Journée Africaine de Lutte contre la Corruption (JALC) : Me Prosper Farama revient sur les leçons à tirer de l’affaire Amidou Tiegnan

Ce vendredi 11 juillet 2025, à l’occasion de la Journée Africaine de Lutte contre la Corruption (JALC), le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) et leurs partenaires ont organisé une conférence majeure à Ouagadougou. Le thème retenu a été « Éradiquer la corruption pour valoriser pleinement le capital de l’Afrique ».
Parmi les intervenants, l’avocat Me Prosper Farama, représentant du REN-LAC, a analysé l’affaire Amidou Tiegnan, un scandale de détournement de plus 3 milliards de francs CFA au ministère chargé de l’Action humanitaire. Ayant participé au procès en tant qu’avocat, a exposé les leçons qu’il a tirées de ce procès, sous le prisme de la prévention et de la répression de la corruption dans le secteur humanitaire.
Pour commencer, Me Prosper Farama a souligné l’ingéniosité déployée par les corrupteurs, révélant un système de corruption « en vase clos », où même des agents publics se corrompent entre eux pour protéger leurs intérêts. Cette corruption multiforme, à la fois verticale et horizontale, dépasse les clichés habituels et exige une vigilance accrue, selon lui.
« Moi, je ne suis pas un spécialiste du domaine, mais ce que j’ai noté, vous savez, d’usage, la corruption, on la voit comme venant de l’extérieur vers des agents publics. Mais là, dans ce cas-là, si on a fait un peu attention, on a vu que c’était un peu à l’intérieur. C’est-à-dire, c’est un système en vase clos. Et même mieux, c’est la première fois que je vois des agents publics qui se corrompent eux-mêmes. Je dis, vous voyez quelqu’un qui va corrompre son ami, pour qu’il n’y pose ou ne pose pas un acte pour lui permettre à lui-même de continuer à voler », a-t-il déclaré.
Malgré des textes et dispositifs théoriquement solides, la pratique révèle un écart inquiétant, selon l’avocat. Me Farama pointe une inertie, voire une léthargie, dans l’action publique, où des profils inadaptés restent en poste, gérant des fonds colossaux sans contrôle effectif. Pour lui, cette situation soulève la question de la volonté politique réelle dans la lutte anticorruption.
Pour l’homme de droit, le procès Tiegnan révèle aussi les limites du système judiciaire : lourdeur des procédures, manque de formation technique des juges et acteurs judiciaires, et surtout la défiance liée aux soupçons de corruption au sein même de la justice. Me Farama appelle à une réforme profonde pour garantir l’intégrité et l’efficacité des institutions chargées de juger la corruption.
Une dimension culturelle à ne pas négliger
Au-delà des aspects techniques, Me Farama a mis en lumière un obstacle majeur : la perception culturelle de la corruption. Il rapporte une anecdote frappante où un citoyen, interrogé sur ses priorités en tant que président fictif, répond spontanément qu’il « viderait la banque ». Ce réflexe illustre un fatalisme et une acceptation tacite de la corruption comme un « réflexe culturel ». Pour lui, sans une éducation citoyenne renouvelée et une remise en cause des normes sociales, les mécanismes légaux resteront insuffisants.
En conclusion, Me Farama a insisté sur l’impérieuse nécessité de privilégier l’intégrité avant la compétence dans les nominations aux postes sensibles, de renforcer la formation des acteurs judiciaires, et surtout d’élargir la lutte anticorruption à l’ensemble de la société.
Selon lui, c’est par une prise de conscience collective et une action coordonnée que l’Afrique pourra enfin valoriser pleinement son capital, libérée du fléau de la corruption. « Le citoyen lambda, on parle de la corruption, quand on lui parle, c’est à la télé, dans des canaux comme ceux-là, mais pourtant, oui, c’est eux à la base, moi, j’estime, qui sont les sortes de fondamentaux qui nous permettront de prévenir la corruption et de pouvoir la réprimer », a-t-il déclaré.
Josué TIENDREBEOGO
Faso7
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