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Procès Thomas Sankara : Le coup d’Etat a été bien organisé selon le colonel Blaise Sanou

L’audience du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et ses douze compagnons s’est poursuivie, le mercredi 15 décembre 2021, à Ouagadougou, avec l’interrogatoire de six témoins devant la chambre de jugement du Tribunal militaire délocalisé à Ouaga 2000.

L’audience du mercredi 15 décembre 2021, du procès de l’assassinat du président Thomas Sankara et ses compagnons a débuté au Tribunal militaire avec la suite de la déposition du témoin Eugène Somda. L’adjudant-chef major à la retraite, infirmier de la Présidence au moment des faits, a affirmé en répondant aux questions du parquet militaire que c’est en partant à la Présidence vers 14h, le 15 octobre 1987, qu’il a constaté un mouvement anormal à la Radio nationale.

« Des soldats étaient en tenue et leur nombre a augmenté. Mais tout de suite, cela ne m’a rien fait, parce que cela peut être un déploiement normal», a-t-il expliqué. Quand il s’est rendu au Conseil de l’Entente, le témoin a dit avoir reconnu certains éléments, dont Nabonswendé Ouédraogo, Laurent Ilboudo, Yacinthe Kafando. « A part le général qui n’était pas armé, tout le reste en était », a-t-il précisé. A entendre, M. Somda, le président Thomas Sankara, dans ses confidences ne cessait de répéter de ne jamais avoir confiance à quelqu’un.

L’adjudant-chef major a également apporté des éclaircissements sur la tentative d’assassinat du président Sankara entre les 9 et 10 octobre 1987 alors qu’il effectuait une visite à son père. Pour le témoin, c’est un soldat qui lui avait annoncé qu’à cette date, le président devrait être tué. Ce dernier, a-t-il fait savoir, a été informé par Nabié Nsoni. « Nabié aurait dit au soldat de tout faire pour ne pas être de la partie sinon, nous allons vous canarder », a-t-il rapporté. Pour Eugène Somda, la trajectoire du cortège était connue. Mais à un moment donné, l’escorte du président Sankara a bifurqué sur un autre trajet, a-t-il poursuivi. « Arrivé, j’étais énervé contre le soldat.

Je l’ai menacé en lui demandant des explications. Il m’a dit qu’il a entendu de son talkie-walkie un message disant « de bifurquer », s’est-il rappelé. En cherchant à mieux comprendre selon le témoin, le soldat en question lui a dit qu’il a déjoué un coup. « Il n’a pas donné l’information avant pour signifier que c’était pour préserver la vie du chef », lui a-t-il confié.

« Ma mémoire ne trahit pas par rapport à son visage »

A la suite de ces éclaircissements, l’accusé Nabonswendé Ouédraogo a été appelé à la barre pour une confrontation à la demande du parquet.

Devant le tribunal, M. Ouédraogo a indiqué que le témoin Somda est en train de le confondre à Nassonswendé Ouédraogo qui, selon lui, faisait partie également de la garde rapprochée de Blaise Compaoré. « Quand les tirs ont commencé, je n’étais pas au poste. Je me suis mis à l’abri. Je ne l’ai pas vu (Eugène Somda, Ndlr). Comment je peux l’arrêter de ne pas rentrer ? », s’est justifié l’accusé. Et le juge Urbain Méda de lui demander les éléments possibles de confusion avec son homonyme. « Nous avons presque la même taille, mais il est plus grand que moi. Il est de teint noir », a-t-il répondu.

Pour le témoin, sa mémoire ne le trahit pas par rapport au visage de Nabonswendé Ouédraogo. « Je le connais bien. Je ne peux pas l’oublier parce que si vous avez été traumatisé, l’image reste », a-t-il répliqué. Après lui, c’est le général Diendéré Gilbert qui a été invité pour être confronté à Eugène Somda. Le témoin a également affirmé avoir vu le général Diendéré au Conseil de l’Entente et il a été même accueilli sur un banc par le lieutenant d’alors pour savoir les raisons des tirs.

Ces déclarations du témoin ont été confirmées par l’accusé Diendéré. Blaise Sanou, a été le 2e témoin du jour à faire sa déposition. Le colonel-major à la retraite, commandant d’escadron de chasse au moment des faits, a affirmé que le coup d’Etat a été « bien organisé et exécuté ». Dans sa relation des faits, il a révélé que Watamou Lamien aurait informé un de ses proches que Thomas Sankara n’est pas quelqu’un qu’on peut arrêter et emprisonner. Pour lui, ce qui veut dire en français facile qu’il faut le tuer.

Le témoin, qui a éssuyé des larmes pendant sa déposition, a dit retenir des éléments qui montrent que le coup a été prémédité. Blaise Compaoré, a-t-il indiqué, a été toujours avide du pouvoir. A l’en croire, sa tentative de modifier l’article 37 pour y rester témoigne cela. De son avis, cette volonté va se traduire aussi par la liquidation de Henri Zongo et de Boukari Lingani. S’agissant des tracts, selon la conviction du colonel Sanou, ce sont les mêmes groupes qui les distillaient pour semer la terreur afin d’atteindre leur objectif.

