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Dans la spirale des coups d’Etat

En démocratie, le meilleur régime politique, selon les experts, la prise du pouvoir par les armes n’est pas admise. Ce principe sacro-saint est promu et défendu par les démocrates qui condamnent tout coup d’Etat. Malheureusement, ce grand fondement de la démocratie est en train d’être remis en cause en Afrique de l’Ouest, à cause des problèmes de gouvernance. On assiste au retour des putschs dans la sous-région, où plusieurs pays en ont déjà connu, avec ou sans effusion de sang.

Après le Mali et la Guinée, c’était au tour du Burkina Faso de revivre, le 24 janvier 2022, un coup de force, avec l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Le président de ce mouvement, le lieutenant-colonel Paul- Henri Sandaogo Damiba et ses frères d’armes ont déposé le président Roch Marc Christian Kaboré, à cause de son « incapacité» à lutter contre le terrorisme. Le même reproche avait été fait au défunt président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), victime d’un coup d’Etat dans la nuit du 18 au 19 août 2020.

A la différence de ses homologues du Burkina Faso et du Mali, Alpha Condé avait été « chassé » par le colonel Mamadi Doumbouya, le 5 septembre 2021, pour sa « gabegie » et ses « dérives dictatoriales ». L’histoire s’est donc répétée dans ces trois pays qui ne sont pas à leur premier putsch, depuis leur accession à l’indépendance. Tout naturellement, les coups d’Etat contre Keïta, Condé et Kaboré, ont été condamnés par les instances sous régionales et internationales, telle l’Organisation des Nations unies (ONU).

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), concernée au premier chef par ces putschs, a pris des sanctions politiques et économiques contre le Mali, la Guinée et le Burkina Faso. Pour l’organisation ouest-africaine, il ne faut pas transiger avec les principes démocratiques et elle est dans son droit. S’ils admettent que leurs pays ont adopté le système démocratique et se doivent de respecter les règles en la matière, des citoyens maliens, guinéens et burkinabè ne partagent pas la vision de la CEDEAO.

Ils ont applaudi à tout rompre ces coups de force, perçus comme un « soulagement ». Des scènes de liesse ont même accompagné la prise du pouvoir par les armes dans les rues de Bamako, Conakry et Ouagadougou. Dans des démocraties en construction comme les nôtres, saluer un putsch est une position surprenante, mais qui peut se justifier. Dans la plupart des cas, c’est la mauvaise gouvernance qui conduit à l’intrusion de l’armée dans les affaires de l’Etat, même si ce n’est pas un fait à encourager.

Au lieu d’incarner les aspirations des peuples, les dirigeants élus démocratiquement, une fois à la manœuvre, rament à contre-courant. Ils se livrent à la corruption, au népotisme, au favoritisme, à la concussion et autres maux, renvoyant une mauvaise image d’eux dans l’opinion. Certains dirigeants deviennent même des autocrates. Les dérives sont telles, qu’elles dépassent parfois l’entendement.

Sinon comment comprendre que dans un pays en guerre contre le terrorisme par exemple, des mauvais esprits détournent les ressources allouées aux équipements et aux primes de motivation des forces de défense et de sécurité ? Ce n’est pas républicain. Ce n’est pas patriote. Les démocraties africaines sont ainsi faites : la transparence et l’honnêteté ne sont pas les valeurs les mieux partagées dans la gestion des affaires publiques.

La méritocratie n’a pas toujours été un critère de promotion dans l’administration publique. Les deniers publics sont utilisés en fonction des humeurs des dirigeants du moment. Ce sont, entre autres raisons, qui tendent à légitimer certains coups d’Etat, puisque des citoyens y voient le seul moyen de se débarrasser des gouvernants véreux.

« Les coups d’Etat sont le fruit de la mauvaise gouvernance », a affirmé le président rwandais, Paul Kagamé, dans une interview récemment accordée au journal Jeune Afrique. Il n’a pas tort et il faut avoir le courage de le reconnaitre.

Nos Etats vont devoir donc se réapproprier la démocratie. Faute de quoi, elle demeurera un luxe pour les Africains, comme l’avait si bien dit le défunt président français, Jacques Chirac. Il ne s’agit pas d’organiser régulièrement des élections pour prétendre exercer la démocratie. Il faut surtout pratiquer une gouvernance vertueuse…

Kader Patrick KARANTAO

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