Burkina/Justice : Les députés adoptent la loi portant amnistie et conditions d’octroi de grâce amnistiante
Réunie en séance plénière ce lundi 30 décembre 2024 à Ouagadougou, l’Assemblée législative de transition (ALT) a voté le projet de loi portant amnistie et conditions d’octroi de la grâce amnistiante relatif au putsch manqué de 2015. 67 votants, sur 70, ont voté pour le projet de loi.
Ce sont au total 63 personnes composées de militaires et de civils qui ont été écrouées après avoir tenté de renverser par un coup de force le pouvoir de transition de 2015, issu de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Neuf ans après, le gouvernement pourrait accorder une grâce amnistiante à ces personnes, dont certains sont déjà engagés sur les théâtres des opérations dans la lutte contre le terrorisme. C’est justement pour leur contribution à la libération du territoire national que le gouvernement a introduit à l’ALT ce projet de loi portant amnistie et conditions d’octroi de la grâce amnistiante relativement aux événements des 15 et 16 septembre 2015.
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Sur les 70 votants, 67 ont voté pour. Il y a eu trois abstentions. Le ministre en charge de la justice, Edasso Rodrigue Bayala, s’est réjoui de ce vote, sinon de ce plébiscite, indiquant que cela donne raison au gouvernement et qu’il ne s’est pas trompé en introduisant ce projet de loi. Mais avant que les députés ne donnent leur quitus, le ministre a été appelé au prétoire pour répondre à certaines questions. « L’adoption de ce projet de loi n’est-elle pas une remise en cause de l’insurrection populaire de 2014 ? », questionne un député. « Non », répond le ministre Edasso Rodrigue Bayala. Pour le garde des sceaux, plus de trente personnes, sur les 63 condamnées, ont fini de purger leurs peines. Ceux qui restent, confie-t-il, ne dépassent pas neuf. Mieux, explique-t-il, ce projet de loi est une grâce amnistiante et non une amnistie.
Est-ce que cela ne va pas créer un précédent ?, interroge un autre représentant du peuple. « Non », rétorque le ministre, arguant qu’il ne s’agit pas du dernier projet de loi amnistiante et que le président du Faso, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, peut introduire un autre projet de loi concernant la grâce amnistiante. Un autre député revient à la charge, demandant à savoir si les familles des victimes ont été rencontrées ? Le ministre répond aussi par l’affirmative, indiquant que le projet de loi ne touche pas aux intérêts des victimes. «
La question est de savoir ce que l’État peut faire pour que les parties civiles entrent dans leurs droits », a-t-il laissé entendre, rappelant que personne n’a été désignée d’abord pour bénéficier de cette grâce amnistiante.
« Il faut dire qu’aujourd’hui, il n’y a pas de personne nommément désignée pour bénéficier de la loi d’amnistie et de la loi portant grâce amnistiante. La loi est votée concernant des faits. A la différence de l’amnistie, pour la grâce amnistiante, les personnes se trouvant dans ces conditions de fait devraient faire une demande adressée au chef de l’État. A l’issue de cette demande qui sera formulée par les intéressés pensant être dans les conditions pour bénéficier de la grâce amnistiante, une étude du dossier est faite pour savoir si les intéressés remplissent les conditions. C’est-à-dire voir s’ils font preuve d’engagement et de sacrifice sur le théâtre des opération », a-t-il expliqué.
A la question de savoir si les personnes bénéficiaires ne perdaient pas leurs privilèges à la faveur de cette loi, le ministre s’est voulu pragmatique, disant que la loi interdit de faire mention de condamnation dans les documents de ces personnes. « La grâce amnistiante et l’amnistie ont les mêmes effets. Si nous sommes au stade des poursuites, lorsque la loi d’amnistie intervient, il est mis fin aux poursuites. Si nous sommes au stade de l’information, c’est-à-dire devant un juge d’instruction, il n’y a pas lieu à poursuivre. Si nous sommes à la phase du jugement, le tribunal constate qu’il y a une loi d’amnistie et prononce la relaxe. Si les condamnations sont déjà intervenues, comme dans le cas précis, l’amnistie efface la peine. Et il est fait interdiction de faire mention de ces condamnations dans la carrière de l’intéressé », a détaillé le ministre en charge de la justice, par ailleurs avocat.
Il a rappelé que sur les 63 impliqués, il y a eu cinq qui ont été condamnés avec sursis et qui sont libres et deux sont morts. Plus de 80% ont fini de purger leurs peines, reprend-t-il. A l’en croire, certains d’entre eux ont été engagés sur le théâtre des opérations. Avant de quitter le prétoire, le ministre a indiqué que cette loi n’est aucunement une prime à l’impunité. « Le gouvernement a pris la mesure de ce projet de loi. Il n’y a pas une autre alternative que d’aller dans ce sens pour leur donner plus d’engagement sur le terrain », a-t-il martelé.
Pour rappel, l’amnistie permet d’effacer du casier judiciaire d’une personne des condamnations qui lui ont été infligées par la justice. Cet effacement est décidé par une loi spécialement votée par le parlement à cet effet.
Dans ce contexte, l’amnistie permettra aux bénéficiaires de voir effacées de leurs casiers judiciaires les condamnations qui leur ont été infligées par la justice en rapport avec le coup d’État manqué de septembre 2015. Quant à la grâce amnistiante, c’est une loi qui autorise le chef de l’État à amnistier par décret certaines personnes condamnées.
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La loi portant description et signification des armoiries adoptée
Après le vote de la loi portant amnistie et conditions d’octroi de la grâce amnistiante, l’ALT a également adopté le projet de loi portant description et signification des armoiries du Burkina Faso. C’est à l’unanimité que ce projet de loi a été adopté par les 70 votants. Par la suite, ils ont voté aussi deux autres projets de loi. Il s’agit de ceux relatifs à l’interdiction des emballages et sachets en plastique et à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive au Burkina Faso. Le ministre en charge de l’environnement et son collègue de l’économie étaient présents pour défendre ces projets de loi.
Serge Ika Ki
Lefaso.net