Tenkodogo/Allégation de sorcellerie : Un an de prison requis contre deux chefs coutumiers
Tenkodogo, 1er déc. 2023 (AIB) – Le Procureur du Faso près le TGI de Tenkodogo a requis un an de prison et 1 million de francs CFA, le tout ferme, contre trois prévenus, dont les chefs coutumiers de Zoaga et Youga, pour accusation de sorcellerie portée contre deux autres personnes, a appris l’AIB sur place. Le verdict est attendu dans deux semaines.
Quatre prévenus ont comparu le jeudi 30 novembre 2023 au Tribunal de grande instance de Tenkodogo pour accusation de sorcellerie portée contre un homme et une femme.
A l’issue des débats, le procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Tenkodogo a requis un an de prison et 1 million de francs CFA, le tout ferme, contre trois prévenus, dont les chefs coutumiers de Zoaga et Youga.
Le parquet a également requis la même peine pour un autre prévenu et demandé la relaxe d’un troisième chef coutumier, celui de Parkoungou.
Tout a commencé il y a un an, lorsque le fils de 25 ans de Y.T. est tombé malade. Son père dit avoir parcouru plusieurs centres de santé, sans succès.
C’est alors que son fils, en agonie, lui aurait confié que cinq personnes seraient à l’origine de son mal. Il précise néanmoins qu’il a pu identifier deux mais pour le reste « sa vision est floue ».
Son géniteur se rend chez le chef de Parkoungou pour lui expliquer les faits.
Celui-ci, après les avoir écoutés, les conduit ensuite chez son supérieur hiérarchique, le chef de Zoaga qui, à son tour, fait amener les présumés sorciers chez le chef de Youga, détenteur de ‘’la science’’ d’infirmer ou de confirmer la culpabilité des accusés.
Le rituel est fait dans un premier temps uniquement sur le père du malade, Y.T et révèle que c’est celui-ci est l’auteur du mal de son fils, qui rendra l’âme quelques jours plus tard.
Inacceptable, selon Y.T, qui soutient que si le fétiche l’a indexé, cela ne veut pas dire qu’il est coupable. Pour lui, c’est certainement une autre personne de sa famille que « l’arsenal technique » du chef de Youga a voulu indexer.
Sa conviction est faite : seules les deux personnes désignées sont auteures de la maladie puis de la mort de son fils puisque le défunt les a identifiées.
Pour le tribunal, si Y.T. a confiance à la tradition, pourquoi n’accepte-t-il pas d’être mis en cause par le rituel ? Motus et bouche cousue chez Y.T.
Le chef de Zoaga, lui, soutient avoir demandé aux belligérants de s’entendre et de ne pas se faire du mal.
« C’est face au refus du père de l’enfant que j’étais obligé de les envoyer devant le chef de Youga », a-t-il dit. Quant à celui de Youga, un gendarme à la retraite, il a lui aussi souligné avoir tenté de convaincre les trois personnes de ne pas aller au rituel car il y a des conséquences.
Laver l’honneur
Mais face à des gens qui voulaient laver leur honneur, il affirme avoir été obligé de procéder au rituel tout en leur demandant de se pardonner s’ils sont épinglés.
C’est ainsi que, quelques jours plus tard, le père de l’enfant encore et les deux accusés ont été épinglés. Mais à la question du tribunal de savoir en quoi chacun de ses accusés est responsable de la maladie du fils de Y.T., le chef de Youga a dit ne pas être sûr que ceux-ci soient à l’origine du mal de l’enfant.
« Mais c’est une possibilité », souligne-t-il. Des déclarations que le tribunal dit ne pas comprendre que le dépositaire de la tradition n’ait pas foi en ses propres pratiques.
« Le chef de Zoaga a dit que si l’enfant meurt, c’est nous qui sommes responsables », a chargé l’un des accusés. Ce dernier ajoute que même après le rituel, le chef de Zoaga n’a pas cessé de les convoquer et de leur soutirer de l’argent.
Pour le conseil de la partie civile, Me Souleymane Bako, le père de la victime est « devenu un vecteur nocif » dans la survenue de cette affaire.
Il a demandé que Y.T. et ses co-accusés soient reconnus coupables des faits à eux reprochés.
L’avocat a estimé que ses clients ont subi un préjudice économique, puisque depuis juin 2023, ils n’ont pas pu travailler.
En conséquence, il a demandé au tribunal de condamner les prévenus à payer à chacun de ses clients, au titre du préjudice économique, la somme de 1 900 000 francs CFA.
Quand bien même le préjudice moral et économique reste difficile à évaluer, selon Me Bako, il a néanmoins réclamé une réparation de 10 millions de francs CFA pour chacun de ses clients.
En ce qui concerne toutes les sommes versées aux chefs coutumiers accusés, il a demandé au tribunal de faire payer à chacun de ses clients, la somme de 300 000 F CFA.
« La sorcellerie n’étant pas définie par le code pénal et étant difficile à appréhender, c’est au contraire les auteurs de cette accusation qui doivent être appréhendés », a-t-il déclaré.
Il est incompréhensible, d’après Me Souleymane Bako, que des chefs coutumiers, dépositaires de pouvoir vers qui l’on se retourne, en viennent à accompagner d’autres personnes dans des accusations de sorcellerie.
Selon lui, le jeune homme est mort, faute de soins et le tribunal doit prendre une décision pédagogique puisque le père n’a fourni aucun document médical qui indique que la prise en charge du malade n’est pas possible chez les spécialistes de la santé. Le dossier est mis en délibéré pour le 14 décembre 2023
Agence d’information du Burkina