En mars 2023, l’Assemblée législative de transition a adopté un projet de loi portant création des Comités de veille et de développement (COVED), avec pour mission principale de promouvoir la paix et le vivre-ensemble dans leurs localités respectives. Cette loi vise à impliquer les populations à la base à la sécurisation et au développement de leurs localités. C’est dans ce contexte général, et à la faveur des Journées nationales d’engagement patriotique et de participation citoyenne (JEPPC), que le gouvernement burkinabè, a organisé, ce vendredi 11 octobre 2024 à Ouagadougou, une conférence publique sur le thème : « Les Comités de veille et de développement (COVED) : législation et opérationnalisation ». L’objectif est de présenter aux populations, les contours de cette disposition prise dans un contexte de défis multiples.
Cette activité s’est tenue dans une mobilisation de plusieurs citoyens issus de divers horizons. Elle a été constituée de communications et de témoignages, en lien avec le thème général. Ainsi, la première communication a été donnée par le directeur général de l’Administration du territoire, Jean-Pierre Vogna. Elle a porté sur le sous-thème : « La loi et les textes d’application sur les Comités de veille et de développement (COVED) : explication et opérationnalisation ». Elle a permis aux participants et internautes (elle a été transmise en direct sur Facebook) de cerner, entre autres, la structures et la composition des COVED, les obligations qui incombent à leurs membres et les droits dont ils jouissent. Les COVED sont dotés d’instances de coordination, qui sont à quatre niveaux, à savoir le village, le département/arrondissement, la province et le niveau national. Ils sont chargés de rechercher et de mettre en œuvre des solutions endogènes de développement, en harmonie avec les politiques nationales et les plans locaux de développement. Jean-Pierre Vogna a également souligné que cette organisation demande l’engagement de tous les citoyens, et à tous les niveaux. Il a aussi expliqué que le Comité de veille et de développement (COVED) est une structure de développement, pas politique. Par voie de conséquence, il ne doit pas servir de tremplin à des fins politiques, a-t-il insisté, y ajoutant la probité morale et l’intégrité qui doivent caractériser les animateurs de ces structures.
Cette communication a été suivie d’un partage d’expériences du Collège de dialogue et de médiation (CDM) dans la région de l’Est, fait par son secrétaire permanent, Jean-Claude Louari. Dans sa démarche, il est revenu sur des crises qui ont secoué la localité avant de mettre en relief, les mécanismes par lesquels, le CDM a pu désamorcer les tensions. Des mécanismes qui sont à même de nourrir les COVED dans les missions qui leur sont confiées. Le secrétaire permanent du CDM a, au bout de son développement, partagé avec l’assistance, quatre leçons tirées de l’expérience de la structure, à savoir que les solutions négociées par la médiation sont indispensables, lorsque les parties en conflit doivent maintenir une relation sociale. « Le processus consensuel et amiable dans la médiation permet aux parties d’éviter les éléments contradictoires d’un procès, lesquels empêchent très souvent de maintenir une relation sociale satisfaisante après le règlement », commente M. Louari.
La deuxième leçon qu’il a partagée a consisté à faire comprendre que la médiation part toujours du principe que tout le monde est de bonne foi. « Factuellement, ce qui n’est pas toujours le cas. Les personnes de mauvaise foi ont tendance parfois à remettre en cause les accords consensuels. Afin de se prémunir des remises en cause, le CDM a engagé un processus de dialogue avec le ministère en charge de la justice et autorités judiciaires de la région de l’Est pour une homologation desdits accords de médiation. Un atelier se tient à cet effet courant ce dernier trimestre 2024 », explique le secrétaire permanent du CDM.
La troisième leçon ressort que le fait de bâtir le CDM sur des légitimités locales accessibles, renforce la confiance des communautés vis-à-vis de cet instrument. Et une fois cet instrument en place, dit-il, les actions quotidiennes des membres sont scrutées par les communautés, d’où l’obligation de réserve.
