Filière coton en Afrique : Les acteurs renouvellent les standards de qualité à Bobo-Dioulasso
L’édition 2024 des travaux de renouvellement des boîtes standards Afrique de coton se tient du 23 septembre au 10 octobre 2024 à Bobo-Dioulasso. Ce cadre de travail est organisé par l’Association cotonnière africaine (ACA) et regroupe sept pays membres. Les nouveaux standards qui sortiront de ces travaux serviront de base à la défense du coton africain et à la constitution d’un label pour la promotion de ce coton.
Ce cadre de travail des acteurs de la filière coton regroupe des administrateurs généraux (qui gèrent la qualité du coton dans leurs pays respectifs), des chefs de centres de classement, des chefs classeurs et des classeurs (qui sont des techniciens habilités à déterminer la qualité du coton). À côté d’eux, il y a des observateurs qui sont des spécialistes dans leur domaine et qui ont un regard averti sur la qualité de la fibre du coton. À ces travaux, deux observateurs prennent part. L’un est issu du Centre de recherche et de formation pour les industries légères de textiles du Mali (CERFILTEX), et l’autre de la Société de services pour l’Europe et pour l’Afrique (SOSEA) basée en France.
Ces travaux de renouvellement de boîtes standards Afrique de coton interviennent après ceux de 2019.
Pour les acteurs de la filière, il y avait donc nécessité de renouveler ces boîtes. Ce travail consiste à classer les fibres en de grands ensembles désignés par catégories. Et ces catégories vont généralement du « super » à « l’inférieur » en passant par la « référence » et le « moyen ». Ce travail n’est pas le fruit du hasard. En effet, la valeur marchande du coton sur le marché international est déterminée par sa qualité. Et en Afrique, l’appréciation de cette qualité passe par des références à des types de vente et à la longueur des fibres de coton. Les standards africains ont été ainsi établis à l’image des standards universels (la référence à l’international).
Ces standards représentent les différentes qualités de coton fibre qu’on peut obtenir en Afrique après l’égrenage du coton graine. À ce jour, les anciens standards Afrique de coton réalisés en 2019 sont devenus obsolètes et ne reflètent plus la réalité de la qualité de la production africaine. D’où cette nécessité de promouvoir de nouveaux standards qui serviront de base à la défense du coton africain. C’est dans cette dynamique que les pays membres de l’ACA sont réunis à Bobo-Dioulasso pour la confection de nouveaux standards Afrique de qualité du coton fibre.
Ténan Tuo est le chef du Centre de classement coton de Côte d’Ivoire (3C-CI). Il est aussi le président de la Commission classement métrologie de l’Association cotonnière africaine. Il a rappelé que les premiers standards Afrique de coton ont été réalisés en 2005. Ce renouvellement, selon lui, consiste à actualiser le coton par rapport aux productions actuelles des sociétés cotonnières africaines. « Ce qui est recherché, c’est de trouver les cotons de référence nouveaux par rapport à nos productions cotonnières africaines et qui vont servir à faire la commercialisation du coton africain par rapport aux autres cotons universels. Et c’est un long processus qui commence depuis le début de la campagne d’égrenage dans chaque pays », a-t-il expliqué.
Le processus de renouvellement des standards
Pour le processus de renouvellement, chaque pays cotonnier a présélectionné les balles représentatives des qualités de sa production. Cette présélection s’est faite au cours de la campagne d’égrenage, lors des opérations de classification de la production. Ces balles présélectionnées sont ensuite envoyées à la salle de classement désignée pour la confection des standards de qualité. « Le processus est très méticuleux et la première étape se passe dans chaque pays. Lorsque les pays identifient les balles qui sont destinées au renouvellement des standards Afrique, elles sont ensuite convoyées sur le lieu de la production de renouvellement des standards. Et c’est Bobo-Dioulasso qui a été choisi cette année à l’Assemblée générale de l’ACA tenue le 17 mai 2024 à Abidjan. Les balles sélectionnées dans tous les pays sont convoyées à Bobo-Dioulasso, et à partir de ces balles nous faisons le travail », a poursuivi le président de la Commission classement métrologie de l’Association cotonnière africaine.
