đŽ[Digne dâintĂ©rĂȘt] : Le pogrom de Nouna est totalement inacceptable (tribune de Mamadou Djibo)

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Dans cette tribune, le philosophe Mamadou Djibo pose un diagnostic de la crise sécuritaire au Burkina Faso et propose une thérapie aux autorités de la transition.
Pour venir Ă bout du terrorisme, il prĂ©conise au PrĂ©sident de la transition dâappliquer la tolĂ©rance zĂ©ro contre la contre la stigmatisation des communautĂ©s. Djibo reste convaincu que la victoire sur les forces du mal passe par une lutte sans merci contre la corruption surtout au sein de la grande muette.
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Ă la mi-avril 1994, mon frĂšre et ami Dr Boniface KaborĂ© et moi-mĂȘme signions une Tribune dans Le Droit, le quotidien dâOttawa, Canada. Notre plume dĂ©nonçait le « Sauve-qui-peut » des Occidentaux abandonnant le peuple africain tutsi du Rwanda aux mains de ses bourreaux hutus extrĂ©mistes, tout autant africains.
Pour les massacres de Yirgou, jâai interpellĂ© dans un poĂšme de compassion, le Gouvernement insouciant et comateux du rĂ©gime MPP lorsque survint ce pogrom dans « La RĂ©publique Ă la Morgue » paru dans le faso.net. Jâai lancĂ© un appel, il y a dĂ©jĂ trois mois, au vaillant Peuple souverain du Burkina, sur les vertus de pardon pour nous rassembler et nous rĂ©concilier Ă lâoccasion de la demande Ă©pistolaire de pardon de lâancien PrĂ©sident Blaise CompaorĂ©.
Des prises de position intellectuelle sur la dĂ©tresse, la haine et lâesprit de mort qui Ă©treignent certains de nos compatriotes africains, ostracisĂ©s, stigmatisĂ©s et tuĂ©s lĂąchement sur le sol africain. Le faisant dĂšs 1994, alors doctorant Ă lâUniversitĂ© dâOttawa, jâĂ©tais loin de penser quâun petit matin tumultueux, dans la ville dâune partie de mes parents, Nouna, dans le secteur 6, que la mĂȘme vermine allait frapper nos compatriotes peuls. Je condamne cette odieuse animalitĂ© orchestrĂ©e, vu la sĂ©lection opĂ©rĂ©e des concessions.
Winston Churchill, le Lion britannique, victorieux sur le chef nazi Hitler disait contre tous les lĂąches de Westminster, que lâon mĂšne et gagne une guerre au nom des valeurs et principes. Seules les valeurs du Burkindi que sont le pluralisme religieux, la tolĂ©rance, lâintĂ©gritĂ© et la justice comme Ă©quitĂ© et comme rĂ©paration sont constitutifs du droit des gens du Burkina, pour ainsi dire, le contenu local de ce Moment churchillien. Que le Chef SuprĂȘme des ArmĂ©es les incarne, alors la confiance du Peuple en son Gouvernement brillera de mille feux.
Nul besoin de sâĂ©namourer dâarmĂ©e privĂ©e, russe, amĂ©ricaine ou française. Soyons raisonnables. Machiavel lui-mĂȘme les taxait dâaffreux soldats. Dâailleurs, pour nos ancĂȘtres, seule la levĂ©e de masses sied contre toute tentation hĂ©gĂ©monique. Les Bwaba, ce peuple respectable, le firent contre lâordre colonial en 1916. Le PĂšre de lâArmĂ©e, le PrĂ©sident YamĂ©ogo refusa net lâoffre française. Pour lui, on ne confie pas la garde de sa case Ă lâenfant dâautrui. Vous voulez une preuve de loyautĂ© militaire ? En voici une de LoyautĂ© militaire ancestrale. Quâon sây colle !
En effet, la crise aigĂŒe entre les djihadistes maliens du GSIM et ceux du djihad de EIGS va sâamplifier dans le Liptako-Gurma, exceptĂ©, le Sahel Occidental (frontiĂšre Mauritanie). Est-ce une raison de stigmatiser les peuls ou de lier son sort Ă une affreuse armĂ©e privĂ©e ou Ă©trangĂšre ? Dâabord lâarmĂ©e privĂ©e Wagner de Prigojine a administrĂ© son inefficacitĂ© opĂ©rationnelle criarde Ă ĂȘtre un plus aux cĂŽtĂ©s des FAMa.
