Formation des parachutistes commandos
Une matinée dans les airs avec les apprentis-chuteurs du CITAP
Le Groupement Commando parachutiste (GCP), basé au Camp Ouézzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, abrite le Centre d’instruction des troupes aéroportées (CITAP). Ce centre a pour mission de former et d’aguerrir les commandos parachutistes de l’armée burkinabè. Deux jours durant, à l’occasion d’une immersion, nous nous sommes plongés dans le quotidien de ce groupement, maison-mère du parachutisme au Burkina Faso, où des soldats parachutistes sont moulés à travers théorie et pratique.
Le ciel est relativement dégagé ce matin du samedi 27 juillet 2024. Seuls quelques légers nuages poursuivent leur course effrénée vers l’Est. Il est 6 heures sur le tarmac de l’aéroport international de Bobo-Dioulasso. Dans la fraîcheur matinale, 200 stagiaires du Centre d’instruction des troupes aéroportées (CITAP), tous équipés, se préparent pour leur dernière séance de saut. Ce saut est le dernier des six prévus pour chacun des stagiaires au cours de la formation. Une formation qui dure 6 semaines et où ils seront sanctionnés par un brevet militaire de parachutiste, première qualification du CITAP.
Quatre semaines ont été consacrées à l’instruction au sol et deux pour la pratique dans les airs. Les stagiaires doivent embarquer par vagues dans le « Hercules C130 H », un avion militaire affecté à l’exercice du jour pour une série de largages au-dessus du camp Ouézzin Coulibaly à Bobo-Dioulasso. Les commandants du CITAP et du 25e Groupement commando parachutiste (GCP) (Groupement dont relève le CITAP) sont tous présents, les moniteurs aussi.
A 7 heures les membres d’équipages de l’aéronef arrivent. Le début de l’embarquement est imminent. Les 200 apprenants seront transportés en 3 vagues pour leur exercice du jour. 7 heures 50 minutes. Nous embarquons avec la 2e vague. Les stagiaires, assis, le visage ferme, sont alignés en quatre colonnes dans l’avion. Deux passages sont prévus lors du largage en vol. L’encadrement technique multiplie les dernières consignes aux stagiaires. Ils seront seuls dans les nuages dans quelques instants. Une dizaine de minutes après le décollage, l’appareil a atteint la bonne altitude, 400 mètres du sol, et s’est positionné au-dessus du camp Ouézzin Coulibaly.
L’atterrissage des parachutistes se fera sur un vaste espace bien dégagé. Le compte à rebours est lancé, les deux portes latérales de l’aéronef sont désormais ouvertes, place à la partie la plus sensationnelle. Du haut, l’on peut apercevoir les quartiers de la ville en miniature. Un par un, et en deux passages, les stagiaires parachutistes sont poussés dans le vide. Toute l’opération, du décollage à l’atterrissage de l’avion en passant par le largage des parachutistes dure environ quinze minutes.
La formation au sol
Ces exercices de saut sont la dernière phase de l’instruction. La veille, le vendredi 26 juillet 2024 dans l’après-midi, nous avons visité le processus de l’instruction au sol sous la direction du commandant David Palm, commandant du CITAP. Les 200 stagiaires sont répartis en plusieurs groupes, chaque groupe occupant un atelier. Le CITAP, explique d’entrée, compte au total cinq ateliers d’instruction.
Un par un, les parachutistes sont poussés hors de l’aéronef
Au premier atelier, appelé « atterrissage », les stagiaires et le moniteur sont au charbon. Les apprenants exécutent minutieusement et dans une parfaite harmonie, les instructions du « mono » (Ndlr : terme désignant le moniteur dans le jargon du CITAP). Tout est mis en œuvre, indique le commandant Palm, pour apprendre aux stagiaires les gestes et postures à avoir afin de se poser au sol avec le minimum de risque possible.
Le 2e atelier est celui dit « équipement ». Sous l’œil vigilant des « monos », ce groupe de stagiaires apprend à vérifier la conformité du matériel et l’enfiler, en fonction du type de parachute, avant l’embarquement pour le saut. Le 3e atelier est appelé « maquette ». Un dispositif mis en place représente l’avion dans lequel les parachutistes doivent sauter. La conduite à tenir, au moment de l’embarquement, une fois dans l’avion et à la sortie de l’avion, est méthodiquement inculquée au groupe d’apprenants. Ils reprennent fièrement et en chœur le récital fait par leur moniteur parachutiste. « Premier avion, premier passage, câble A.
