Zéphirin Diabré entre au gouvernement pour réconcilier la nation : Vaste programme !
Le gouvernement du Premier ministre reconduit, Christophe Dabiré, est connu. Mais la nouvelle, le fait majeur est l’entrée au gouvernement du président de l’Union pour le progrès et le changement(UPC), Zéphirin Diabré, ancien chef de file de l’opposition.
Celui qui est arrivé troisième lors de la dernière présidentielle, avec une défaite plus lourde pour son parti qui est devenu le deuxième parti de l’opposition et est arrivé quatrième en nombre de députés quoique ayant eu plus de voix que le parti, Nouveau temps pour la démocratie (NTD), entre au gouvernement. Cette entrée au gouvernement, au nom de la réconciliation nationale et pour servir la réconciliation et la cohésion nationale auprès de celui qu’il a challengé deux fois sans succès aux élections présidentielles, est une déflagration politique.
Cette nouvelle pose autant de questions que les nombreuses inconnues de l’énigmatique équation de la réconciliation nationale qu’il est appelé à résoudre. Et pour ne pas lui faciliter la tâche, on lui a accolé aussi la cohésion nationale comme pour lui dire, « Zeph, la science, tu n’as qu’à « peut » on va voir ».
Qu’est-ce que cela peut donner comme changements dans la vie politique, cette arrivée d’un poids lourd de l’autre camp ? Zéphirin Diabré au gouvernement est- elle une version de la théorie du professeur de marketing sur l’union de deux baobabs pour terrasser le troisième ?
Il ne nous semble pas que l’UPC ait un autre représentant que son chef au gouvernement. Si c’est confirmé, on peut se demander si Zéphirin Diabré est au gouvernement parce que son parti s’est allié au MPP, où s’il y est allé intuitu personae ? C’est-à-dire que ce poste lui est attribué pour sa personnalité. Il serait au gouvernement comme son nouveau collègue, ministre d’État, Sy Chérif en tant que ministre non engagé, auquel cas, il devrait quitter la présidence de l’UPC. Mais s’il y est en tant que UPC et seul, les risques plus nombreux que les avantages de cette nouvelle aventure peuvent accentuer la descente aux enfers de son parti.
Réconcilier et partir
Zéphirin Diabre veut il se retirer de la politique en contribuant à ramener au pays celui qu’il a fait chasser par l’insurrection ?
Les conditions du retour de Blaise Compaoré seront des plus difficiles à négocier ; et la manœuvre du MPP a été habile. Il est clair que ce n’est pas Eddie Komboïgo qui pourrait évoquer un possible passage de Blaise Compaoré par la case prison lors de son retour. Zéphirin Diabré, s’il n’a pas mis à jour son logiciel politique sur la réconciliation, était adepte du triptyque : vérité, justice, réconciliation.
On peut compter sur lui pour faire preuve d’audace sur la question, car c’est lui qui le premier a dit non au dictateur Compaoré et a en tant que chef de file de l’opposition, lancé la lutte contre la modification de l’article 37. Les démissionnaires de la dernière heure qui vont créer le MPP, ont pris le train en marche parce qu’ils voyaient la victoire inéluctable du peuple.
Dans cette mission qu’il a acceptée, Zéphirin ne doit pas oublier ceux avec qui il marchait, les victimes de l’insurrection et du coup d’État, et les nombreuses personnes assassinées durant les 27 ans. Ce ne sera pas du tout un travail de tout repos. Pour lui faciliter la tâche, il faudrait remercier les institutions budgétivores qui ont échoué durant le premier mandat, Haut conseil pour la réconciliation et pour le dialogue social.
L’extradition de François Compaoré et le début du procès Norbert Zongo l’aideraient aussi dans sa mission. Si le sort de François Compaoré est scellé selon certains, Blaise Compaoré pourrait accepter de rentrer et de se mettre à la disposition de la justice. Pour eux, Blaise aurait un amour de père pour son frère qu’il aura toujours couvé depuis son enfance, ayant renoncé à de longues études pour l’armée afin qu’il fasse les longues études qu’il n’a pas pu faire lui. Ce qui expliquerait cette passion qu’il a pour les titres de docteurs honoris causa.
Ce gouvernement ne sera pas un gouvernement qui ne manquera pas de faire des étincèles avec Me Benewendé Sankara et Dr Zéphirin Diabré, quand on se rappelle les amabilités que les deux ont échangé quand l’avocat a bondi sur l’offre que Zéphirin a refusé après les élections de 2015. Espérons que nos politiciens vont apprendre à mieux se tolérer et travailler en bonne intelligence ; ce qui serait un changement notable dans le milieu politique de notre pays.
Zéphirin aura à supporter les quolibets de ceux qui, avant lui, ont emprunté le chemin qu’il suit maintenant, mais il devrait rester zen, c’est normal. Mais les autres devraient avoir le triomphe modeste. Car s’il réussit, ils le rejoindront ; qu’ils se rappellent quand il était presque seul venant du CDP à refuser la révision de l’article37.
Tout le mal qu’on peut lui souhaiter c’est l’adhésion des caciques du MPP à cette volonté du président et du premier ministre de lui confier le vaste programme de la réconciliation qui ne se limite pas au retour de Blaise Compaoré. Il englobe aussi les questions sécuritaires. Ce qui est sûr il faudra plus d’un semestre pour aborder sérieusement et sereinement cette question. Il ne faudrait pas la lier à une promesse de campagne. En entrant au gouvernement, c’est une mini réconciliation entre l’ancien chef des opposants et l’ancien président, qui deviennent tous deux des associés pour réconcilier le pays.
L’objectif de ce ministère n’est pas de faire pièce au CDP. Il faut féliciter cette volonté des politiciens de travailler ensemble. Nos problèmes sont immenses et on a besoin de toutes les intelligences et de toutes les énergies, pour les résoudre.
Sana Guy
Lefaso.net