Face à l’impact socio-économique des tracasseries routières sur les agents économiques et, partant, sur les populations, le Conseil burkinabè des chargeurs (CBC), en collaboration avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), relance les activités de l’Observatoire des pratiques anormales (OPA) à travers un atelier, le mardi 10 septembre 2024 à Tenkodogo, chef-lieu de la région du Centre-est. L’objectif global de cette activité, placée sous la présidence du ministre de l’administration territoriale et de la mobilité, est de sensibiliser les acteurs sur le rôle de l’Observatoire, l’importance de la lutte contre les pratiques anormales et les perspectives de reforme de cet instrument.
Les tracasseries routières sur les axes inter-Etats restent une grande gangrène pour les pays africains, qui affecte sérieusement la mobilité des personnes, le commerce et les économies en général. Ces pratiques, qui se traduisent en des actes de corruption, de mauvaise gouvernance, constituent donc des préoccupations, en ce sens qu’elles entravent l’élan de développement et d’intégration souhaitée par les populations.
C’est pour lutter efficacement contre ces pratiques anormales, que le Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) a, avec l’accompagnement de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), décidé de mettre la préoccupation sur la table, dans une approche intégrée impliquant tous les maillons de la chaîne des transports et de la logistique, afin de créer un environnement de transport plus transparent et efficace.
Cet atelier national de sensibilisation, présentation et de relance des activités de l’Observatoire des pratiques anormales se veut donc une volonté de parvenir à des solutions efficaces face au phénomène, au regard de l’enjeu que représentent les services de transport. La rencontre a ainsi réuni les utilisateurs des corridors communautaires (conducteurs routiers, transporteurs, chargeurs, commissionnaires en douane agréés, gestionnaires des plateformes), les forces de contrôle de l’Etat (police, douane, gendarmerie, eaux et forêts, etc.), les administrations publiques intervenant dans le domaine du transport et du commerce international.
En effet, le secteur des transports joue un rôle primordial dans la vie des agents économiques et est indispensable pour le développement socio-économique, met en relief la secrétaire générale de l’ex-ministère des Transports, de la mobilité urbaine et de la sécurité, Kiswendsida Alice Ouédraogo, représentant le ministre de l’administration territoriale et de la mobilité, président de la cérémonie.
« Le transport assure l’approvisionnement du marché national en produits et matières premières, et contribue à l’évacuation des exportations vers le reste du monde. Cependant, l’apport de ce secteur est impacté par de multiples entraves, dont les pratiques anormales. Les tracasseries routières induisent des frais supplémentaires et des pertes de temps, qui contribuent à rendre les services de transports peu compétitifs, inadaptés et insuffisamment acceptables. C’est dans ce contexte, faut-il le rappeler, que l’Observatoire des pratiques anormales a été crée. Cet organe a pour mission de surveiller, d’analyser et de proposer des solutions aux dérives et irrégularités observées sur les corridors de desserte de notre pays. Sa relance traduit la volonté du département de promouvoir le professionnalisme et la bonne gouvernance dans le secteur des transports, à même de garantir son efficacité et la compétitivité de l’économie nationale », situe-t-elle, et rappelant au passage que les objectifs de cet atelier sont, essentiellement, la sensibilisation des acteurs sur le rôle de l’Observatoire, l’importance de la lutte contre les pratiques anormales et les perspectives de reforme de cet instrument.
Ces tracasseries sont, entre autres, des perceptions illicites, des pratiques dégradantes, des pratiques violentes de la part de certaines populations sur certains corridors. « Comme vous l’aurez noté, ces pratiques entraînent l’élévation des coûts de transport ; quand il y a des perceptions illicites, le transporteur est obligé de répercuter le coût sur les prix des matières premières et également des marchandises qu’il transporte vers le Burkina Faso. C’est tout l’intérêt d’assurer cette activité ; qu’on se parle entre acteurs. Déjà donner l’information : l’OPA a repris ses activités, parce qu’avec la COVID-19, l’activité n’avait pas pu se dérouler, et également avec l’insécurité que nous vivons dans certains de nos États, l’accès à certaines routes était difficile. Du coup, cette activité avait été ralentie. Mais nous l’avons repris, parce que nous estimons que sans cette activité, il est difficile de mesurer toute l’ampleur de la situation des pratiques anormales sur nos routes », a présenté la secrétaire générale à l’ouverture des travaux.