Premier avion, premier passage câble B (…) » peut-on par exemple les entendre répéter à tue-tête. Enfin, le « harnais suspendu », l’atelier où les stagiaires reçoivent les instructions sur toutes les opérations et manœuvres à effectuer une fois sortis de l’aéronef au ciel jusqu’à ce qu’ils prennent contact avec le sol. La zone de saut y est présentée en miniature avec des harnais suspendus à des poutres en béton. Le dernier atelier de la chaîne est celui dit « opérations après le saut ». On y évoque avec les apprenants toutes les opérations à effectuer juste après l’atterrissage. « Ça regroupe toutes les opérations à effectuer par le parachutiste après avoir atterris en sécurité sur la zone afin de continuer sa mission », explique le commandant David Palm.
Des femmes passionnées
Bien que minoritaires, les femmes sont également présentes dans le monde des parachutistes commandos. Zarata Congo est la seule fille parmi les 200 stagiaires de cette session. Elle est issue du Groupement de transport aérien de la Gendarmerie nationale où elle est en service. Depuis son enfance, dit-elle, elle a nourri un amour pour l’armée, et plus précisément le parachutisme.
Intégrée l’Ecole nationale des sous-officiers de la gendarmerie en 2011, aujourd’hui grâce à sa hiérarchie, elle a pu réaliser son rêve d’enfance : devenir commando parachutiste. Le sergent Jacqueline Toé, elle, est déjà une parachutiste commando chevronnée. Elle a rejoint le GCP depuis la fin de sa formation militaire initiale au Groupement d’instruction des forces armées (GIFA) en 2010. En compagnie de quelques chuteurs professionnels du CITAP, elle a effectué un saut d’entrainement en marge du dernier jour de sauts des stagiaires. Elle a chuté d’une altitude de 2 500 mètres.
Pour être bon parachutiste, dit-elle, il faut avoir le courage et l’abnégation et suivre surtout les conseils bien avisés des moniteurs. Celle pour qui le métier de parachutiste est une passion, encourage la gent féminine à faire comme elle, s’intéresser à cette spécialité de la grande muette.
La maison-mère du parachutisme burkinabè
Le GCP dont dépend le CITAP, est la maison-mère de tous les parachutistes commandos au Burkina Faso. Actuellement, il est Sous le commandement du Chef de bataillon Tampougré Honoré Sia. Selon le commandant, cette première session de formation de l’année comme les précédents, visent plusieurs objectifs. Le premier est d’ordre opérationnel : inculquer aux stagiaires des techniques et des tactiques aéroportées. « Nous les aguerrissons sur le plan physique, leur donnons le gout du risque et de l’action, le dépassement de soi, le don de soi et surtout l’assurance », indique-t-il fièrement.
Des aptitudes opérationnelles, fait savoir M. Sia, qui sont essentielles pour l’armée dans le cadre de la défense du territoire national, et particulièrement dans la lutte contre le terrorisme. Le 2e objectif visé à travers cette formation, et non des moindres, poursuit-il, est la cohésion au sein des forces armées nationales. « Ces stagiaires sont issus de presque toutes les entités des forces armées nationales telles que l’Armée de l’Air, la Gendarmerie nationale, le Groupement des Forces spéciales, l’Armée de Terre, le Centre national d’entrainement commando et du GCP », explique le Chef de bataillon.
Il se réjouit du bilan de la présente session de formation, première de 2024. « Le bilan est positif. Ils ont appris à planifier et à conduire des exercices des troupes aéroportées ensemble. Ce qui reste lorsqu’on a bien appris, c’est de le mettre en pratique sur le terrain », se félicite-t-il. Ce qui, selon lui, aura un effet positif sur le terrain. Le GCP, rappelle le commandant Sia, a des missions classiques ainsi que des missions spéciales. Les soldats du groupement, comme tout autre militaire, peuvent être déployés pour intervenir sur le théâtre national, précise-t-il.
Aussi, ils peuvent spécifiquement être déployés en tant que troupes aéroportées, pour agir plus vite derrière l’ennemi. Le recrutement au sein du CITAP et du GCP, est méticuleusement effectué. Les conditions requises, être déjà un militaire en activité, être volontaire et être apte médicalement et physiquement. Que ce soit le stage d’initiation ou celui de la qualification, toutes les formations des parachutistes commando burkinabè (et souvent de stagiaires de pays amis) se déroulent au CITAP.
Alpha Sékou BARRY