Du centre, Mopti Ă Douantza vers Bandiagara, le pays Bamana SĂ©gou et le pays SĂ©noufo Sikasso, Banfora, nous connaissons, certes, un gel qui nâest pas le fait de Wagner. Mais, historiquement, les revendications territoriales des Peulhs portent sur ces Ă©tendues du Mali central, le long du fleuve Djoliba, comme le territoire du proto-Etat peul ou Empire Peul du Macina (1818-1853).
Le territoire que le djihadiste Amadou Kouffa veut reconstituer. Cette rĂ©gion joue aujourdâhui, pratiquement, lâimmĂ©diate pĂ©riode prĂ©cĂ©dant la pĂ©nĂ©tration coloniale française de 1880. Deux proto-Etats sâopposent. LâEIGS versus Empire Peul du Macina avec Al qaeda au sein du Mali pour razzier le Liptako Gurma. Mais lâidentitĂ© nationale malienne est forte. Elle est la plus vieille de la sous-rĂ©gion. Le Mali survivra au maĂ«lstrom combinĂ© de djihadisme, de revendication irrĂ©dentiste peule, de sĂ©paratisme tamasheq et faillite morale du leadership. La vertu des Ă©lites marquera la fin du dĂ©litement de nos Etats post coloniaux.
En attendant, le Burkina paie, hĂ©las, la mĂȘme note sĂ©curitaire par convexitĂ©. Si un Etat sahĂ©lien se dĂ©lite par la corruption des Ă©lites, il Ă©chouera toujours Ă assurer les services de base, Ă rĂ©guler les vieux problĂšmes de nomadisme, rassemblements, pĂąturage et transhumance des bĂȘtes. Câest le constat au bord du Djoliba : DiafarabĂ©, DjennĂ©, Mopti, SĂ©varĂ© et jusquâĂ la Falaise de Bandiagara. La crise du pastoralisme campe donc les crises. De SĂ©varĂ©, plus haut on a le Niger et plus bas, Tougan oĂč jâai fait mes Ă©tudes collĂ©giales, Nouna, DĂ©dougou, Barani au Burkina Faso et San au Mali oĂč certains Peuls radicalisĂ©s, sont Ă cheval entre les deux pays. Ils font face aux peuples grands cultivateurs sĂ©dentaires Sanans, Dafings, Bwaba et les allochtones Yarga etc.
Cette lecture historique ne saurait justifier pour autant les pogroms de Yirgou Ă celui du pogrom peul de Nouna. Câest une grille de lecture qui renvoie nos gouvernants Ă leur responsabilitĂ© historique et je dĂ©nonce cette fixation puĂ©rile sur lâArmĂ©e française ou sa panne dâefficacitĂ© opĂ©rationnelle ou son refus du partage dâinformations en renseignement technique avec nos forces. Il nây a dâarmĂ©e forte et efficace que dâEtat efficace, social et dĂ©mocratique. Proposons des contrats de combats coordonnĂ©s et sous commandement burkinabĂš aux forces militaires Ă©trangĂšres sur zone. Si elles sont partenaires, câest un oui franc. Sinon, avisons. Nos choix sont souverains, encore faut-il quâils soient Ă©clairĂ©s, pragmatiques et pour lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Le Burkina nous a tout donnĂ©. DĂ©fendons- le, en Ă©tant responsable ! Solidaires autour du vivre-ensemble.
Le pogrom de Nouna est totalement inacceptable. Force doit rester Ă la loi. Il nây a pas de bavures pour tout gouvernement vraiment adossĂ© sur le Burkindi. Parce que « Toute vie est une vie. Chacun a le droit Ă la vie et Ă la prĂ©servation de son intĂ©gritĂ© physique. » dĂ©clare le Serment du MandĂ© de 1236. Dâailleurs ce MandĂ© Kalikan est inspirĂ© du Code Dozo dans lâexacte mesure oĂč lâEmpereur, Mansa Soundiata KĂ©ita, lui-mĂȘme dozo, lâ « octroya » au grand MandĂ© en guise de Constitution comme le Professeur Ki-Zerbo le consigna. Dire quâun dozo ou un VDP ou un soldat du Faso a pu se rendre coupable, complice ou commanditaire dâune telle cruautĂ©, le Procureur du Faso lâĂ©tablira. Il y a matiĂšre.
