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Burkina/62 ans après l’indépendance : Retour sur le cheminement de 1957 à 1960

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Burkina/62 ans après l’indépendance : Retour sur le cheminement de 1957 à 1960

Ouagadougou, 5 août 2022 (AIB)- L’indépendance proclamée par le président Maurice Yaméogo le 5 août 1960 est l’aboutissement d’un processus marqué notamment par la formation du premier gouvernement voltaïque le 17 mai 1957 par le président Daniel Ouézzin Coulibaly.

Les élections territoriales au suffrage universel direct par application de la Loi-cadre Defferre se déroulent pour la première fois, le 31 mars 1957 en Haute-Volta.

Elles sont remportées par le Parti démocratique unifié (PDU-coalition de plusieurs partis politiques) et son leader le président Daniel Ouézzin Coulibaly forma le 17 mai 1957, le premier gouvernement de l’histoire du pays.

Dans son premier discours, le président Daniel Ouézzin Coulibaly engage son gouvernement au développement du pays.

« Le gouvernement, que je préside et dont les membres sont solidaires dans leurs actes, entend assumer toutes ses responsabilités, s’engage à répondre par tous les moyens et de toute sa volonté à l’attente des populations.

« Pays de la soif et de la faim, de l’ignorance et de la misère physique, la Haute-Volta réclame avant tout la conjuration de tous ces fléaux. L’équipe d’Hommes qui prend le gouvernail ne l’ignore pas, (…).

« La construction historique que nous entreprenons, requiert un acte de foi dans la solidarité de notre commun destin. C’est un idéal possible. Il nous appartient d’en être à la hauteur. Nous le serons », affirme le président Coulibaly.

Dans son discours programme prononcé devant les députés voltaïques, le mardi 20 mai 1958, le président Daniel Ouézzin Coulibaly annonce sa vision pour le pays.

« Dans un pays comme le nôtre situé à la limite de la zone sahélienne, le premier problème à résoudre est celui de l’eau.

Si l’eau jaillit, la vie apparaît. Il faut que chaque village, au lieu d’attendre passivement la venue du service hydraulique, creuse par ses propres moyens un puits provisoire qui lui assure une alimentation régulière en eau potable ».

« Dans tous les bas-fonds qui s’y prêtent nous devons systématiser la culture de riz. Cette céréale permet d’obtenir des rendements très supérieurs à ce que peuvent fournir le mil et le sorgho. (…)

A nos paysans de devenir, grâce à l’encadrement des moniteurs, de véritables techniciens pratiquant la technique délicate mais féconde du repiquage (…).

« Il faudra que les paysans renonçant à tout individualisme se regroupent pour effectuer tous ensemble, au même moment, les mêmes travaux, de manière à obtenir les meilleurs rendements possibles. (…)

Son programme, le président Daniel Ouézzin Coulibaly n’aura pas le temps de le mettre en œuvre.

Atteint d’un mal non déterminé jusqu’à ce jour, le président Daniel Ouézzin Coulibaly meurt le dimanche 7 septembre 1958 à 7 heures 30 minutes à l’hôpital saint Antoine de Paris à moins d’un mois du référendum constitutionnel proposé par la France à ses colonies.

Peu avant son décès, le président Daniel Ouézzin Coulibaly s’est confié à  Gérard Kango Ouédraogo, selon celui-ci, en ces termes :

« Gérard je vais mourir. Si par miracle je survis, je reviendrais et ensemble nous essayerons de sauver notre pays. Mais si par malheur je meurs je te dis une seule chose.

(…) Seule l’union de tous les Voltaïques, la réconciliation sincère et honnête de tous les Voltaïques,  nous permettra de bouger nos pierres à bâtir.

Si nous nous divisons et subdivisons, nous serons avalés par les autres et il y a lieu de se demander encore si nous ne serons pas supprimés en tant qu’Etat ».

Au lendemain de son décès, le président guinéen Sékou Touré lit à la radio-Conakry, un message émouvant.

« C’est avec une profonde douleur que les populations guinéennes et plus particulièrement, les dirigeants et les militants du RDA (Rassemblement démocratique africain, Ndlr) ont appris le décès de leur compagnon de lutte, Ouézzin Coulibaly.

Ouézzin était connu légendairement de toute l’Afrique noire comme le symbole de l’intelligence, du courage tranquille et de la bonté.

Sans lui, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) aurait succombé sous le poids de la répression entre 1947 et 1951. Sans lui, le RDA en Haute Volta n’aurait pas connu de victoire rapide.