La quatrième leçon est, quant à elle, liée au fait que bénéficier d’un partenariat souple et d’un accompagnement sur mesure, permet à cette initiative locale de se construire de manière endogène.
Le conseiller spécial du président du Faso, en charge des questions de jeunesse, William Sosthène Sanou, a planché sur le sous-thème : « La contribution de la veille citoyenne au Burkina Faso post-insurrection ». Dans sa démarche, M. Sanou est revenu sur des péripéties de cette période-clé de l’histoire du pays, en la situant dans son contexte. « Il y a eu des millions de Burkinabè dans la rue, le président Compaoré est renversé. On avait un rêve : un lendemain meilleur pour les Burkinabè. Que ce qui se passait pendant les 27 ans de règne s’arrête et qu’on puisse avoir un Burkina Faso nouveau. Malheureusement (et très malheureusement), je pense que beaucoup se sont trouvés désenchantés. Les raisons sont multiples, mais ce que l’on peut noter, c’est que les acteurs de la société civile à cette période-là, n’ont pas forcement été à la hauteur des attentes de la population burkinabè. Lorsqu’on fait une révolution, une insurrection populaire, c’est parce qu’on a un souhait de changement : plus rien ne doit être comme avant », a examiné le conseiller spécial du président du Faso, rappelant que les organisations de la société civile (OSC) étaient, dès les premiers moments de l’insurrection populaire, considérées comme celles-là qui devaient assurer la veille pour l’idéal prôné par le peuple.
« Il ne s’agissait pas d’un changement qui consiste à prendre la place de l’autre pour continuer ce qu’il faisait. Le changement, ce n’est pas enlever les ministres qu’on voyait sous Blaise Compaoré et prendre leur place ; ce n’était pas pour cela que les gens sont sortis en 2014. Les gens espéraient vraiment le changement. Mais lorsque les OSC en avant-garde, qui devaient veiller et propulser le changement, se sont comportées en s’écartant de l’idéal, tandis que d’autres sont allées en accointance avec des acteurs politiques nouveaux, dirigeants de l’époque, cela à créer une crise de confiance entre elles et les populations. La méfiance s’est installée jusqu’à l’avènement du pouvoir démocratique en 2015 », reconstitue-t-il. Le communicant poursuit en relevant que l’avènement du pouvoir démocratique est ensuite apparu comme un espoir, car de nombreux Burkinabè avaient espéré que les anciens dignitaires du pouvoir déchu (devenus les nouveaux dirigeants) tirent forces et leçons de leur passé au profit de leur gestion.
Malheureusement, regrette le panéliste William Sosthène Sanou, la flamme de l’espoir s’est progressivement éteinte, avec pour conséquence, l’avènement du MPSR I le 24 janvier 2022. Un autre espoir renaît avec le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba. Il ne tardera pas à s’affaisser, poussant à l’arrivée du MPSR II, en fin septembre 2022, avec le capitaine Ibrahim Traoré. « Il y a le camarade capitaine Ibrahim Traoré qui arrive ; nouvel espoir. Ses premiers mots, ses premiers discours, donnent espoir à nouveau à la jeunesse. Et directement, une nouvelle veille citoyenne vient se mettre en place, et jusqu’à aujourd’hui, personne n’est encore rentrée chez elle, cette veille-là continue. Cette jeunesse-là a décidé de dire : “on ne va plus vendre notre lutte, on ne va plus laisser quelqu’un reprendre cette lutte-là et en faire ce qu’elle veut ». C’est ce que nous sommes en train de vivre. Camarade capitaine (Ibrahim Traoré), donnez le ton et nous suivrons, nous veillerons à ce que ça aille. Et c’est sur ça que nous sommes aujourd’hui. Pour vous dire que, la veille citoyenne qu’on a espérée depuis longtemps, avec la période post-insurrectionnelle, est aujourd’hui effective. Les gens veillent. Mieux, la veille est accompagnée de développement », reconstitue M. Sanou, arrachant à l’assistance, des applaudissements à chaque passage relatif au président Ibrahim Traoré.