Toutefois, il rassure que la sélection de toutes les balles rassemblées répond à une méthodologie méticuleuse qui a commencé au démarrage de la campagne d’égrenage 2023-2024 jusqu’à son terme. Et que toutes les balles ont été collectées dans les règles de l’art.
À en croire Ténan Tuo, c’est pour des questions de trésorerie dans les compagnies cotonnières que le renouvellement des standards Afrique se fait chaque trois ans sinon, dit-il, l’idéal aurait voulu que le renouvellement se fasse chaque deux ans ; et chaque année pour le renouvellement des types de vente pays. « Pour des questions de trésorerie, nous mettons le renouvellement à chaque trois ans. Le dernier renouvellement remonte à 2019 et après cette édition, nous devrions nous retrouver en 2022. Malheureusement, à cause du Covid-19, des entreprises ont eu des difficultés et il y a eu des difficultés de restructuration au sein même de l’organisation mère, l’ACA. C’est cette année qu’on se retrouve pour le travail », a-t-il confié.
Pour cette édition, sept pays prennent part avec 27 participants et 77 balles. Il s’agit du Burkina Faso, pays d’accueil, qui participe avec 18 balles et quatre classeurs ; la Côte d’Ivoire avec 21 balles, neuf classeurs et deux observateurs ; le Mali avec 20 balles et quatre classeurs ; le Sénégal avec deux balles et un classeur ; le Tchad avec dix balles et deux classeurs ; le Togo avec six balles et deux classeurs. La Tanzanie participe également avec un classeur, mais à cause de la distance, elle n’a pas pu apporter de balles. Des organisations professionnelles ou entreprises de contrôle de qualité prennent aussi part à ces travaux. Il s’agit du CERFILTEX du Mali qui participe avec un observateur et de la SOSEA, un partenaire du coton africain, avec également un observateur. Ces acteurs sont chargés de s’assurer de la crédibilité des travaux.
Rendre compétitif le coton africain sur le marché mondial
Pour le président de la Commission classement métrologie de l’Association cotonnière africaine, ces travaux de renouvellement vont apporter un plus à la filière cotonnière africaine. À l’en croire, ces travaux permettent au coton africain de rester compétitif sur le marché mondial. « Le renouvellement de 2019 est déjà obsolète et donc la référence de la commercialisation de ce coton par rapport au coton qui est produit actuellement en Afrique, il peut y avoir des écarts. C’est pourquoi il faut renouveler cette opération pour permettre au coton qui va être vendu en Afrique d’être le reflet de ce qui est produit dans les champs. Les références doivent être le reflet de l’actuel coton dans les pays africains », a-t-il souligné.
Ces travaux de renouvellement ont débuté le lundi 23 septembre 2024 par une cérémonie d’ouverture. Cette cérémonie a été placée sous la présidence du directeur général de la SOFITEX, représenté par le directeur des services d’information, Marc Nakannabo. Cette rencontre, au-delà du renouvellement des standards, se veut un cadre de partage d’expériences entre ces acteurs de la filière coton venus de divers horizons. C’est aussi un lieu qui permet d’harmoniser les différentes techniques de travail et de renforcer les capacités de tous les participants en général et en particulier des plus jeunes dans le métier.
À la date du 1er octobre 2024, les acteurs étaient à l’étape de la « validation totale des standards ». Ces standards sont en cinq groupes, c’est-à-dire du standard zéro au standard 4. À l’intérieur de chaque standard, il y a quatre boules de coton et chaque boule représente un type de coton africain. « C’est un travail méticuleux et nous avons formé des groupes de travail, des groupes de supervision pour que les résultats de nos travaux soient sans reproche et que ce coton soit vraiment représentatif du coton africain sur le marché mondial. Pour ce qui s’est passé du 23 septembre au 1er octobre, nous sommes arrivés à la validation totale des standards et de leurs boules qu’ils contiennent », a-t-il dit.