Mais seul lâimpĂ©ratif moral de punir les mĂ©chants, sied pour le citoyen lambda. A supposer mĂȘme que certains peuls soient manipulĂ©s au nom de la renaissance de lâEmpire peul du Macina (nĂ© en 1818 et mort en 1853) tombĂ© en ruines avec les rivalitĂ©s du Roi Da Monzon Diarra de SĂ©gou. Rien nâexplique la punition collective de nos compatriotes peuls. Lâauto-saisine du Procureur du Faso et lâouverture dâune enquĂȘte sont Ă saluer. Mieux il sied la crĂ©ation dâun pool spĂ©cial dâenquĂȘtes qui fasse la lumiĂšre sur tant dâassassinats dont le plus rĂ©cent, câest celui du pĂšre Jacques Zerbo de Gassan. La loi punit les mĂ©chants pour prĂ©venir lâagenda des revanchismes, des vendettas. Attention !
Si pour Yirgou, les responsabilitĂ©s situĂ©es nâont pas Ă©tĂ© sanctionnĂ©es comme il se devait, la lĂąchetĂ© du Gouvernement MPP fut de demander pardon seulement au Koglweogo et leurs chefs, par souci dâĂ©quitĂ© et de patriotisme vrai, il fallĂ»t en faire autant pour la communautĂ© peule et chefs peuls. Aujourdâhui, nul patriote ou ami ou amoureux des enfants de ce pays, ne peut assumer le fait quâil ne savait pas cette conduite irresponsable de lâautoritĂ© parce que sĂ©grĂ©gative. Il importe aujourdâhui plus quâhier, que la rĂ©ponse Ă la crise sĂ©curitaire le soit par lâexemplaritĂ© morale du leadership. Seules des politiques publiques dĂ©centes et lâengagement citoyen des hauts dirigeants pour le leadership de coalition victorieuse restent avant-gardistes.
Si hier le PrĂ©sident KaborĂ© avait la philosophie en anathĂšme, donc la pensĂ©e critique, aujourdâhui, le soldat-PrĂ©sident Ibrahim TraorĂ©, au milieu des enjeux de sĂ©curitĂ©, de stabilitĂ© de la Patrie et, au sommet des opĂ©rations de la troupe, doit savoir incarner, vu lâinsurrection terroriste en cours, cette exemplaritĂ© par le lien ArmĂ©e-Nation. Il nây a pas de construction dâEtat- Nation sans armĂ©e forte. LâEtat fort, social et efficace se jauge dans sa capacitĂ© de dĂ©livrance des services universels de base. Le droit Ă la vie et la libertĂ© du corps propre de chacun dâaller et venir, sont des droits constitutionnels.
Gouverner par lâexemple et comme il est soldat-PrĂ©sident, il devra faire sienne la directive maoĂŻste qui prescrit quâune armĂ©e doit se mouvoir comme le poisson dans lâeau avec sa population. Gagner le cĆur, remporter dâabord la bataille de lâamitiĂ© avec le peuple, câest construire la confiance fluide de lâagir militaire raisonnable par le renseignement humain, donc avec les enfants de la Patrie.
Oui, la prĂ©servation de la paix et la sĂ©curitĂ© pour tous, gĂ©nĂšrent des contingences et imprĂ©vus politiques parfois dĂ©mentiels lorsquâune Nation se trouve dans le tourbillon. Câest pourquoi, lâArmĂ©e comme corps spĂ©cialisĂ© de la Nation se doit dâĂ©lever son niveau de conscience citoyenne.
Que ses chefs sculptent lâosmose synchronisĂ©e entre lâordre dĂ©cisionnel et lâordre opĂ©rationnel mais surtout, quâils restaurent une doctrine unique dâengagement de la puissance proportionnĂ©e sous une discipline de fer. Nonobstant toutes ces donnĂ©es techniques, si lâarmĂ©e a perdu son Ăąme, elle ne gagnera jamais la guerre. DâoĂč gouverner par lâexemple, signifie, ici et maintenant, que lâordre djihadiste ou sĂ©paratiste ne prĂ©vale pas au Faso, notre petit territoire comparĂ© Ă ceux des voisins du Sahel.
La main ferme du PrĂ©sident doit sanctionner lourdement les dĂ©rives tribales et rĂ©gionales, dĂ©pouiller les corrompus de lâArmĂ©e, mĂȘme de leurs grades. La corruption des personnels de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense en temps de guerre campe une trahison dâautant plus quâils sont sortis des Ecoles de guerre avec lâargent du contribuable. Le bon Peuple ne finance pas des idiots. Et puis, dans la mesure mĂȘme oĂč, la rĂ©publique est rĂ©duite, au nom de la lutte contre le terrorisme, Ă une entitĂ© Ă©tatique avec une administration proconsulaire par les FDS, ils sont imputables. A la base de nos ressacs militaires, il y a donc cette corruption des Ă©lites.