Le conseiller spécial invite donc la jeunesse à s’inscrire dans la dynamique du changement imprimée par le président Ibrahim Traoré. « N’encourageons pas les gens à aller dans la corruption, le vol. Savez-vous pourquoi je le dis ? Je suis de la gouvernance actuelle. Un exemple simple : nous avons dit, lors des assises, que les députés n’ont pas de salaire ; nous ne voulons pas qu’on les paie. Mais, lorsque nous-mêmes, en tant qu’acteurs de la veille citoyenne, leur envoyons des demandes pour dire de sponsoriser telle ou telle initiative, où voulons-nous que le député enlève cet argent ? Voulez-vous que le président prenne les ressources pour soutenir les activités de soutien ? Il faut vraiment changer de manière de faire. Le changement ne consiste pas à enlever des gens puis venir s’asseoir à leur place. Le changement, ça se fait sur tout le processus. Amenons les gens à se comporter conformément au changement qu’on veut. Vivons avec le minimum qu’on a, et vivons surtout dignes. C’est ce qu’on demande à tous les Burkinabè. A la jeunesse, je demande d’éviter de tomber dans le piège de ce qu’on a connu, c’est-à-dire ne pas s’engager dans la veille citoyenne pour espérer tel poste ou qu’on finance son projet. Le circuit de financement est connu : comment on monte une demande de financement d’un projet, comment on passe un concours dans l’administration publique, etc. Mais, quand je vais voir tel responsable dans l’administration et dire que je veux tel marché, c’est simplement demander qu’on fasse comme ce qui se passait hier. Pourquoi sommes-nous sortis pour le changement alors ? Il faut qu’on reste loyal aux valeurs de changement, qu’on épouse l’idéologie de changement et d’accompagnement du capitaine, le président du Faso. C’est cela la veille citoyenne », a prodigué le conseiller spécial du président du Faso en charge des questions de jeunesse, William Sosthène Sanou, insistant sur la nécessité de préserver la veille citoyenne pour permettre au processus de changement d’aller jusqu’au bout.
C’est également la même hargne qui anime le cinéaste et homme de culture burkinabè, Rasmané Ouédraogo dit Raso, qui a clos cette phase d’exposé des panélistes, par un témoignage en sa qualité d’ancien membre des Comités de défense de la révolution et ancien membre des Tribunaux populaires de la révolution (TPR), et en mettant surtout en exergue les leçons à même de servir la cause d’aujourd’hui. Ancien collaborateur du père de la révolution démocratique et populaire, Thomas Sankara, cette figure du cinéma international, Rasmané Ouédraogo, a également servi à l’assistance, quelques anecdotes de cette époque. « Sous la révolution, c’était une mobilisation politique. Maintenant, il y a un élément qui vient s’ajouter, qui s’appelle le développement », a-t-il brandi, citant au passage les initiatives du président du Faso en matière d’agriculture. « A un moment donné, les Wayiyans, c’est sur ces champs que nous allons nous mobiliser », projette Rasmané Ouédraogo, appelant donc les populations, la jeunesse en particulier, à prendre la mesure de l’enjeu du combat engagé par le président du Faso et, partant, à se mobiliser pour accompagner la dynamique.
« N’attendez pas qu’on vous dise avant de poser certains actes. Pendant longtemps, nous sommes restés dans l’assistanat, il faut sortir de ça. On ne doit pas attendre que le président vienne creuser un puits dans notre village. Mais ce n’est pas notre faute, on nous a formatés à cela, c’est ce que l’école du Blanc nous a appris. (…). Nous devons réfléchir chaque jour pour trouver des idées sur ce qu’il faut faire pour réussir », dit M. Ouédraogo sous fond d’interpellation collective à un changement de mentalité par, entre autres, le refus de l’attentisme.
Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net
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