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Burkina/Crise sécuritaire et relance économique : Des acteurs privés partagés entre peur, résilience et espoir

Les états généraux du secteur privé se sont tenus du 5 au 7 septembre 2024 à Ouagadougou. Organisée par le Conseil national du patronat burkinabè (CNPB), cette rencontre a permis de se pencher sur la contribution du secteur privé au développement socio-économique du Burkina Faso. En marge de ces états généraux, nous avons pu rencontrer des chefs d’entreprises qui se sont prononcés sur les défis et les perspectives du secteur privé burkinabè dans ce contexte difficile marqué par la crise sécuritaire et les tensions géopolitiques sous-régionales. Ces hommes d’affaires sont partagés entre crainte de disparition de certaines entreprises, résilience et l’espoir d’un lendemain meilleur.

Depuis 2015, le Burkina Faso fait face à une crise sécuritaire sans précédent avec des conséquences tant sur le plan humain qu’économique. Les entreprises burkinabè sont aussi impactées cette crise sécuritaire. Tensions de trésorerie, risques de fermeture ou risques de réduction de personnel, les défis sont énormes pour les entreprises privées qui doivent se réinventer pour surmonter ces différentes difficultés.
Boubacar Compaoré est membre du CNPB et chef d’entreprise exerçant au Burkina Faso.

Pour lui, le contexte sécuritaire difficile du pays plombe les activités des entreprises. Les états généraux du secteur privé sont, selon ses explications, une occasion pour trouver des perspectives meilleures aux entreprises. « Le contexte sécuritaire plombe les activités des entreprises ? Ça c’est une évidence, ça se constate partout. La preuve est qu’il y a beaucoup d’entreprises qui sont en souffrance, pour ne pas dire fermées. N’attendons pas que toutes les entreprises ferment. Voilà pourquoi, nous avons fait une halte pour nous demander ce qu’il faut pour soutenir celles qui sont dans les difficultés, et celles qui tiennent encore la route, comment faire pour qu’ils ne soient pas fortement impactées par cette crise. Donc cette initiative est la bienvenue, il fallait qu’on la tienne pour redonner un peu de boost à l’économie nationale », a-t-il confié.

Boubacar Compaoré, chef d’entreprise exerçant au Burkina Faso et membre du CNPB

« Nous sommes dans un contexte très difficile, très particulier pour le Burkina Faso. Donc il était nécessaire pour nous les acteurs économiques, de s’asseoir et de pouvoir vraiment analyser la situation de façon un peu plus en profondeur afin de pouvoir ensemble, trouver des perspectives pour vraiment faire face à ces défis qui se présentent à nous. Les défis sont énormes. Nous sommes dans une situation de crise sécuritaire depuis un bon nombre d’années. Les actions de nos autorités sont à saluer déjà mais il faut que nous les acteurs économiques, nous nous mettions dans la danse pour accompagner avec nos efforts pour pouvoir ensemble avancer pour le bien-être du pays », a-t-il soutenu.

De son côté, Norah Kafando, entraineur d’excellence, cheffe d’entreprise et membre du patronat relève comme défis, l’attractivité de la destination Burkina Faso dans ce contexte difficile. On retient de ses dires que la crise sécuritaire réduit considérablement la mobilité des entreprises. « De mon modeste point de vue, c’est clair que le défi sécuritaire est l’un des premiers défis auxquels nous sommes confrontés, parce que déjà la mobilité est assez réduite dans le pays pour écouler nos marchandises, aller vers nos clients qui sont dans d’autres localités. Côté attractivité du Burkina Faso, c’est clair que ça effraie un peu les gens. Mais je me dis que nous sommes à un tournant avec des grands choix que nous avons faits qu’il faut assumer et que le temps nous donnera raison. Et surtout le temps va nous permettre d’assainir vraiment ce climat », a-t-elle confié.

Selon elle, pour surmonter ces défis, il faut rebâtir cette confiance entre l’Etat et le secteur privé et promouvoir également les Petites et moyennes entreprises (PME). Aussi, les entreprises doivent faire appel à leur responsabilité sociétale en pensant surtout aux générations futures. « Au-delà de ça, il y a l’état d’esprit, la manière dont nous concevons nos relations non seulement avec l’Etat. Il faut vraiment rebâtir cette confiance de façon à ce qu’on soit des copilotes. L’un ne peut pas vivre sans l’autre, nous avons besoin de l’Etat pour évoluer, pour avancer et l’Etat aussi a besoin de nos contributions à différents niveaux. Enfin, un défi qui est important, c’est la promotion des PME, notamment les femmes et les jeunes. Ce sont les personnes qui sont les plus vulnérables lorsqu’il y a des chocs économiques, des changements. Comment est-ce qu’il faut accompagner les jeunes entrepreneurs afin qu’ils soient protégés dans cet environnement par les ainés. Et aussi développer cette mentalité verte parce que nous avons une responsabilité sociétale envers les générations futures. Dans ce sens, toutes nos décisions commerciales, d’investissements doivent être guidées par ce volet », a-t-elle indiqué.

