Kongoussi : 24 mois de prison requis contre la guérisseuse « Hadja de Boalin » pour diffamation
Le Tribunal de grande instance de Kongoussi a examiné, le mercredi 5 février 2025, une affaire impliquant une guérisseuse accusée d’avoir diffamé et mis en danger plusieurs femmes âgées en les accusant de pratiquer la sorcellerie. Le Procureur du Faso, Mamoudou Moïse Forogo, a requis une peine d’emprisonnement de 24 mois, dont 12 mois ferme, ainsi qu’une amende de 500 000 francs CFA à l’encontre de l’accusée, connue sous le nom de « Hadja de Boalin ». Deux autres individus, soupçonnés d’avoir pris part aux faits, étaient également poursuivis dans cette affaire, d’après l’Agence d’information du Burkina (AIB).
L’affaire a éclaté au début du mois de janvier 2025, lorsqu’une femme âgée de plus de 60 ans a porté plainte, dénonçant des accusations injustifiées à son encontre. L’enquête menée par la police judiciaire a révélé que plusieurs autres plaintes similaires avaient été déposées contre la même guérisseuse, ce qui a conduit à son interpellation ainsi qu’à celle de deux présumés complices, identifiés sous les initiales E.O et G.O.
Lors de l’audience, la principale prévenue, F.N, âgée de 23 ans, a reconnu en partie les faits qui lui étaient reprochés. Elle a affirmé posséder un don divin lui permettant de guérir et de prédire l’avenir, tout en niant avoir directement accusé la plaignante de sorcellerie. Selon ses dires, ce seraient plutôt des enfants du village qui auraient formulé ces accusations.
Les deux autres prévenus ont livré leur version des faits. E.O a expliqué avoir consulté la guérisseuse pour la maladie de son fils, et cette dernière lui aurait allégué que si une certaine dame Z. passait la nuit au village, l’enfant en mourrait. Paniqué, il aurait relayé cette information, provoquant ainsi la mobilisation des villageois pour expulser la supposée sorcière. G.O, quant à lui, a rapporté que, suite au décès de son fils dans un éboulement sur un site d’orpaillage, F.N lui aurait suggéré qu’une femme du village était responsable de ce drame, ce qui aurait également conduit à l’expulsion d’une autre vieille femme.
Le tribunal a par ailleurs entendu plusieurs victimes, dont l’une a relaté le drame qu’elle a vécu. Elle a indiqué que, de retour des funérailles dans son village natal, elle s’était rendue s’occuper de ses porcs. À son retour, l’un de ses fils, en larmes, l’avait avertie que des habitants s’étaient regroupés pour la chasser du village sous le prétexte qu’elle était une sorcière. Elle a précisé qu’elle n’avait même pas eu le temps de récupérer ses affaires avant de repartir dans son village d’origine et que, depuis lors, sa maison avait été vidée de toutes ses possessions.
Lors de l’audience, le procureur a diffusé deux enregistrements audio dans lesquels F.N décrivait, avec assurance, les pratiques supposées de certaines prétendues sorcières du village. Il a vivement dénoncé ses agissements en déclarant qu’en l’espace de trois mois seulement, la guérisseuse avait semé le chaos dans un village qui vivait en parfaite harmonie depuis des décennies. Il a par ailleurs souligné que, bien qu’ayant elle-même eu recours à un guérisseur pour se soigner, elle prétendait posséder un pouvoir divin.
Face à la gravité des faits, le ministère public a requis contre la guérisseuse, une peine de 24 mois de prison, dont 12 mois ferme, et une amende de 500 000 francs CFA. Il a aussi demandé le retrait de l’autorisation de prière délivrée à la guérisseuse par les autorités communales de Kongoussi. Le parquet a par ailleurs requis 24 mois de prison, dont un mois ferme et une amende avec sursis pour G.O, ainsi que 12 mois assortis de sursis pour E.O.
Le dossier a été mis en délibéré au 19 février 2025, selon l’AIB.
Eléonore Savadogo (stagiaire)
Faso7
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