Santé publique : Quelles priorités pour le quinquennat 2021-2025 au Burkina Faso ?
Dans cette tribune, un groupe de médecins réunis au sein de l’African Group Organized for Research and Actions in Health (AGORAH ) fait une analyse et des propositions concrètes comme priorités possibles du gouvernement pendant le quinquennat prochain. Au lendemain des élections remportées par le MPP et ses alliés, de quoi alimenter le débat.
A. Contexte
En dépit des progrès réalisés ces dernières années, le Burkina Faso demeure confronté à des défis importants en matière de santé. Si les maladies transmissibles continuent d’être la principale cause de morbidité et de mortalité, on observe une augmentation du fardeau sanitaire et économique des maladies non transmissibles. D’autre part, le pays n’avait pas atteint tous les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) liés à la santé (mortalités maternelle et infantile, assainissement).
Pour répondre efficacement à ces défis, il est nécessaire de développer et mettre en œuvre une politique sanitaire cohérente basée sur les priorités. Dans ce sens, le think tank AGORAH a mis en place un groupe technique ad hoc dont le travail a abouti à une liste de dix (10) priorités en matière de santé au Burkina Faso. La prise en compte de ces priorités par les différents gouvernements du prochain quinquennat devrait contribuer à l’amélioration de la santé des burkinabè.
B. Les dix (10) priorités de santé du quinquennat 2021-2025
1. Opérationnalisation et généralisation de l’assurance maladie universelle
La majorité des Burkinabè payent directement leurs dépenses en santé avec des ressources personnelles. L’assurance maladie universelle permettrait aux populations surtout les plus défavorisées d’accéder équitablement à des soins de santé sans courir le risque de dépenses catastrophiques dans leur ménage.
2. Lutte contre les maladies non transmissibles
Au regard du fardeau sanitaire et économique des maladies non transmissibles (accident vasculaire cérébral, cardiopathies, diabète, insuffisance rénale, cancers, pathologies oculaires…), il est urgent d’élaborer et de mettre en œuvre un plan ambitieux de lutte contre ces pathologies au Burkina Faso. Ce plan devrait mettre l’accent sur la prévention primaire, le dépistage précoce, et des soins accessibles et de qualité.
3. Réduction du poids des maladies infectieuses
Les maladies infectieuses comme le paludisme, la tuberculose, l’infection à VIH, et les maladies à prévention vaccinale (diarrhées, pneumonies, hépatite B, etc.) demeurent d’importantes causes de morbidité et de mortalité au Burkina Faso. Même si ces pathologies font l’objet de programmes spécifiques de lutte, des approches novatrices sont nécessaires pour non seulement maintenir les acquis actuels, mais aussi accélérer l’atteinte des objectifs programmatiques.
4. Amélioration du compte national en personnel de santé et renforcement des équipements de santé
Le Burkina Faso a connu des avancées en ce qui concerne les ressources humaines pour la santé. Toutefois, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour atteindre le ratio de 23 agents de santé qualifiés (médecins, infirmiers, sages-femmes) pour 10000 habitants fixé par l’OMS dans le cadre des OMD. En effet, des ressources humaines qualifiées, motivées, en nombre suffisant, et disposant du matériel adéquat sont indispensables à l’atteinte des objectifs de la couverture sanitaire universelle.
5. Renforcement des acquis en matière de santé reproductive, maternelle, infantile et du nouveau-né
La gratuité des soins de la mère et de l’enfant jusqu’à 59 mois et celle des soins liés à la planification familiale sont déjà effectives et pourraient servir de passerelle vers la couverture sanitaire universelle. Cependant, Il y a lieu d’assurer une disponibilité continue des intrants sans laquelle cette gratuité n’a pas de sens.
6. Mise en œuvre de la pharmacie hospitalière
La pharmacie hospitalière vise la mise à disposition et la dispensation de médicaments aux patients hospitalisés « au lit du malade ». Cela permet de rationaliser l’utilisation des médicaments, de prendre en charge rapidement des patients, et de soulager les accompagnateurs de malade d’un fardeau supplémentaire, celui de l’acquisition des médicaments dans un environnement auquel ils sont parfois étrangers.
7. Réforme hospitalière pour rendre les soins spécialisés plus accessibles
Le commun des burkinabè se heurte à des difficultés pour accéder aux médecins spécialistes dans nos hôpitaux, avec des délais qui peuvent aller jusqu’à plusieurs semaines voire plusieurs mois. Or, on constate que ces spécialistes qui font des vacations dans les cliniques privées peuvent y être consultés en des délais beaucoup plus courts, mais moyennant un coût plus élevé. Une réforme hospitalière doit être envisagée pour permettre aux populations d’accéder rapidement aux médecins spécialistes dans les hôpitaux tout en prenant en compte la motivation de ce personnel.
8. Promotion de la production locale de médicaments essentiels
La crise sanitaire de la COVID-19 en cours nous a rappelé la nécessité d’une production nationale de produits pharmaceutiques essentiels. Le Burkina Faso doit se doter d’une politique nationale de production de médicaments essentiels, afin de contribuer à la sécurisation de l’approvisionnement du pays, valoriser l’expertise nationale et promouvoir la pharmacopée burkinabè.
9. Renforcement de l’hygiène hospitalière et de la lutte contre la résistance antimicrobienne
La résistance aux antibiotiques et les infections associées aux soins constituent des problèmes de santé publique de portée mondiale. Le Burkina Faso devra mettre en œuvre un plan audacieux de lutte contre ces fléaux à tous les niveaux de la pyramide sanitaire.
10. Développement de la e-santé et la télémédecine
La e-santé et la télémédecine peuvent améliorer l’accessibilité et la qualité des soins au Burkina Faso, surtout au regard de l’insuffisance du maillage du territoire en infrastructures sanitaires et en personnel de santé spécialisé. Elles peuvent aussi contribuer à la continuité des soins dans le contexte actuel d’insécurité.
Pour AGORAH, les membres du groupe ad hoc :
Dr Lassané Kaboré
Dr Moumini Niaoné
Dr Samiratou Ouédraogo
Dr Monique K. Sawadogo/Koncobo
Dr Bry Sylla
Nos remerciements à Armel Bougma, Youssouf Ouattara, et Adama Dabilougou.
A propos d’AGORAH :
AGORAH (African Group Organized for Research and Actions in Health) est un think tank (laboratoire d’idées) crée en 2016 et ayant son siège à Ouagadougou. Il entend contribuer à l’amélioration de la santé des populations par la réflexion, le plaidoyer et les actions d’éveil et de veille ; il regroupe en son sein des spécialistes de différents domaines connexes à la santé humaine comme la médecine, la pharmacie, la santé publique et les sciences sociales et environnementales.
Contact : agorahbf@gmail.com
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Source : lefaso.net
Faso24