. L’application stricte de ces lois, combinée à une coopération accrue entre les différentes institutions de contrôle, est essentielle pour réduire les flux financiers illicites.

L’implication de la société civile, comme le démontre le rapport de l’ITIE-Burkina, est également cruciale. La transparence dans le secteur minier ne peut être atteinte sans une participation active des citoyens et des organisations de la société civile, qui jouent un rôle de veille et de sensibilisation.

Perspectives pour une meilleure gestion des ressources naturelles

Le Burkina Faso se trouve à la croisée des chemins dans la gestion de ses ressources naturelles. Les pertes subies au cours de la dernière décennie montrent qu’il est impératif d’adopter des mesures fortes pour protéger l’économie nationale contre les pratiques frauduleuses. Le nouveau code minier, bien qu’ambitieux, n’est qu’une étape vers la réduction des flux financiers illicites. Il devra être complété par d’autres initiatives, notamment le renforcement des capacités des institutions de contrôle, la coopération internationale pour traquer les fonds illicites, et l’engagement continu de la société civile.

Lire le rapport

Il faut noter qu’en tant que membre du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), le dernier rapport de suivi renforcé du Burkina Faso qui date de juin 2023, doit être mis à jour afin de prendre en compte les recommandations qui lui ont été faites.

Les efforts pour assécher les sources de financement du terrorisme, comme souligné par le ministre Aboubakar Nacanabo, doivent rester une priorité. Le secteur minier, s’il est bien géré, peut contribuer de manière significative au développement économique et social du Burkina Faso. Pour cela, une transparence totale dans la gestion des ressources et une tolérance zéro pour les pratiques frauduleuses doivent être les pierres angulaires de toute politique minière future.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

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