Norah Kafando, entraineur d’excellence, cheffe d’entreprise et membre du patronat

Norah Kafando dit avoir confiance en l’avenir et appelle les entreprises privées à être plus résilientes dans ces moments difficiles. « C’est une période où il faut être résilient. Ça nous permet également d’être plus innovants, parce qu’il y a des choses qu’on ne plus faire, on trouve d’autres moyens pour le faire. Ça nous renforce en termes de confiance en soi, parce qu’on arrive à réaliser des choses dans un environnement qui n’est pour le moment pas facile. Mais on se dit, dans cet environnement, on a pu faire des choses, ça veut dire qu’il y a de la ressource en nous. En tant que coach, je vois toujours le verre à moitié plein », a-t-elle conseillé.

Makido Kaboré est un entrepreneur burkinabè résidant à New York. Acteur de la diaspora, il dit avoir appris beaucoup de choses grâce à ces états généraux. Il a laissé entendre que la crise sécuritaire n’impacte pas véritablement leurs activités. Il appelle tout de même les décideurs politiques et économiques à toujours impliquer la diaspora dans les prises décisions afin qu’elle puisse contribuer au développement du pays.

Makido Kaboré, entrepreneur burkinabè résidant à New York

« Cette conférence nous a ouvert les yeux, on a compris beaucoup de choses et nous allons essayer de voir ce qu’il y a lieu de faire pour pouvoir aider notre pays. La crise sécuritaire n’impacte pas tellement nos entreprises, parce que, quel que soit ce qui se passe, la diaspora est obligée de faire face. Dire que ça impacte, c’est trop dire, mais la diaspora fait tout son possible pour soutenir le pays d’origine. Nous demandons à l’Etat, au président de la Chambre de commerce, au patronat, de penser toujours à la diaspora pour discuter à tout moment, savoir ce que se passe au pays, comment pouvons-nous travailler ensemble pour continuer à aider le pays », a précisé Makido Kaboré.

Dr Saïdou Ouédraogo est enseignant en sciences économiques et de gestion à l’Université Thomas Sankara et président de la commission des mandats au CNPB. Rencontré en marge de ces états généraux, il a indiqué que le secteur privé est un levier important du développement au Burkina Faso. A l’écouter, pour un véritable développement, il faut un secteur privé fort et un Etat fort. « Ces états généraux nous ont permis de comprendre qu’un secteur privé faible et un Etat fort n’est pas bien. Un Etat faible avec un secteur privé fort n’est pas mieux. Par conséquent, il faut l’équilibre. Un secteur privé fort et un Etat fort. Voilà pourquoi, il faut que l’Etat et le secteur privé communiquent, parce que les deux sont les grains d’un même panier », a-t-il défendu.

Face à la crise sécuritaire que vit le Burkina Faso, Dr Saïdou Ouédraogo a affirmé que le secteur privé a un rôle très important à jouer. « Si nous prenons par exemple l’approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité au niveau des contrées touchées par le terrorisme, nous voyons que le secteur privé joue un rôle important, à travers la logistique. Dans ces zones difficiles, on trouve des hommes d’affaires et des commerçants qui sont toujours résilients pour qu’il ne manque pas d’huile, de lait, de mil, de riz, etc. Dans ce contexte difficile, le secteur privé est interpellé aussi par rapport à l’effort de paix. Le Fonds de soutien patriotique est alimenté en grande partie par des entreprises privées. C’est donc pendant ces durs moments que le privé doit faire en sorte que l’économie puisse tourner. Nous devons parler le même langage, être soudés, parler de développement et de paix, parce que sans paix, il n’y a pas de secteur privé prospère », a-t-il souligné.

Dr Saïdou Ouédraogo, enseignant en sciences économiques et de gestion à l’Université Thomas Sankara et président de la commission des mandats au CNPB

Pour faire à ces différents défis, Dr Saïdou Ouédraogo appelle l’Etat à mettre à la disposition des entreprises, des infrastructures adéquates et des mesures d’accompagnement. Aux entreprises privées, Dr Saïdou Ouédraogo les appelle à mettre l’éthique dans les affaires, à être plus résilientes. « Sur le plan macroéconomique, l’Etat est garant de la stabilité, des dispositifs infrastructurels pour pouvoir favoriser la prospérité du secteur privé. L’Etat doit jouer son rôle de gendarme, de protecteur, de mise à disposition d’infrastructures adéquates pour permettre aux entreprises privées de bien évoluer. Le secteur privé doit aussi mettre de l’éthique dans les affaires. Oui pour l’argent, mais il faut mettre l’éthique et ne pas s’adonner à des actions de contrebande ou à des actions qui profitent à l’ennemi. Le secteur privé doit prendre des mesures pour survivre et non disparaitre. C’est des lieux d’espoir parce qu’on dit qu’après la crise, il y a la reconstruction. Et à l’image des autres pays qui ont connu la guerre, nous estimons que c’est une occasion pour le secteur de se préparer, car la crise sera conjuguée au passé et après cela, c’est le développement qui va s’en suivre », a-t-il déclaré.

En marge de ces états généraux, les acteurs du secteur privé ont notamment recommandé l’apurement de la dette intérieure, la nécessité de bâtir une économie de guerre, le renforcement de la confiance entre l’Etat et les acteurs du secteur privé, etc.

Mamadou Zongo
Lefaso.net

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