Rétro politique 2024 au Burkina : Du retrait de la CEDEAO à la consolidation des liens avec la Russie, en passant par la création de la Confédération AES…, une année bien mouvementée
L’année 2024 a définitivement tourné la page, avec son lot de difficultés certes, mais aussi ses pages de victoires et d’espoirs pour le Burkina sur bien d’aspects. Au plan politique, l’évènement cardinal reste sans doute cette annonce dominicale du 28 janvier de retrait, avec les deux autres pays formant l’Alliance des États du Sahel (AES), de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Une décision à la surprise générale qui emporte plusieurs interrogations et implications. 2025 se présente en ceci de particulier que les dirigeants affichent leur volonté de rapprocher davantage les Burkinabè, si l’on en croit les dernières mesures du gouvernement, actées par l’Assemblée législative de transition, notamment la loi portant amnistie et conditions d’octroi de grâce amnistiante et le Discours de politique générale du Premier ministre Emmanuel Ouédraogo qui fait une part belle également à la réconciliation nationale et à des mécanismes y afférents.
Cette annonce par un communiqué conjoint Burkina-Mali-Niger de se retirer de la CEDEAO succédait ainsi de quelques mois, la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), en septembre 2023. Un acte politique qui a nourri les débats à tous les niveaux de la société durant l’année et qui continue de le faire, à quelques jours de l’échéance réglementaire pour la CEDEAO.
Ce retrait a franchi un cap par l’adoption, le samedi, 6 juillet 2024, à Niamey, au Niger, du traité instituant la Confédération AES entre le Burkina, le Mali, et le Niger, à l’occasion du premier sommet des trois chefs d’Etat. Ce sommet fait du général Assimi Goïta, le premier président en exercice de l’AES pour une durée d’un an. Et depuis lors, des actes de consolidation de l’Alliance se succèdent à travers notamment des approches sectorielles (mise en synergie des Forces de défense et de sécurité, lancement d’une Web TV, signature d’un protocole d’accord sur la fin des frais d’itinérance des communications téléphoniques « roaming », etc.).
Lire aussi : Week-end “AES et CEDEAO” : Niger et Nigéria, si proches, si loin !
L’année 2024 s’est également traduite par l’éloignement politique du Burkina avec certains de ses partenaires traditionnels et son rapprochement avec d’autres, notamment la Fédération de Russie. Ce resserrement des rangs autour du pays de Vladimir Poutine s’est observé au plan des trois pays pris individuellement que dans le cadre de l’AES. Pour le Burkina, et outre la réouverture de l’ambassade de la Fédération de Russie au Burkina en fin décembre 2023, la prise de service de l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso auprès de la Fédération de Russie, l’axe Ouaga-Moscou s’est renforcé par la participation du Burkina aux évènements importants organisés par l’Etat russe, à l’image de ATOMEXPO en fin mars et de la Conférence Russie-Afrique en novembre. Les « Journées économiques du Burkina à l’extérieur » 2024 tenues en octobre et la visite d’amitié et de travail en juin du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, à Ouagadougou sont entre autres actions de raffermissement des liens de coopération entre le Burkina et la Fédération de Russie.
L’an écoulé s’est aussi caractérisé par ces tensions avec la Côte d’Ivoire et le Bénin, pointés par le pouvoir de Ouagadougou d’abriter respectivement “un centre d’opérations” et “deux bases françaises” à des fins de déstabilisation. Cette déclaration venait en plus de la situation déjà existante de l’arrestation de deux gendarmes ivoiriens en septembre 2023 (ils ont été libérés le 29 novembre 2024), et la détention du côté ivoirien, en fin mars 2024, de deux éléments des forces combattantes burkinabè.
Au plan national, la tenue des assises, samedi, 25 mai 2024 à Ouagadougou, reste un des faits les plus marquants de l’année 2024 et un tournant capital dans la vie nationale. Non seulement de par l’actualité qui l’a entourée, mais aussi par l’enjeu. Des assisses qui se sont soldées par un réaménagement de la charte, avec une prolongation de la transition de cinq ans à compter du 2 juillet 2024, le passage de l’appellation président de la transition à président du Faso, chef de l’Etat, chef suprême des forces armées nationales.
