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Macky Sall à l’épreuve de l’Afrique

Le président sénégalais, Macky Sall, a pris, le samedi 5 février 2022, la présidence annuelle tournante de l’Union africaine (UA), lors du 35e sommet de l’organisation, tenu à Addis-Abeba en Ethiopie. Il a remplacé son homologue congolais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo qui a aussi apporté sa pierre à l’édification du continent africain. Au lendemain de cette consécration, les Lions de la Téranga ont remporté, pour la première fois de leur histoire, l’édition 2021 de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), organisée au Cameroun. Faut-il y voir un signe du destin? Il semble évident, que le chef de l’Etat sénégalais entame son mandat dans de bonnes dispositions, mais les défis qui l’attendent sont énormes. S’il peut se permettre de savourer à volonté le sacre du Onze national sénégalais à la CAN, Macky Sall arrive à la tête de l’UA à un moment charnière pour le continent africain.

Primo, la paix et la sécurité sont menacées dans plusieurs pays, à cause du terrorisme ou des conflits armés. Depuis plusieurs années, des Etats comme le Mali, le Niger, le Nigéria, le Burkina sont les cibles d’attaques terroristes qui ont fait et continuent d’occasionner des milliers de morts, blessés et déplacés internes. Des biens privés et des édifices publics sont régulièrement saccagés ou incendiés, à telle enseigne que les administrations publiques n’arrivent plus à fonctionner à certains endroits dans les pays affectés. Le problème est d’autant plus sérieux que la menace terroriste est en train de s’étendre aux pays côtiers, tels la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo. La situation n’est pas non plus reluisante dans d’autres pays, minés par des conflits armés. Au Mozambique, notamment dans la province de Cabo Delgado, l’armée régulière est opposée au groupe islamiste Al-Shabaab. Un conflit qui a déjà fait plus de 14 000 déplacés, depuis le mois de janvier 2022, selon des chiffres officiels. En Ethiopie, la guerre civile que le gouvernement d’Abiy Ahmed mène contre les rebelles du Tigré retient également l’attention.

Le tableau n’est pas exhaustif, mais les menaces à la paix et à la sécurité sont légion sur le continent africain. Sur ce point, le président Sall va devoir peaufiner une stratégie pour lutter efficacement contre le terrorisme au Sahel, avec l’aide de ses pairs. Le phénomène se propage et il faut l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Le nouveau président en exercice de l’UA pourrait imaginer des solutions à l’africaine, au lieu d’attendre tout ou presque de l’extérieur. Malgré leur contribution non négligeable à la lutte contre le terrorisme au Sahel, les forces étrangères, « Barkhane » et « Takuba », n’ont jusque-là pas pu produire les effets escomptés. Les terroristes poursuivent leur basse besogne et réussissent même à occuper des localités dans les pays touchés. Conséquence, ces forces étrangères ne sont plus vues d’un bon œil par une certaine jeunesse africaine, convaincue que les partenaires occidentaux, surtout la France, ne jouent pas franc-jeu, dans le combat contre l’hydre terroriste.

Le chef de l’Etat sénégalais doit aussi trouver les voies et moyens pour éteindre les foyers de conflits armés qui troublent la quiétude des habitants des pays concernés. Secundo, la démocratie est mise à mal en Afrique, à cause de la mauvaise gouvernance et des appétits voraces de certains dirigeants pour le pouvoir. Face à certaines dérives, des armées se voient dans l’obligation d’interférer dans les affaires publiques, même si la prise du pouvoir par la force n’est pas à encourager en démocratie. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces coups d’Etat sont jugés salutaires par des populations, fatiguées des agissements antidémocratiques des gouvernants fautifs. De fait, celles-ci accueillent mal les condamnations de principe et sanctions de l’UA et autres organisations comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dans la logique de ces populations, les institutions évoquées n’interviennent pas quand des problèmes de gouvernance se posent. Bien au contraire, elles attendent que des coups de force se produisent, avant de réagir, passant ainsi pour des « médecins après la mort ». Macky Sall va devoir alors travailler à redorer le blason de l’UA et des autres organisations continentales, considérées comme des « instruments » aux mains des chefs d’Etat et non au service des peuples. Il y va de la crédibilité de ces institutions, dans une Afrique qui a besoin de consolider ses acquis démocratiques. Tertio, l’Afrique est confrontée à des problèmes de développement dans divers domaines (santé, économie, éducation, infrastructures, industrie…).

De nombreux Africains peinent à aller à l’école, à se soigner, à manger à leur faim à plus forte raison, s’offrir certains plaisirs. La preuve que le combat contre la pauvreté est loin d’être fini sous nos cieux. Dans son rapport « Perspectives économiques de l’Afrique 2021 », la Banque africaine de développement (BAD) a indiqué que la pauvreté va s’accroître sur le continent africain. Il en est de même pour les dettes publiques qui, d’après elle, vont continuer à se creuser. Toutefois, l’institution avait annoncé, dans le même document, un retour de la croissance en Afrique en 2021 avec un taux de 3,4 %, dans un contexte de pandémie de la COVID-19. Ce signe de résilience n’occulte cependant pas les multiples attentes en matière de paix et de sécurité, de politique, d’économie et on en oublie. Le nouveau président en exercice de l’UA, qui n’ignore pas ces réalités, a du pain sur la planche. L’Afrique a besoin d’ingéniosité et d’audace pour se projeter dans l’avenir et Macky Sall va devoir s’en accommoder. Son pays, le Sénégal étant un modèle de stabilité et d’alternance démocratique, sa voix est écoutée sur le continent et à l’international. Il doit utiliser cet atout pour faire bouger le continent africain dans le bon sens.

Kader Patrick KARANTAO

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