Situation sécuritaire au Burkina Faso : « L’heure est grave » (Yassia Younga)

Yassia Younga, instituteur de profession et activiste a été arrêté le vendredi 12 novembre 2021 à Houndé puis déféré à Ouagadougou. Avant son arrestation, l’activiste avait publié une vidéo sur sa page Facebook, dans laquelle il s’exprimait sur la situation sécuritaire dans sa province en pointant du doigt les insuffisances de la gestion du gouvernement. Ce vendredi 19 novembre 2021, il s’est confié à Faso7.
Faso7 : Vous avez été arrêté le 12 novembre 2021 à Houndé. Pouvez-vous revenir sur les conditions de votre arrestation ?
Yassia Younga : Mon arrestation est intervenue le 12 Novembre 2021. Lorsque j’étais assis avec des amis, j’ai reçu un appel d’un lieutenant de la police du commissariat de Houndé me disant de passer au commissariat, qu’il veut juste échanger avec moi. C’est à mon arrivée qu’ils m’ont fait savoir qu’il y a une équipe qui va venir de Ouaga pour venir échanger avec moi. Et quand ils sont arrivés, ils m’ont posé quelques questions et après, c’était mon arrestation.
Faso7 : Quelles sont les raisons qui vous ont été données ?
Yassia Younga : Il y avait trois chefs d’accusations qui m’ont été reprochés. Il s’agit de fausse information, de diffamation et de démotivation de la troupe.
Faso7 : Comment s’est passée votre détention ?
Yassia Younga : Ça n’a pas été du tout favorable car dans la cellule de détention du commissariat central de Ouaga, les conditions étaient insupportables pour un être humain. C’est déplorable. Dans cette cellule, il n’y a pas d’hygiène ni de fosse d’évacuation.
Faso7 : Quel est le sentiment qui vous animait lorsque vous avez été arrêté ?
Yassia Younga : Personnellement, au moment où j’ai su que c’était une arrestation, j’ai été frustré au premier moment. Mais lorsque l’équipe de Ouaga est venue, quand ils ont commencé à me poser des questions, à un moment donné, je savais que j’étais dans une situation qui allait être compliquée. Immédiatement, je me suis dit que comme je suis prêt à tout, il n’y a pas de problème. On va aller pour voir ce qui va se passer.
Faso7 : Comment vous-vous êtes retrouvé à Ouagadougou ?
Yassia Younga : Quand ils sont venus, c’était le vendredi (12 novembre, ndlr) soir. On a échangé un peu. Ils sont rentrés et sont revenus au commissariat me trouver là-bas. J’ai dormi là-bas. Le samedi matin, ils m’ont pris dans un pick-up double cabine. J’étais dans la deuxième cabine avec un lieutenant de police en avant avec le chauffeur et un capitaine. C’est ainsi qu’ils m’ont amené à Ouaga sans problème.
Faso7 : Que vous a-t-on dit lors de votre libération ?
Yassia Younga : Lors de ma libération qui est intervenu le 17 novembre 2021 à 18h48, ils m’ont pas dit grand-chose. Ils m’ont dit que je suis libre, que je peux rentrer, qu’ils ne me reprochent plus quelque chose.
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Faso7 : Pensez-vous que la pression de vos amis influenceurs a joué un rôle dans votre libération ?
Yassia Younga : Ça c’est une réalité. Quand je suis sorti, j’ai senti qu’il y avait la pression populaire. Vraiment, je ne savais pas que toute cette population, ces combattants se battaient pour que je sois libéré. Pour moi, ils ont vraiment compté à un degré très élevé pour ma libération. Je ne peux que les remercier.
Faso7 : Êtes-vous totalement tiré d’affaire ?
Yassia Younga : Totalement tiré d’affaire, non et oui, parce qu’ils m’ont dit de partir que c’est fini. Pour moi, ce qui est fini est fini. Mais, si après, ils trouvent autre chose à me reprocher, je suis disponible. On peut toujours continuer le débat et la discussion pour arriver à la fin.
Faso7 : Les VDP du Loroum ont marché pour réclamer votre libération. Est-ce à dire que vous êtes en contact avec eux ?
Yassia Younga : Si les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) ont marché pour réclamer ma libération, je leur donne raison. Je les suis à chaque fois qu’ils ont un mouvement. Je rentre en contact avec eux pour savoir les réalités sur le terrain, pour savoir ce qui se passe, ce qui s’est passé, mais je me limite à là. Je n’ai plus autres choses avec eux après les appels. C’est pour les accompagner moralement sinon, rien d’autre.
Faso7 : Quelle est votre lecture de la situation sécuritaire dans la province du Loroum ?
Yassia Younga : Ma lecture est claire et nette. C’est comme ce que j’ai dit dans la vidéo. L’heure est grave et est toujours grave parce que depuis que j’ai fait la vidéo, il n’y a pas eu de changement. Récemment, quand j’étais en détention, il y a un village qui est situé à 7km de Titao qui a été attaqué. Des maisons ont été incendiées et toute la population s’est déplacée à Titao. Il y a d’autres même qui sont venues à Ouaga. On peut donc dire que la situation sécuritaire n’a pas connu une amélioration et je peux dire que s’il n’y a pas d’actions fortes dans les jours à venir, la situation va continuer de se dégrader même si on ne le souhaite pas. Il faut le dire franchement.
Faso7 : Après votre arrestation, quelle sera la suite de vos actions de lutte ?
Yassia Younga : Mes actions de lutte vont connaitre une suite favorable parce que je ne me bats pas contre quelqu’un. Je me bats pour les faibles, pour la population en réalité. Tant que la population sera là et qu’elle ne sera pas tranquille, que les conditions de certaines personnes martyrisées ne vont pas connaitre une amélioration, nous allons toujours nous battre pour rétablir la justice sociale, pour ramener la paix dans le pays. C’est notre combat. Le combat continu !
Faso7 : A travers le pays, il y a des marches qui s’organisent contre l’insécurité. Pour vous, qu’est-ce que cela laisse présager ?
Yassia Younga : Cela laisse présager que la population entière du Burkina Faso est frustrée puisque les récents évènements dans le pays, particulièrement dans les zones attaquées, les nouvelles ne sont pas bonnes. Elles sont décevantes et je donne raison à cette population parce que depuis que l’insécurité a commencé, les autorités ont toujours parlé, pris des mesures, rassuré la population, condamné ces attaques, présenté leurs condoléances, mais ça ne se limite qu’à là. Donc, si la situation sécuritaire ne fait que se dégrader, c’est normal que la population soit en colère. C’est elle qui essuie les attaques, perd en vie et les autorités sont là, alors que ce sont elles qui doivent nous protéger.
Faso7 : Quel est votre dernier mot ?
Yassia Younga : Mon dernier mot, c’est dans le sens de mon combat qui est pour le retour de la paix dans le pays et dans la sous-région. Comme je l’ai toujours dit, je ne suis pas contre quelqu’un. Je veux seulement que la population souffrante connaisse un tant soit peu un soulagement. Et il faut que les autorités mettent tous les moyens pour que la paix revienne.
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