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Campagne électorale et corruption : prenez, mangez, mais votez contre !

Interrogeons-nous un instant, à l’occasion de la campagne électorale qui bat son plein dans notre pays, sur cette vieille pratique qui perdure chez nous, et qui consiste à séduire et flatter les électeurs avec ce qui est tout sauf des dons et des cadeaux, mais rien moins que de la corruption.

Un pays comme le Burkina Faso, très pauvre, auquel on donne de l’argent pour organiser des élections, et où le parti au pouvoir, parti du candidat président sortant qui ne veut pas sortir, devient suffisamment riche pour distribuer motos, argent, nourriture, véhicules 4X4 et carburant, comme s’il avait plus de moyens que l’Etat burkinabè lui-même qui peine à sortir les populations de la misère, cela soulève forcément deux (séries de ) questions graves :

1/ Si même les démocraties occidentales riches dont nos pays ont hérité la politique électorale, si ce n’est la pratique politique tout court, mobilisent et collectent de fortes sommes d’argent pour gagner et non d’abord pour distribuer et corrompre (les politiciens n’y font pas de dons pour acheter des voix, mais en reçoivent au contraire des électeurs pour battre campagne, comme aux USA), qui et qu’est-ce qui nous oblige, nous autres Africains et Burkinabè, très pauvres, à utiliser et gaspiller de l’argent pour remporter des élections ?

Que la campagne électorale se résume et se réduise à faire circuler de l’argent et des richesses que personne ne trouve d’habitude quand il s’agit de gouverner et résoudre les problèmes des citoyens, au lieu et aux dépens d’une confrontation des idées à travers des débats véritablement politiques (mais il reste vrai que pour débattre il faut avoir des idées) : pourquoi restons-nous si pauvres et bas jusque dans notre façon de faire de la politique ?…

2/ Alors même que les politiciens nous gavent de discours contre la corruption, et pour la bonne gouvernance : comment peut-on à la fois franchement et sérieusement lutter contre la corruption, et introduire massivement la corruption dans les élections pour être président ? Comment peut-on commencer par déjà contaminer l’élection politique de corruption, et en même temps promettre aux citoyens d’éradiquer la corruption de la politique ? Questions intellectuelles de fond

Le lecteur attentif et intelligent comprendra que si j’ai toujours critiqué l’intégrisme vertueux qui se prétend intégrité au pays des hommes intègres, et si j’ai toujours été favorable à Yacouba Isaac ZIDA présenté comme l’homme politique le plus corrompu du Burkina Faso, ce n’est pas pour soutenir, défendre et encourager la corruption dans notre pays (les lecteurs moins attentifs et/ou de mauvaise foi disent que je suis incohérent, défendant à la fois l’intégrité révolutionnaire mais favorable à ZIDA). Au contraire : c’est que je perçois bien l’arnaque qui consiste à évoquer d’un même souffle et Thomas SANKARA et l’insurrection de 2014 pour en réalité couvrir une corruption endémique devenue quasi-normale.

Si la corruption n’était pas devenue normale, voire une norme pour gagner, le parti du président-candidat qui gouverne n’allait pas ouvertement corrompre des électeurs tout en parlant de « coup K.O », à moins que le KO ne soit victorieusement asséné par, grâce à la corruption ! Pourquoi corrompre si l’on est sûr de gagner ? La fausse vertu politique, qui se paie de mots convenus, le pharisianisme révolutionnaire de l’intégrité nous révolte plus qu’un manque de vertu reconnu et avoué. La légendaire intégrité des Burkinabè devient de plus en plus imaginaire…

Il faut donc en conclure que les vainqueurs de ces élections, à quelques rares exceptions près, ne seront pas les plus intègres ; si (puisque) vaincre, c’est corrompre plus que les autres candidats. Ceux qui auront donc à charge, de nouveau ou pour la première fois, de conduire une politique de bonne gouvernance contre la corruption auront été ceux-là mêmes qui auront le plus corrompu les électeurs !

Mais, en même temps, si la corruption est la norme (plus puissante que les interdits du Code électoral), il faut douter que les futurs perdants de ces élections soient les plus intègres ; car, s’ils avaient les mêmes moyens que les vainqueurs qui gouvernent et contre-gouvernent, il n’est pas sûr qu’ils n’eussent pas usé des mêmes méthodes de corruption pour battre campagne…

Alors il faut être rusé pour freiner la corruption dans notre pays en particulier, aux moments cruciaux où nous choisissons nos dirigeants, dans la mesure où, étant en démocratie, nous ne pouvons user de force et de violence contre les corrupteurs. Aux électeurs soucieux d’intégrité , et franchement contre la corruption : prenez ce que les corrupteurs vous donnent pour les élire, mangez et buvez jusqu’à la maladie, roulez en 4X4…mais surtout votez contre eux. De sorte que ces corrupteurs perdent après avoir beaucoup dépensé ; et que la leçon serve pour toujours… Ce faisant, vous ne serez pas ingrats et malhonnêtes, encore moins corrompus : vous serez de vrais citoyens patriotes qui auront utilisé la corruption contre elle-même…

Kwesi Debrsèoyir Christophe DABIRE

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