Pour cette classification, les acteurs se sont appuyés sur des critères objectifs d’appréciation de la qualité de la fibre utilisée par le classement manuel et visuel de la fibre de coton. Le travail a porté sur la couleur et l’éclat de la fibre, la présence de débris de feuilles et de matières étrangères ainsi que la préparation. C’est sur la base de ces critères que les cinq standards ont été déterminés pour représenter la qualité de la production fibre des pays africains. Nous avons ainsi le standard 0 pour la 1re classe de qualité ; le standard 1 pour la 2e classe de qualité ; le standard 2 pour la 3e classe de qualité ; le standard 3 pour la 4e classe de qualité ; et le standard 4 pour la 5e classe de qualité. Par ailleurs, au sein d’un même standard donné, les variations (représentées par des sous-classes) se limitent le plus souvent à des nuances sur la couleur.
Selon le président de la Commission classement métrologie de l’Association cotonnière africaine, Ténan Tuo, des difficultés sont survenues aux premières heures de l’opération. Il s’agissait notamment de difficultés douanières. « Certains pays avaient des difficultés à faire entrer leurs balles mais, très vite, ces difficultés ont été liquidées et les balles sont arrivées à temps pour les travaux », a-t-il rassuré. Il reste toutefois convaincu que les standards issus de ces travaux seront sans reproche et permettront d’assurer au coton africain son « label qualité ».
La démarche qualité saluée par les observateurs
Les travaux de renouvellement des standards Afrique de coton sont suivis bout en bout par des « yeux étrangers », à savoir des observateurs. Ces superviseurs sont présents pour s’assurer de la qualité des travaux. Idy Ka est gérant en textile, avec 30 ans d’expérience en classement coton. Il est à la retraite depuis dix ans. Cet observateur prend part à ces travaux en tant qu’expert et consultant pour le compte de la Société de service pour l’Europe et pour l’Afrique (SOSEA) basée en France. Pour sa part, les travaux se passent bien et sont sans reproche. « Les acteurs ont suivi la procédure normale et le travail est impeccable. Je me réjouis parce que cette fois-ci, les responsables de l’ACA ont mis beaucoup de jeunes dans les travaux et cela leur permet d’apprendre le métier. Les doyens doivent partir ; donc il faut léguer le savoir-faire à cette jeunesse. D’habitude, on prenait un jeune par pays mais cette fois, ils ont mis le paquet. Ces jeunes ont également mis la main à la pâte, ils sont opérationnels. Les travaux sont aussi bien encadrés par les responsables », s’est-il réjoui.
Dr Mamadou Togola est enseignant chercheur au Centre de recherche et de formation pour les industries légères de textiles du Mali (CERFILTEX). Il est également observateur à ces travaux. Sa participation à l’élaboration des standards Afrique est, selon lui, d’une importance capitale. Il estime que toute la procédure a été respectée dans le cadre de ce renouvellement. Il a également salué la participation des jeunes à ces travaux. « Je salue l’enthousiasme de ces jeunes qui sont partis sur l’expérience que les anciens les ont léguée pour défendre la qualité du coton africain sur le marché international », a-t-il fait savoir.
Il a par ailleurs affirmé que ces travaux seront d’un apport inestimable pour que le coton africain puisse faire son bonhomme de chemin sur le marché international. « Ces travaux nous permettre, les sociétés cotonnières ainsi que les centres de recherches, de pouvoir bien défendre la qualité du coton africain sur le marché international et de pouvoir aussi consolider les acquis puisque, depuis longtemps, nous sommes en train de travailler pour la qualité de ce coton », a-t-il déclaré. La prochaine édition du renouvellement des boîtes standards Afrique de coton est prévue pour septembre 2027.
Romuald Dofini
Lefaso.net