Assainissement : « Ceux qui aiment le Burkina Faso doivent le garder propre »
Plus de 6,482 millions de personnes desservies en termes d’assainissement au Burkina Faso avec un taux d’accès à l’assainissement de 28% en 2023 contre 27,5% en 2022. Ce sont les chiffres clés de l’assainissement au « Pays des Hommes intègres ». Des données transversales qui prennent en compte les localités rurales, urbaines et les PDI (Personnes déplacées internes). Au niveau des décideurs, des efforts et des actions sont en cours afin de rendre la question de l’assainissement une réalité partout au Burkina Faso. Une équipe de Faso7 vous fait le point de la situation sur diverses zones du pays.
« Des toilettes » (rires). « Ça ne veut rien dire quand tu te cherches », lance Yobi Nagbila, le chef du site des déplacés internes du village de Nomgana dans la commune de Loumbila. Lors de leur périple pour s’enfuir du village Mané, une commune rurale de la province du Sanmatenga, situé dans la région du Centre-Nord, la question de l’assainissement a été un luxe pour ce sexagénaire et ses sujets.
Avec sa femme et ses 8 enfants, Amadou Diallo fait partie de ce groupe qui a pris le départ en 2023 de Mané pour échapper aux exactions des terroristes. Sur les conditions qu’ils ont vécues lors de ce trajet, ce chef de famille, le visage fermé retient toujours de mauvais souvenirs. Pour lui, « quitter son village sans rien apporter et avec toute sa famille est très pénible ».
De Mané, le groupe rejoint la localité de Dapelgo, mais doit continuer son chemin pour manque de place sur le site. C’est finalement sur le site du village de Nomgana dans la commune de Loumbila qu’ils trouvent le repos dans leur quête de tranquillité, laissant tout derrière eux.
« Nous nous sommes levés sans savoir où nous allons. Nous sommes allés premièrement à Dapelgo, mais c’est ici que nous sommes venus finalement nous installer. Si nous allons expliquer ce qu’on a vécu sur la route, c’est trop », déclare le chef de famille. Après cette déclaration, silence. Amadou Diallo le regard perçant se remémore de ses douloureux souvenirs.
« Hummmmm ». « On ne peut pas tout expliquer ». « Ça n’a pas été facile ». Et encore un silence. Difficile d’avoir un récit avec lui. L’émotion s’installe. Le visage de notre interlocuteur se crispe. Amadou Diallo tourne le visage pour ne pas montrer ses yeux larmoyants et ses lèvres frémissantes. La discussion n’ira pas plus loin que ça.
La suite de l’entretien, c’est avec Salamata Nagbila que nous la menons. Avec son hidjab blanc et un léger sourire, elle semble être plus décontractée à parler. « Nous sommes venus de Mané. C’est la situation sécuritaire du pays qui nous a conduits à quitter notre village. Ça n’a pas été simple. Personne n’a rien pris. Nous nous sommes levés comme ça et on est parti comme ça », relate-t-elle.
Sur son récit, la jeune dame signifie que rien n’a été emporté dans la fuite. Une condition qui a rendu le voyage encore plus difficile. Sur le site des déplacés internes du village de Nomgana dans la commune de Loumbila, Salamata Nagbila note une amélioration de leurs conditions de vie.
Nourriture, santé, logements, habits, nattes, couvertures et latrines. Ces éléments ont été assurés sur le site selon les propos de notre interlocutrice. Sur le dernier élément, c’est une quarantaine de latrines et de douches pour environ 1 200 personnes. De manière spécifique, le site a bénéficié de 20 latrines à cabines mobiles et 20 douches.
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Des efforts consentis par la direction régionale de l’eau et de l’assainissement pour assurer un assainissement du site. Même si le ratio n’est pas satisfaisant pour l’instant, les donateurs et les bénéficiaires s’accordent pour dire que ce sont des réalisations très utiles pour les habitants.
« Ils sont venus faire des toilettes pour nous. C’est très bien. Ça nous permet d’avoir de l’intimité pour faire nos besoins et aussi ça permet de garder notre cadre propre. Avant, ce site n’était pas vivable. Les odeurs venaient de partout et tu ne pouvais pas te promener comme tu veux sans marcher sur des excrétas. Nous saluons vraiment la construction des toilettes », souligne Salamata Nagbila.
Sur cette question d’assainissement en général et celle des toilettes en particulier, le Burkina Faso s’est engagé à travers le programme national d’assainissement des eaux usées et excrétas qui couvre 2016 à 2030, à assurer un assainissement durable des eaux usées et excrétas. De façon opérationnelle et selon la directrice générale de l’assainissement, Julienne Tiendrébéogo, des objectifs bien définis sont à atteindre.
