Burkina/Insécurité : « Les fintechs jouent un rôle essentiel en proposant des services financiers, même dans les zones difficiles d’accès », Mahamadi Rouamba, DG de Lagfo
Entrepreneur dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, Mahamadi Rouamba s’intéresse aux solutions numériques dédiées à la finance. Il est à la tête de Lagfo, une fintech qui développe des solutions numériques pour faciliter l’accès aux services financiers au Burkina Faso et au-delà. A l’occasion de la Semaine du numérique qui bat son plein, il explique ce que les fintech peuvent apporter à un pays comme le Burkina Faso, en proie à l’insécurité.
Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Mahamadi Rouamba : Je m’appelle Mahamadi Rouamba, entrepreneur dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, avec un focus particulier sur les solutions numériques dédiées à la finance. Je suis le directeur général de Lagfo, une fintech qui développe des solutions numériques pour faciliter l’accès aux services financiers au Burkina Faso et au-delà, et vice-président du comité régional de normalisation des API des services financiers numériques de l’espace UMOA. Mon parcours m’a permis de travailler sur divers projets d’innovation numérique, et aujourd’hui, avec Lagfo, nous cherchons à transformer l’expérience financière pour tous, en la rendant plus accessible et inclusive.
Pouvez-vous nous présenter l’Association des fintech du Burkina ?
Reconnue sous le numéro de récépissé N°00000908101, la Fédération burkinabè des fintech (Fintech Burkina) regroupe des entreprises dans les domaines des technologies financières et de l’ingénierie informatique pour promouvoir l’innovation et relever les défis émergents des services financiers. La Fédération Fintech Burkina a pour mission d’accompagner la transformation numérique des services financiers au Burkina Faso, en soutenant le développement de solutions inclusives adaptées aux besoins de la population. Elle collabore avec les régulateurs, le secteur bancaire, la finance décentralisée et les émetteurs de monnaie électronique pour créer un écosystème propice à l’essor de la finance inclusive.
Qu’est-ce qu’une fintech ?
Une fintech, ou technologie financière, désigne une entité qui utilise la technologie pour proposer des solutions innovantes dans le secteur financier. Cela inclut des services comme les paiements mobiles, les transferts d’argent, le crédit digital et d’autres services financiers accessibles via des plateformes numériques, permettant ainsi de toucher des segments de population souvent exclus des services financiers traditionnels. Les fintechs cherchent à simplifier le secteur financier, le rendre plus efficace, plus sécurisé et moins cher. Elles jouent un rôle crucial dans l’inclusion financière en offrant des services accessibles aux populations souvent exclues des systèmes bancaires traditionnels.
Comment se porte l’écosystème des fintech au Burkina ?
L’écosystème des fintech au Burkina Faso est en pleine expansion, avec une augmentation des start-ups et d’entreprises locales et des solutions de plus en plus adaptées aux besoins des Burkinabè. Cependant, il reste encore un long chemin à parcourir pour atteindre une pleine maturité. Des initiatives comme la Semaine du numérique, le soutien accru des régulateurs, l’augmentation du volume des levées de fonds via les fonds d’investissement nationaux et internationaux et l’appui croissant partenaires au développement sont des signes encourageants pour le secteur.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
Les défis sont nombreux. Nous faisons face à des obstacles de financement, car les fintechs nécessitent souvent des capitaux importants pour soutenir leur développement. En outre, il y a un besoin actuel et constant pour toutes les fintechs de l’UMOA de s’adapter aux réglementations, en particulier à l’Instruction N°001-01-2024 de la BCEAO, afin de promouvoir l’innovation tout en garantissant la sécurité des utilisateurs. La sensibilisation et la formation des utilisateurs représentent également des aspects cruciaux pour une adoption plus large et efficace de ces services. Tout cela requiert des efforts soutenus et constants de la part des responsables et des équipes des fintech pour rester compétitifs et répondre aux attentes du marché.
Où en êtes-vous avec le développement de votre fintech ?