Sans lui, la Direction fédérale du RDA ne serait pas cohérente. Ouézzin Coulibaly a des qualités humaines qui ont exclu dans ses rapports avec ses compagnons de lutte, l’opportunisme, le calcul, l’intérêt personnel et la jalousie.

Les populations de Guinée, qui ont apprécié les qualités de cet homme dans les épreuves les plus dures, et qui ne cessent de le présenter comme l’exemple d’une vie active toute engagée dans le combat pour la justice et la liberté des peuples africains, sont en deuil depuis que leur ami tant aimé s’est éteint à Paris ».

Le père du « non » à la communauté franco-africaine, Sékou Touré, décrète le 9 septembre 1958, journée de recueillement et de prière de la part des populations guinéenne au président Ouézzin Coulibaly.

En Haute Volta, le ministre de l’intérieur Maurice Yaméogo assure l’intérim du pouvoir, mais il est bousculé par plusieurs personnalités politiques qui aspirent succéder au président Ouézzin Coulibaly. Parmi lesquelles, Joseph Ouédraogo, Ousmane Ba, Nazi Boni, Gérard Kango Ouédraogo et Joseph Conombo.

Le président Daniel Ouézzin Coulibaly reçoit des funérailles nationales à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, les 14 et 15 septembre 1958, marquées par la présence de plusieurs personnalités africaines, notamment les présidents Félix Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire), Modibo Keita (Mali), Hamani Diori (Niger), Léon M’Ba (Gabon).

Le président Sékou Touré (Guinée) est représenté par le président de l’Assemblée territoriale de Guinée, Saïfoulaye Diallo et son frère Ismaël Touré, ministre des Travaux publics de Guinée.

Dans son oraison funèbre, le 15 septembre 1958 à Bobo-Dioulasso, Maurice Yaméogo affirme que le président Ouézzin Coulibaly continuait de diriger son gouvernement depuis son lit d’hôpital.

Selon Maurice Yaméogo, le 2 septembre 1958, le président Ouézzin Coulibaly leur posa des questions sur l’état d’avancement des travaux de construction de l’hôpital de Ouagadougou, sur l’édification de la Radiodiffusion de la Haute-Volta et sur les démarches auprès du Bureau minier de la France d’Outre-Mer en vue des études sur le terrain voltaïque.

Deux semaines après ces funérailles, les Voltaïques approuvent le 28 septembre 1958 à une écrasante majorité,  la constitution de la communauté franco-africaine.

Une fois les funérailles terminées, les tractations se déroulent au niveau des acteurs politiques pour la succession du président Ouézzin Coulibaly.

Le 17 octobre 1958, l’Assemblée territoriale est convoquée pour désigner le successeur du président Daniel Ouézzin Coulibaly, mais à la surprise de tous, un acteur inattendu entre en scène.

Ce jour-là, le souverain des mossi Moro Naba Kougri se présente devant le palais de l’Assemblée territoriale avec 3000 de ses partisans armés d’arcs, de flèches et de vieux fusils, pour faire pression sur les députés voltaïques pour l’instauration d’une monarchie constitutionnelle.

Il bénéficierait du soutien du colonel Chevreau, commandant de l’armée française en Haute-Volta qui aurait donné l’ordre à son régiment de rester en caserne.

A la demande du président intérimaire Maurice Yaméogo, la Police coloniale et la Garde républicaine interviennent, tirent en l’air et dispersent la foule et les partisans du souverain mossi.

La tentative de coup d’état du souverain des mossis rapproche la classe politique (opposition et majorité) et le 20 octobre 1958, les parlementaires s’entendent pour confirmer Maurice Yaméogo à la tête du gouvernement.

Il forme le 10 décembre 1958, un gouvernement d’union, le lendemain, 11 décembre 1958, la République est proclamée et l’Assemblée territoriale devient Assemblée législative et constituante.

La nouvelle Assemblée législative opte immédiatement pour la fédération du Mali mais dans le cadre de la communauté.

L’unanimité se dégage au niveau de tous les partis voltaïques de l’époque ; ils sont fédéralistes.

Maurice Yaméogo se rend donc à Bamako, les 29 et 30 décembre 1958 pour prendre part à la création de la fédération du Mali, qui comprend le Soudan (actuel Mali), le Sénégal, le Dahomey (actuel Benin) et la Haute-Volta (actuel Burkina Faso).

Le 17 janvier 1959, la constitution de la fédération du Mali est approuvée à l’unanimité par les 44 délégués des quatre Etats.

