En Guinée, le chef de l’Etat, le colonel Mamadi Doumbouya, a fait de la réconciliation nationale, une priorité. Les assises nationales, qui ont débuté hier mardi 22 mars 2022 à Conakry, devraient faire la part belle à ce sujet. Dans un pays comme la Guinée, qui a connu des jours sombres, la réconciliation nationale est une question importante. De nombreuses violations des droits de l’homme ont été enregistrées entre 1958 et 2015 dans le pays, sans que les responsabilités n’aient été clairement situées. Les Guinéens ont pourtant besoin de savoir ce qui s’est passé, pour se pardonner au besoin et se projeter sereinement dans l’avenir.
Il y a nécessité de faire la lumière sur les tortures, les emprisonnements et les exécutions sommaires du Camp Boiro, sous le régime autoritaire du président Sékou Touré. Environ 50 000 personnes y ont trouvé la mort. L’ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), Diallo Telli, décédé en mars 1977, figure sur la longue liste des victimes. Il y a nécessité de faire la lumière sur la sanglante répression du régime du général Lansana Conté, contre les Malinkés. Le malheur de cette ethnie est d’avoir vu un de ses membres, en l’occurrence Diarra Traoré, accusé de tentative de coup d’Etat en juillet 1985. Il y a nécessité de faire la lumière sur les massacres du 28 septembre 2009 au stade de Conakry. Plus de 150 personnes ont été exécutées, lors d’un meeting de l’opposition, par des militaires proches du président d’alors, Moussa Dadis Camara. Ce sont autant de faits significatifs qui n’ont pas encore livré leurs secrets. Si ces dossiers impliquant la disparition de milliers de personnes ne sont pas vidés en justice, il serait difficile de faire une réconciliation au pays de Sékou Touré. C’est bien pour cette raison, qu’une partie de la classe politique n’en fait pas, avec juste raison, la priorité du moment. D’ailleurs, des processus de réconciliation ont déjà été initiés en Guinée, mais n’ont jamais abouti. Par exemple, l’ex-président Alpha Condé avait mis sur pied une Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale, dont les recommandations ont été reléguées aux oubliettes. La question de la réconciliation nationale est un serpent de mer en terre guinéenne.
Le colonel Doumbouya est plutôt attendu sur un autre terrain, celui de l’organisation des élections devant permettre au pays de retrouver un ordre constitutionnel normal. En la matière, un flou total règne. Le président-colonel ne semble pas être préoccupé par la durée de la Transition, encore moins par un chronogramme pour les élections. Il a fait parler la poudre en septembre 2021 pour accéder à la tête de l’Etat guinéen, mais les lignes ne bougent pas. Au point où on se demande si Doumbouya va quitter le pouvoir, comme il l’avait promis à son investiture. Le délai de six mois donné aux militaires pour présenter un calendrier « acceptable » pour un retour à l’ordre constitutionnel étant expiré, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a donné à nouveau de la voix. Mais l’indifférence, pour ne pas dire la froideur de Mamadi Doumbouya, n’incite pas à l’optimisme. Il devrait pourtant s’atteler à établir un calendrier, pour ne pas tomber dans un bras de fer inutile avec la CEDEAO. L’organisation sous régionale pourrait aussi prendre des sanctions économiques sévères contre la Guinée, comme c’est le cas avec le Mali en ce moment. Si on admet que le colonel Doumbouya a fait un coup d’Etat salutaire, il doit toutefois travailler à ramener son pays sur le chemin de la démocratie. En mettant en place des organes de Transition, il a déjà franchi un pas et c’est louable. Il lui reste à établir un chronogramme pour les élections. C’est une exigence à laquelle, il ne saurait se soustraire…
Kader Patrick KARANTAO
L’article De l’avenir de la Guinée est apparu en premier sur Quotidien Sidwaya.