Burkina-Afrique-Démocratie-Transition
Les bases militaires étrangères et le franc CFA sont des dénis de la démocratie en Afrique, selon l’historien Amzat Yabara
Ouagadougou, 17 sept. 2024 (AIB) – Le maintien de la colonisation en Afrique, à travers les bases étrangères et le franc CFA notamment, est un déni total de la démocratie africaine et des pouvoirs africains, de l’avis de l’historien Dr Amzat Boukhari Yabara.
Les sociétés africaines étaient dans l’auto-gestion avant la période coloniale, rappelle M. Yabara, panafricaniste. Et «depuis une soixantaine d’années, les États que nous avons ne sont que des pâles copies de la démocratie, puisqu’on ne peut pas plaider la démocratie tout en en gardant justement des structures coloniales, comme le Franc CFA, comme les bases militaires étrangères, ou des structures d’ingérence qui empêchent le peuple de s’exprimer», a-t-il expliqué
Pour lui, il y a dans la plupart des pays africains des autorités traditionnelles qui sont parfois plus légitimes que des députés élus de partis fantoches qui n’ont aucune idée. L’auteur de l’œuvre «La France-Afrique, l’empire qui refuse de mourir »
Relève que l’accent est souvent mis sur le fait que le peuple n’est pas éduqué, mais il y a également beaucoup de candidats à des élections qui eux-mêmes n’ont aucune éducation politique.
«Et l’une des difficultés que nous avons aujourd’hui en Afrique, c’est que pour vous enrichir, vous devez être dans les cercles du pouvoir. Donc, beaucoup de gens entrent en politique avec l’étiquette de démocrate pour avoir accès au gâteau national» a regretté Dr Yabara.
L’analystes fait remarquer que les partis politiques sont financés pour jouer le jeu de l’opposition, le pouvoir les achète, les corrompt. La démocratie est une rente et non pas réellement un débat d’idées.
«Et je pense que c’est ça qui, aujourd’hui, est l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Je pense que l’un des enjeux, aussi, c’est que la colonisation a déresponsabilisé les Africains» a-t-il estimé.
Le constat qui rallonge la liste, c’est que la démocratie permet des coups d’État constitutionnels. C’est-à-dire qu’on peut aujourd’hui modifier la constitution. Les gens qui peuvent arriver au pouvoir démocratiquement et qui ne veulent pas partir. Or, dans nos sociétés d’avant, on avait des griots ou des conseillers qui, quand ils envoyaient des œufs d’autruche, ça voulait dire que le souverain doit se suicider, a précisé Amzat Boukari Yabara.
L’auteur va plus loin dans ses questionnements en s’interrogeant sur l’existant réel des États en Afrique.
«Je pense qu’on parle beaucoup de démocratie. Mais est-ce qu’on a réellement des États qui justifient une démocratie ? l’État a été vidé par les programmes d’ajustement structurel. On a estimé qu’on n’avait plus besoin d’État, que ce n’était plus le cadre dans lequel devait se penser la gouvernance. C’est-à-dire que c’est le marché qui doit gérer. Le FMI et de la Banque mondiale ont totalement décapité l’État au moment même où on nous disait, politiquement, convertissez-vous à la démocratie» s’est offusqué l’historien, Dr Yabara.
Dans son analyse, faisant ressortir la discordance entre le volet économique et celui politique, le panafricaniste prône sa résolution. Pour ce faire, les organisations politiques doivent se fédérer autour d’un grand centre de formation, formation politique, idéologique, qui puisse servir de faitière aux générations d’hommes et de femmes politiques de demain. Il faut aussi instaurer un fonds de financement pour repenser justement les institutions.
Enfin, La technologie est un outil essentiel de la démocratie. «On le voit avec la question des réseaux sociaux. Si on ne contrôle pas nous-mêmes ces appareils-là, on ne peut pas dire qu’on est dans une situation démocratique puisqu’aujourd’hui, une grande partie du débat se fait sur ces outils qu’on ne possède pas» a terminé Dr Hamzat Boukari Yabara.
IK/ck
Source : ‘’Les funérailles des Tabous’’