Un témoin accable Arsène Bongnessan Yé

L’adjudant-chef de l’armée de l’air à la retraite, Denis Bicaba, est passé à la barre à la suite de Blaise Sanou pour son interrogatoire. Le Sergent et ancien membre du Conseil national de la révolution (CNR), au moment des faits, a dit être rentré au pays en fin juillet 1987. M. Bicaba a aussi reconnu que le coup d’Etat n’est pas un incident, mais a été « bien préparé ». Le prisonnier de 21 mois après le drame du 15 octobre 1987 a souligné avoir reçu son beau-frère Gabriel Tamini à domicile un jour. « Il m’a dit qu’il venait de la part de Blaise Compaoré qui me demandait de m’allier pour un coup d’Etat contre Sankara », s’est-il souvenu.

Aussi, a-t-il ajouté, Arsène Bongnessan Yé lui a proposé de participer au coup d’Etat contre le grade de sous-lieutenant ou de haut-commissaire. Le témoin a dit avoir refusé ses promesses. Sergent à la retraite, Ambroise Nana (62 ans) qui était chauffeur de Chantal Compaoré et soldat de première classe en 1987, a été le 4e témoin à passer à la barre. Il a déclaré que le 15 octobre 1987, Mme Compaoré était en voyage et il était au domicile de Blaise Compaoré. Vers 15h, celui-ci lui a demandé de s’apprêter pour le conduire au Conseil de l’Entente pour une réunion.

Dans l’attente de cette mission, il a entendu des tirs provenant du lieu de la rencontre. Sorti du domicile pour savoir ce qui se passait, M. Nana a dit avoir constaté des mouvements des populations en débandade. « En même temps, le patron (Blaise Compaoré, Ndlr) est sorti et il est rentré », a-t-il témoigné. A l’en croire, quand les tirs ont cessé, l’ex-président du Faso qui avait l’air très préoccupé l’a envoyé avec sa 205 blanche de fonction pour aller chercher le Pr Etienne Traoré, Salif Diallo et Gabriel Tamini. Il y est allé et a accompli la mission.

Aux questions des différentes parties, il a plusieurs fois répondu par : « Je ne me rappelle plus ». Cela a amené le parquet militaire à conclure : « Je ne pense pas qu’on puisse tirer quelque chose de ce témoin ».

« Je n’avais pas de véhicule »

Adama Tinto (62 ans), sergent à la retraite et caporal au moment des faits, était de la sécurité rapprochée de Blaise Compaoré. Selon ce témoin, le 15 octobre, dans la matinée, chef de poste au domicile de M. Compaoré, il a été désigné par Hyacinthe Kafando avec Hamidou Maïga et N’Sony Nabié pour assister à la réunion entre les deux gardes rapprochées. Dans l’après-midi, il était à l’intérieur du domicile du N°2 du CNR quand il y a eu des tirs. Il a alors positionné ses éléments.

Quelques instants après, il a été arrêté par ces mêmes éléments sur ordre de son supérieur hiérarchique, Hyacinthe Kafando et emprisonné dans une maisonnette. A l’entendre, le lendemain, trois soldats dont Nabié et Maïga sont venus le conduire au Conseil où il a passé des jours avant d’être transféré à la gendarmerie. Il a été libéré entre les 3 et 4 août 1989 par le commandant de la gendarmerie, Jean-Pierre Palm.

Appelé pour une confrontation afin de vérifier une déclaration du témoin faisant état de sa visite à Blaise Compaoré dans la nuit du 14 octobre, le colonel Palm a laissé entendre qu’il n’a pas vu ce dernier, deux semaines avant les événements dramatiques. « Je ne suis pas allé chez lui et en plus, je n’avais pas de véhicule », s’est-il justifié. Les accusés, Idrissa Sawadogo et Elisée Yamba Ilboudo ont été aussi appelés pour une confrontation avec Ambroise Nana sur l’existence ou pas des postes Delta Nord et Delta Sud au domicile de l’ex-président Compaoré.

Pour ceux-ci, il y a bel et bien ces deux postes. Le 6e témoin appelé à la barre a été le colonel à la retraite, Louis Joanny Yaméogo (72 ans). Chef de bataillon et commandant de la 4e région militaire à Bobo-Dioulasso, en permission à Ouagadougou, il était à l’Etat-major général avec le commandant Boukari Lingani quand les tirs ont éclaté au Conseil.

Etant en tenue civile, il est allé se mettre en militaire avant de se rendre à Koudougou où il a rencontré le capitaine Boukaré Kaboré dit le ‘’Lion’’ avec qui, il a appris la mort de Thomas Sankara. De Koudougou, il a regagné son service et est revenu, le 16 octobre pour la rencontre avec les officiers. Après la déposition du colonel Yaméogo, l’audience a été suspendue et reprend le jeudi 16 décembre 2021 avec les questions des différentes parties et la déposition des témoins Sakré Sinaré, Karim Sankara, Fidèle T. Kientéga, Réné Yoda, Bamory Ouattara, Adama B. Nacro…

Aly SAWADOGO

Timothée SOME

timothesom@yahoo.fr

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