Citoyenneté : au-delà des mots
Instituée depuis 2004, la Semaine nationale de la citoyenneté (SENAC), qui est à sa 18e édition, se tient sur toute l’étendue du territoire national du 2 au 5 novembre 2021. Cette initiative se veut une occasion de sensibilisation, d’information, de plaidoyer et d’interpellation de l’ensemble de la population sur les valeurs de civisme et de citoyenneté. La SENAC met au centre de ses actions, l’appropriation des valeurs de citoyenneté et le respect des symboles qui font l’identité de la nation burkinabè.
S’il faut saluer la mise en place d’un tel cadre de promotion des valeurs civiques, il appartient toutefois, à tous les Burkinabè sans exception, d’incarner l’idéal d’une société respectueuse de ses valeurs. Peut-on promouvoir la citoyenneté quand ceux qui sont censés incarner cet idéal se complaisent dans l’irresponsabilité ? L’avènement d’une société où le bien commun est protégé est-elle possible quand l’incurie chronique est la chose la mieux partagée ? Comment promouvoir la citoyenneté quand certains Burkinabè abusent effrontément de leur pouvoir ?
Peut-on véritablement prôner le respect des symboles étatiques quand de plus en plus, de Burkinabè sont réfractaires aux critiques ? Peut-on véritablement avoir des citoyens respectueux des valeurs de la République sans mettre l’école au centre d’un tel projet ? L’incivisme au Burkina, est devenu un lieu commun sinon une banalité depuis des lustres. Des personnes censées incarner l’autorité se sont illustrées dans des comportements dignes d’une autre époque au mépris de la loi. Or, promouvoir la citoyenneté suppose un minimum d’exemplarité à tous les niveaux de la société burkinabè. De par leurs agissements peu recommandables, de nombreux Burkinabè sont parvenus à générer des frustrations presque dans tous les compartiments de la société. Conséquences, toutes ces frustrations s’expriment de la pire des manières : par un incivisme notoire aussi bien en circulation que dans l’administration.
Soyons en sûrs ! Une société respectueuse de ses valeurs cardinales ne saurait se bâtir à coût de slogans. Mieux, ce ne sont pas les discours qui vont faire barrage à l’incivisme suicidaire. Ce n’est pas à travers un matraquage publicitaire non plus que l’on va reconquérir les valeurs d’intégrité tant chantées. Il faut cette cohérence entre ce qui est dit et ce qui est posé comme acte afin que chacun puisse incarner l’idéal de citoyen que la nation attend de lui. Autrement dit, c’est en donnant le bon exemple au quotidien que l’on peut espérer renouer avec les idéaux d’une citoyenneté responsable. Tant que certains donneront l’impression d’être les plus forts ou d’avoir la licence de faire ce qu’ils veulent au mépris de l’intérêt général, l’incivisme aura toujours pignon sur rue, en dépit des initiatives telle la SENAC. En plus de prêcher par une conduite irréprochable, il faut remettre l’école au centre des préoccupations de la société.
C’est par l’école que l’on peut véritablement imprimer les préceptes d’une citoyenneté au service de l’intérêt général. C’est également par cette institution que l’on peut véritablement apprendre à chacun à faire communauté avec les autres pour que l’avenir puisse s’appréhender dans la quiétude, la responsabilité et le respect de tous. Comme l’a si bien dit le Pr Jacques Nanéma, « L’école (re)présente un potentiel incroyable en termes d’éducation véritable de la communauté, mais on continue de faire comme si c’était un microcosme isolé, abstrait, un boudoir de l’intellectualité pure ….
Il manque à notre école et sans doute aussi à notre pays, l’imagination de nouveaux paradigmes et modèles éducatifs qui relient davantage la formation scolaire au projet de société vu sous l’angle de l’avenir ». Tant que les efforts ne seront pas conséquemment mobilisés pour que l’école, « cette instance de lucidité réflexive » et de socialisation, joue pleinement sa partition dans l’érection d’une citoyenneté consciente de ses responsabilités, il est à parier que l’on s’enfoncera davantage dans l’abîme de l’incivisme. Au-delà des mots, il urge de donner l’exemple.
Karim BADOLO
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