Il s’agit, entre autres, de la promotion des bonnes pratiques d’hygiène et d’assainissement, d’assurer un accès universel et continu des populations aux services d’assainissement, optimiser la gestion et la valorisation des eaux usées et boues de vidange, améliorer les connaissances dans le domaine de l’AEUE et renforcer les capacités de financement, de gestion et de pilotage du sous-secteur.
En termes de réalisations, dans le but d’atteindre ces résultats, il faut noter qu’en 2022, ce sont 36 120 ouvrages d’assainissement qui ont été réalisés. Ce qui a permis d’avoir comme taux d’accès à l’assainissement, 21,9, 40,8 et 27,5 respectivement pour le milieu rural, urbain et global. Pour la même année, ce sont 763 villages qui ont été déclarés FDAL (Fin de la Défécation à l’air libre). Le total des investissements a été de plus de 12,160 milliards de francs CFA.
« Nous avons aussi des actions pour l’arrêt de la défécation à l’air libre en milieu rural. Et à ce niveau-là, sur 8 909 villages que compte notre pays, nous avons pu avoir 11,01% de ces villages-là qui sont déclarés avoir mis fin à la défécation à l’air libre. Vous constaterez avec moi que ces chiffres, bien qu’en progression, invitent quand même à l’accélération parce que ce sont des taux que nous trouvons encore assez faibles par rapport aux cibles que nous nous sommes fixées », déclare Julienne Tiendrébéogo.
Dans cette quête d’assainissement total, les villages et les zones rurales ne sont pas en reste. En 10 jours, notre équipe a parcouru plus de 800 km à travers le pays pour comprendre la situation de l’assainissement. De Ziniaré à Bobo-Dioulasso en passant par Zorgho, Manga et Koudougou, des villages ont été visités. Sur chaque site, le constat fait est celui d’une situation peu reluisante, mais qui s’améliore peu à peu avec les efforts des différents acteurs.
Village de Nomgana dans la commune de Loumbila. Ici, ce sont environ 1 200 personnes qui y vivent. Venues de Mané pour échapper à la crise sécuritaire, elles ont dû faire avec les moyens de bord avant de recevoir une quarantaine d’ouvrages d’assainissement. Sur le site, les uns et les autres décrivent un changement radical sur la situation avant et après l’installation des toilettes.
Yobi Nagbila, le chef du site, note une amélioration notable de la situation. « Le site a véritablement changé. Avant, ce n’était vraiment pas facile. Personne ne pouvait rester dehors. Tout le site était insalubre parce que les gens faisaient leurs besoins n’importe où », dit-il.
Dans la même logique, la directrice régionale de l’eau et de l’assainissement, Florence Kaboré relève des notes de satisfaction sur l’évolution de la situation sur le site. Visiblement contente du travail fait sur les lieux, elle ajoute que les latrines réalisées sur le site pour les déplacés internes ont été réparties de telle sorte à permettre une bonne utilisation des infrastructures.
« Ceux qui aiment le Burkina Faso doivent le garder propre »
« À la mise en service, on a fait une répartition entre les femmes et les hommes. Sur l’utilisation, des séances de sensibilisation ont été faites pour montrer l’utilité de ces réalisations aux bénéficiaires », explique-t-elle avant d’ajouter que les sensibilisations doivent se poursuivre afin d’arriver un à un réel assainissement.
Les actions entreprises par tous les acteurs du domaine de l’assainissement à travers le Programme national d’assainissement des eaux usées et excrétas ont permis d’engranger des résultats fort encourageants avec une amélioration continue du taux d’accès à l’assainissement, passant de 18,0% en 2015 à 28% en 2023 au niveau national.
En milieu rural, il a évolué de 12,0% à 22,7% et en milieu urbain, de 34,0% à 40,5% (rapport bilan national PN AEUE, 2023). Le taux de défécation à l’air libre a connu une régression significative de 10.3 points de pourcentage, passant de 43,9% en 2016 à 33,6% en 2022 (JMP, 2022).
Malgré l’évolution positive constatée, l’accès à l’assainissement reste toujours faible au plan national et particulièrement en milieu rural en raison de la crise sécuritaire que traverse le pays depuis 2015. C’est dans ce sens que le Président du Faso, le Capitaine lbrahim Traoré, dans son discours à l’occasion des journées nationales d’engagement patriotiques et de participation citoyenne (JEPPC) 2024 a dit que « ceux qui aiment leur cadre de vie le gardent toujours propre, et ceux qui aiment le Burkina Faso doivent le garder propre ».
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Basile SAMA
Faso7
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