L’une des conséquences immédiates de la charte modifiée va être le remodelage au niveau de l’Assemblée législative de transition (ALT), où les composantes politiques (les anciens groupements : Alliance des partis et formations politiques de la majorité présidentielle, APMP ; Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso, CFOP-BF ; Opposition non-affiliée, ONA, etc.) vont être supprimées. Désormais, les membres de l’ALT siègent au titre de leur parti politique et non des composantes ci-haut relevées. Ce qui écarte du pouvoir législatif, des partis traditionnels comme le MPP, l’UPC, le CDP, l’UNIR/MPS, le NTD, le RPI, l’ADF/RDA, etc., qui y siégeaient par le jeu des composantes sus-énumérées. D’ailleurs, ces partis avaient décliné leur participation aux assises nationales, pointant la mesure de suspension qui frappe leurs activités depuis l’arrivée du pouvoir de transition.
Le jeudi, 11 juillet 2024 à Ouagadougou, le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré tient une rencontre avec les forces-vives de la nation pour décliner ce qu’il convient d’appeler sa feuille de route pour le quinquennat. Pour l’occasion, le président dénonce les maux qui sapent la société burkinabè, dont le phénomène de corruption dans l’administration publique. Il pointe également le surpeuplement carcéral, la “pléthore” du personnel dans les ambassades du Burkina à l’étranger et le nombre de représentations diplomatiques, des insuffisances du pouvoir judiciaire… et annonce des mesures pour chacun des volets qu’il a évoqués.
Une feuille de route incarnée par l’action du Premier ministre Dr Apollinaire Kyelem de Tambèla et ses équipes par les lettres de missions qui leur ont été assignées. Après deux années et deux mois à la tête de la Primature, Dr Kyelem de Tambèla est déchargé de ses fonctions, le 6 décembre.
Le 7 décembre, Jean Emmanuel Ouédraogo est nommé Premier ministre. Précédemment ministre d’Etat, ministre de la communication, de la culture, des arts et du tourisme, porte-parole du gouvernement, Jean Emmanuel Ouédraogo dévoile son gouvernement dès la soirée du dimanche, 8 décembre.
Le vendredi, 27 décembre, le nouveau Premier ministre sacrifie à la Déclaration de politique générale (DPG) devant l’Assemblée législative de transition (ALT). A l’issue de cette présentation de sa feuille de route à charge de vote, le Premier ministre a reçu le quitus à l’unanimité des 71 députés de l’ALT.
Avec une telle assise confortable, le Premier ministre Emmanuel Ouédraogo devra entamer en toute sérénité, les chantiers annoncés au peuple, parmi lesquels, la réconciliation nationale tant prônée par une partie des Burkinabè, et perçue par certains comme fondamentale dans la dynamique de lutte contre le terrorisme et le retour à la paix. « Mon gouvernement s’engage à œuvrer pour une réconciliation des Burkinabè », a promis le chef du gouvernement.
Cette déclaration du Premier ministre vient ainsi renforcer l’adoption en Conseil des ministres, quelques jours avant, d’un projet du loi portant amnistie et conditions d’octroi de la grâce amnistiante relativement aux évènements des 15 et 16 septembre 2015, texte approuvé par l’ALT le lundi, 30 décembre.
Au moment où le ton de cette autre démarche en faveur de la lutte pour la reconquête du territoire et le retour de la paix est donné, il n’est pas superflu de vivement souhaiter que soit accordée une liberté à tous ceux-là qui sont dans des liens de ‘’réquisitions » pour des raisons liées à leurs opinions. Et par le même esprit, implorer que 2025 soit celle de la victoire définitive des forces combattantes sur les forces du mal, d’un territoire national intégralement conquis et d’une quiétude socio-politique définitivement retrouvée pour le bonheur de tous.
Lire aussi : Burkina : Il faut aller à la réconciliation nationale, c’est primordial
Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net