Soudan : Abdallah Amdok piégé ?
La situation politique au Soudan est dans ce que l’on pourrait appeler une impasse. Depuis la libération du Premier ministre, Abdallah Amdok, le 21 novembre dernier suite à la pression de la rue et de celle de grandes puissances, tout semble encore au point mort. Le chef du gouvernement qui avait été arrêté, le 25 octobre 2021, à la suite du coup de force du général Abdel Fattah al-Burhan, a toutes les peines du monde pour former une nouvelle équipe qui devrait conduire la Transition jusqu’à l’organisation d’élections en 2023.
Les incompréhensions gravitent au sein de la classe politique qui estime que Abdallah Amdok a conclu un accord unilatéral avec le général al-Burhan. Conséquence, bon nombre de leaders politiques pensent que les militaires ont littéralement confisqué leur révolution d’avril 2019 qui a permis de renverser Omar el-Béchir. Celui-ci aura passé au moins trois décennies à la tête du pays. Le Premier ministre se trouve aujourd’hui dans une situation où il lui est difficile de manœuvrer pour remettre la Transition en marche.
Pendant que les civils se claquemurent dans une intransigeance tenace, les grandes puissances qui avaient promis de l’aide au pays afin de faire face à la crise économique posent comme condition, la formation d’un nouveau gouvernement. D’un autre côté, les militaires, ayant pris goût aux délices du pouvoir, exploitent savamment les éternels malentendus de la classe politique pour soutenir que les civils seuls sont incapables de diriger le pays.
L’on se demande jusqu’à quand va se poursuivre cet épisode assez critique pour ce pays qui croyait avoir renoué avec un renouveau démocratique depuis la chute d’Omar el-Béchir ? Que va rapporter l’intransigeance des leaders politiques au moment où le général al-Burhan a nommé des centaines de ses frères d’armes dans des postes clés de l’administration ? Tant que ce climat de suspicions et malentendus va persister au sein de la classe politique soudanaise, cela profitera aux militaires qui auront la latitude de réoccuper certains postes importants dans l’administration.
En maintenant le blocus sur la formation du gouvernement, les leaders politiques font une grosse erreur politique, celui de laisser s’effriter les acquis de la révolution populaire de 2019. Il serait judicieux pour la classe politique soudanaise de sortir de cette posture improductive pour sauver l’essentiel. C’est le moment ou jamais pour elle de dépasser ses contradictions internes pour mieux fédérer ses énergies en vue des échéances électorales de 2023.
Tant qu’elle va continuer à s’étriper dans des querelles de chiffonniers en accusant le Premier ministre d’avoir trahi les civils, c’est un boulevard qu’elle va préparer pour la « grande muette » pour revenir aux affaires à l’issue des futures élections. Dans les périodes d’incertitudes, il sied d’avoir la lucidité qui permette de prendre les décisions mûries pour éviter le naufrage. Une chose est certaine : cette situation de blocage ne profite à personne dans ce Soudan meurtri depuis des lustres.
Perdre de vue l’intérêt supérieur de la nation qui est, dans sa situation actuelle, le retour à la stabilité institutionnelle, c’est courir le risque d’un enlisement certain. Les Soudanais de tous les bords ont intérêt à sortir de leur radicalisme stérile pour se parler en frères et sœurs afin de panser véritablement les plaies de leur cher pays.
Karim BADOLO
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