Notre fintech progresse bien. Nous sommes en phase de développement avancé avec notre plateforme Lagfo et avons déjà mis en place plusieurs solutions opérationnelles que nous déployons dans plusieurs régions. Nos équipes s’efforcent de renforcer la plateforme en intégrant des technologies adaptées aux réalités locales, et nous avons des partenariats en cours pour élargir notre portée. Nous avons déjà lancé plusieurs fonctionnalités de base et continuons de les améliorer pour offrir des services répondant aux besoins financiers de la population. Notre objectif est de garantir des services simples à utiliser et sûrs pour les transactions, tout en assurant une conformité stricte avec l’Instruction N°001-01-2024 de la BCEAO. Nous mettons en place des dispositifs de gouvernance, de contrôle interne et de gestion des risques adaptés, afin de garantir un haut niveau de sécurité et de fiabilité pour nos utilisateurs.
Dans le contexte économique et sécuritaire du Burkina, que peuvent apporter les fintech ?
Les fintechs, comme Lagfo, jouent un rôle essentiel en proposant des services financiers accessibles et adaptés, même dans les zones difficiles d’accès où l’accès à des services d’épargne et de crédit traditionnels est souvent limité. Dans ces régions, les populations se tournent parfois vers des usuriers, faute d’alternatives sûres et abordables. En répondant aux besoins financiers spécifiques de ces communautés confrontées à des défis sécuritaires, les fintechs offrent des solutions innovantes qui facilitent l’accès à des services d’épargne et de crédit adaptés. Ce soutien ciblé contribue à l’inclusion financière, tout en réduisant la dépendance aux pratiques d’usure, renforçant ainsi la résilience économique des populations dans ces zones vulnérables.
De plus, les fintechs peuvent proposer des services qui soutiennent d’autres secteurs essentiels. Elles facilitent l’accès aux intrants, aux moyens de production et aux marchés, ce qui permet aux producteurs locaux et aux petites entreprises de développer leurs activités. En agissant comme un levier pour ces secteurs, les fintechs participent ainsi à la dynamisation de l’économie et à la création d’opportunités économiques pour les populations dans des environnements défavorisés et à fort défi sécuritaire.
La Semaine du numérique se tient cette année autour de la thématique des fintech, comment appréciez-vous cela ?
C’est une excellente initiative qui montre que l’importance des fintechs est bien reconnue dans le pays. La thématique fintech met en lumière le rôle croissant de notre secteur et rassemble les acteurs pour discuter des opportunités et des défis, tout en offrant une plateforme d’échange entre start-ups, investisseurs et régulateurs. Cette dynamique favorise la création d’un environnement propice à l’innovation et garantit que les fintechs burkinabés respectent les normes en vigueur.
Le ministère de l’Économie numérique nous a sollicités pour participer à l’organisation, et nous avons trouvé utile et même essentiel de nous y associer. La plupart des interventions, qu’il s’agisse de conférences, keynotes, panels ou expositions, bénéficieront de la participation de nos membres. Qui mieux que les fintechs elles-mêmes pour parler de leur contribution au secteur financier et des obstacles auxquels elles font face pour exprimer pleinement leur potentiel ?
De plus, cette initiative renforce la collaboration entre les fintechs de l’Alliance des États du Sahel (AES). La présence remarquée de nos confrères du Mali et du Niger fait de cet événement un véritable tremplin pour renforcer la coopération et développer des synergies d’action diversifiées, essentielles pour le développement de notre écosystème régional.
Que proposez-vous pour accompagner une évolution efficace des fintech au Burkina ?
Pour que les fintechs évoluent efficacement au Burkina, il est crucial de travailler sur plusieurs axes : tout d’abord, un cadre réglementaire clair et favorable, qui encourage l’innovation tout en protégeant les utilisateurs, est essentiel. Ensuite, l’accès aux financements pour les entrepreneurs est une condition clé, car les fintechs ont besoin de ressources pour développer leurs solutions. Enfin, une infrastructure numérique robuste est indispensable pour soutenir des services financiers fiables et accessibles.
Il est également essentiel de développer des programmes de formation pour que la population comprenne et adopte facilement ces nouveaux services. Le renforcement des partenariats entre fintechs et institutions financières traditionnelles peut aussi jouer un rôle déterminant en favorisant des synergies positives pour le secteur.
La Semaine du numérique, célébrée cette année autour de la thématique des fintechs, représente un soutien important de l’État burkinabè au développement des fintechs. Cette initiative témoigne de l’engagement des pouvoirs publics en faveur de l’innovation numérique et contribue de manière significative à l’accompagnement et à la structuration de l’écosystème fintech au Burkina Faso.
C. Paré
Lefaso.net