Le directeur général du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC), Dr Kassoum Traoré, est, lui, revenu sur les dysfonctionnements qui minent les corridors, mettant ainsi en exergue la pertinence de ce cadre qui regroupe tous les maillons de la chaîne, en vue de faire sortir des recommandations susceptibles d’établir des plans d’action pour agir rapidement. « En ce qui concerne ces pratiques-là, le CBC est prêt à agir partout où il faut, pour qu’elles puissent cesser. C’est pourquoi cette activité est vraiment primordiale pour notre institution », engage Dr Traoré, qui fait par ailleurs savoir que cette initiative permettra au CBC, représenté tant dans les grandes villes au niveau des frontières que dans les pays de transit, de pouvoir agir à tous les niveaux.
“On s’accuse mutuellement. Mais si on s’assoit ensemble, on va trouver des solutions”
Le parrain de l’activité, président de la Chambre régionale du commerce et d’industrie du Centre-est, prince Akim Minoungou, s’est félicité de la relance des actions à travers cet atelier qui se veut “un creuset d’échanges et de partage d’expériences” entre les acteurs du transport routier et du commerce transfrontalier. “Au regard de la situation actuelle de nos corridors, caractérisée toujours par des dysfonctionnements, tels que la multiplication des postes de contrôle, les pertes de temps liées au contrôle, les longs délais d’acheminement et les perceptions illicites,… les défis qui nous attendent demeurent énormes”, égrène le parrain, pour qui, l’occasion est donc belle pour des échanges constructifs avec l’ensemble des parties-prenantes pour apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées.
Pour la délégation spéciale de Tenkodogo, les tracasseries routières représentent un défi majeur, car elles affectent non seulement la fluidité du trafic, mais aussi la compétitivité des économies. C’est pourquoi, tout en félicitant le CBC pour son assistance permanente aux acteurs de la chaîne des transports et de la logistique, le premier vice-président mesure la part importante de la collectivité dans la sensibilisation pour réduire le phénomène.
Pour le représentant de la Faîtière unique des transporteurs routiers du Burkina (FUTRB) dans le Centre-est, Brahima Goumbané, les responsabilités sont partagées. « Par moment, nous transporteurs avons raison, parfois les autorités ont raison. On s’accuse mutuellement. Mais si on s’assoit ensemble, on va trouver des solutions », se réjouit-il.
Même appréciation pour le responsable de la faîtière des transporteurs du Kourittenga, Gilbert Thombiano, qui ajoute à la liste de difficultés majeures, l’état des voies. « L’autre problème concerne les relations entre nos chauffeurs et les agents de contrôle, chacun se donne raison. Qu’on trouve vraiment des solutions. Mais le plus grand problème de notre côté, c’est l’état des voies ; elles sont très mauvaises. Il y aussi trop de contrôle sur les voies, on sait que c’est pour la sécurité, mais c’est trop », souligne-t-il sur fond de plaidoyer avant de rassurer que les chauffeurs sont bien formés pour leur travail.
Le président des syndicats de transport de Tenkodogo, Hamado Bougouma, soulève, quant à lui, le refus de nombre de chauffeurs d’obtempérer aux instructions des autorités de stationner à la gare. « On a dit d’entrer à la gare, que c’est à cause de la sécurité. C’est aménagé pour ça. Mais actuellement, on constate qu’en ville, les stationnements se font toujours ; les gens garent, ils font tout ce qu’ils veulent. Nous ne comprenons plus rien. Les autorités nous ont dit que tous les transporteurs doivent stationner à la gare, on a sensibilisé les gens, on a tout fait, mais les stationnements dans la ville se poursuivent. Même l’autre jour, le gouverneur nous a parlé de ça, mais jusqu’à l’heure-là, ça se poursuit », déplore le représentant des syndicats de transport de Tenkodogo.
Qu’est-ce qui explique ce refus de stationner à la gare ? « Les chauffeurs disent que c’est parce que la gare est loin, et n’est pas en ville. Mais nous, on ne voit pas ça comme une raison. Je pense que si la sécurité mène des actions, ceux qui stationnent dans la ville vont rejoindre la gare. C’est vraiment cela ma préoccupation ; parce que je sais que si tout le monde stationne à la gare, les déchargements et autres seront sous nos yeux, on va savoir ce que chacun transporte. Mais si chacun vient décharger en ville, on ne peut pas savoir ce que les gens transportent. A la gare, on a eu à interpeller la police qui est venue vérifier des produits de gens qu’on ne connaît pas. Si on pouvait vraiment mettre le paquet sur ça, pour nous aider, ça va être bien. Même les camions qui sont de passage et qui garent en ville en attendant, on a demandé qu’ils entrent dans la gare et après ils vont poursuivre leur chemin, mais beaucoup ne viennent pas », répond-il.
Cet atelier succède à un autre, tenu dans la capitale économique, Bobo-Dioulasso, le 9 juillet 2024, toujours de présentation, de sensibilisation et de relance des activité de l’OPA au profit des acteurs du transport routier et du commerce transfrontalier.
O.L
Lefaso.net
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