La constitution approuvée est adoptée par les Soudanais (aujourd’hui Maliens) et les Sénégalais les 21 et 22 janvier 1959 alors que la Haute-Volta et le Dahomey se retirent, dissuadés par la France et la Côte d’Ivoire.

Le 29 janvier 1959, les députés voltaïques qui sont à majorités fédéralistes sont menacés par le président Maurice Yaméogo et ils lui octroient des pouvoirs spéciaux qui lui permettent de dissoudre l’Assemblée législative fédéraliste le 28 février 1959.

Après un redécoupage du territoire national à son avantage, le président Maurice Yaméogo organise de nouvelles élections législatives le 19 avril 1959 qui lui donne la majorité absolue à l’Assemblée législative.

La nouvelle Assemblée anti-fédéraliste confirme le président Maurice Yaméogo à la tête du pays le 25 avril 1959 et le 1er mai 1959, un nouveau gouvernement fidèle au président est formé.

Le 29 mai 1959, la Haute-Volta de Maurice Yaméogo et le Dahomey de Hubert Maga créent avec la Côte d’Ivoire de Félix Houphouët-Boigny et le Niger de Hamani Diori, le Conseil de l’entente.

Les 25 et 26 août 1959, Maurice Yaméogo chasse du parti au pouvoir d’anciens compagnons du président Ouézzin Coulibaly, notamment Ali Barraud et Joseph Ouédraogo.

Le parti au pouvoir est l’Union démocratique voltaïque-Rassemblement démocratique africain (UDV-RDA).

Le 29 août 1959, un décret présidentiel dissout le conseil municipal de Ouagadougou dirigé par le même Joseph Ouédraogo, chassé du parti au pouvoir.

Un comité de gestion de la mairie de Ouagadougou est confié à Joseph Conombo, ex-opposant qui s’est rallié au président Maurice Yaméogo.

Face à la répression du président Maurice Yaméogo, le député Gérard Kango Ouédraogo se rallie également à lui, à partir de septembre 1959 signant la mort de son parti  le Mouvement de regroupement voltaïque (MRV).

Grâce à ce ralliement, Gérard Kango Ouédraogo sera le premier ambassadeur de la Haute-Volta en Grande-Bretagne de l’indépendance en 1960 à la chute du président Maurice Yaméogo en 1966.

Parmi les opposants, un refuse de se rallier. Il se nomme Nazi Boni. Le 6 octobre 1959, Nazi Boni fonde le Parti national voltaïque, section du Parti de la fédération africaine (PFA) qui est dissous le lendemain par le président Yaméogo prétextant que la référence au PFA est inconstitutionnelle.

Deux jours plus tard, Nazi Boni récidive en créant le Parti républicain de la liberté (PRL) qui est également dissous le 6 janvier 1960 sous prétexte que le drapeau de la Fédération du Mali à laquelle Maurice Yaméogo avait empêché l’adhésion du pays, aurait été hissé dans le fief de Boni.

Le 12 mars 1960, le président Maurice Yaméogo invite Nazi Boni et Joseph Ouédraogo à une réconciliation qu’ils déclinent.

Le 28 juin 1960, une lettre ouverte critiquant l’action gouvernementale est signée par Nazi Boni, Joseph Ouédraogo, Diongolo Traoré, Edouard Ouédraogo, Gabriel Ouédraogo et Paul Nikiema dans le but d’obtenir la tenue d’une table ronde.

En réponse à cette demande, Maurice Yaméogo les fait tous interner le 2 juillet 1960 à Gorom-Gorom, sauf Nazi Boni déjà parti en exil. Nazi Boni trouve asile à Bamako chez le président Modibo Keïta.

A la veille du 5 août 1960, à 20 heures 15 mn, Nazi Boni s’adresse à travers Radio Mali, au peuple voltaïque nouvellement indépendant.

« L’indépendance imposée au gouvernement par le peuple (et) par l’opposition et littéralement offerte par la France sera proclamée par ceux qui en sont les ennemis les plus acharnés qui, aujourd’hui comme demain, sont prêts à la saboter.

C’est le paradoxe de la vie. C’est la comédie humaine. Mais, quelque soit la forme revêtue par notre accession à la souveraineté internationale, celle-ci constitue un fait positif dont nous devons nous réjouir… », affirme Nazi Boni.

Le 5 août 1960, le président Maurice Yaméogo proclame l’indépendance dans un pays où toute forme d’opposition est muselée.

« Aujourd’hui, 5 août 1960, à zéro heure, au nom du droit naturel de l’homme à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, je proclame solennellement l’indépendance de la République de Haute-Volta ».

Agence d’information du Burkina

WUROTEDA Ibrahima SANOU

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