En bas, survivent le tribalisme et la stigmatisation qui, Ă leur tour, ventilent les soupçons, les accusations de complicitĂ©, les pogroms par les supplĂ©tifs et Ă©lĂ©ments zĂ©lĂ©s. Disons non Ă lâassimilation absurde des paisibles populations Ă des terroristes, que dâoccurrences ruineuses de paix. En droit pĂ©nal, il nâexiste point de punition collective. La responsabilitĂ© pĂ©nale de X ou de Y est individuelle. DâoĂč vient-il que la puissance de feu publique commette cette injustice immonde ? Nos soldats et VDP ne doivent pas se comporter comme une entreprise de promotion de la peur chez certaines communautĂ©s nationales au risque dâĂ©chouer Ă tarir le vivier des recrutements terroristes.
Rassurer les populations constitue une aubaine, un outil efficace pour la lutte contre le terrorisme qui, je rappelle, se fait dans la durĂ©e pour dĂ©senkyster les djihadistes tandis que les opĂ©rations de contre-terrorisme, le propre des VDP et Dozos, demeure ponctuelles. Ce nâest donc pas la mĂȘme temporalitĂ© lors mĂȘme que nous visons, ensemble, la stabilisation sĂ©curitaire pour renforcer la paix conviviale ancestrale. Seules les FDS ont la mission dâadapter nos outils dâintĂ©gration rĂ©ussie aux prioritĂ©s de sĂ©curitaire domestique, de dĂ©fense et enjeux gĂ©opolitiques : djihadisme, crise du pastoralisme, stigmatisation, orpaillages, trafics dâarmes, pĂąturages, souverainetĂ© alimentaire etc.
DâoĂč la nĂ©cessitĂ© institutionnelle dâune armĂ©e nationale forte, proactive et dĂ©finitivement rĂ©publicaine qui incarne la Nation. Sans lâexemplaritĂ© morale et la gouvernance par la vertu, jamais une telle armĂ©e nâĂ©mergera. Il est constant quâune armĂ©e corrompue ne peut tenir ses positions dans lâefficacitĂ© opĂ©rationnelle, commandĂ©e par un Etat-major dont certains officiers supĂ©rieurs, il nây a pas si longtemps, volaient leur grade pour ensuite fuir.
Câest le comble dans lâArmĂ©e crĂ©Ă©e par le patriote, le PrĂ©sident Maurice YamĂ©ogo, vaillamment commandĂ©e par les officiers dâhonneur comme les GĂ©nĂ©raux Lamizana, Sy, Garango, les officiers Zerbo et Badembié⊠Je ne connais pas le nom dâun seul GĂ©nĂ©ral dont les Ă©toiles sont Ă©blouissantes, aujourdâhui. LâInstitution doit redorer son prestige. Les CDR, le RSP et aujourdâhui les VDP, nonobstant leur patriotisme, risquent de tuer la premiĂšre force des armĂ©es : la discipline. Et par lĂ mĂȘme, la doctrine unique dâengagement, la chaĂźne de commandement, le protocole strict des avancements.
Si nous ne sommes plus burkindi, nous sommes donc des entrepreneurs du mensonge et nos dirigeants, des bluffeurs. Le mensonge et la peur ne commandent Jamais un destin intĂšgre. Sortons de la dĂ©testation dâautrui et de la quĂȘte irresponsable des bouc-Ă©missaires Ă nos propres choix dĂ©raisonnables. LâirresponsabilitĂ© des nĂŽtres est meurtriĂšre. Assez de ces anathĂšmes farfelus sur la France ! Il faut sâassumer parce que nous sommes des peuples respectables. 62 ans dâindĂ©pendance, câest peu par rapport Ă lâhĂ©gĂ©monie millĂ©naire.
Mais la conscience nationale rattrape le gap comme mĂ©moire et anticipation heureuse. Jâai foi et la foi est lumiĂšre. Lâimpasse destinale dans laquelle nous pataugeons depuis bientĂŽt quatre dĂ©cennies, engage chacun et chacune au sursaut dâĂąme pour vivre digne. Câest notre moment churchillien de supplĂ©ment dâĂąme. Sortons des Ă©curies politico-prĂ©sidentielles avec leurs haines thĂ©saurisĂ©es. Accomplissons la justice, la tolĂ©rance, le discernement au nom du vivre ensemble. Dieu assiste nos dirigeants !
Mamadou Djibo BaanĂš-BadikiranĂš
Philosophe
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