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Dossier Thomas Sankara : les trois paquets de cigarettes du Lieutenant Gambo

Le procès de l’affaire Thomas Sankara et 12 autres personnes s’est poursuivi, le mercredi 8 décembre 2021, au Tribunal militaire de Ouagadougou. Trois témoins, le Colonel major Sibidou Léonard Gambo, le Sergent Arzouma Lankouandé et l’Adjudant-chef major Abderrahmane Zetiyenga, tous à la retraite, ont fait leurs dépositions sur les évènements du 15 octobre 1987.

Le Colonel major à la retraite, Sibidou Léonard Gambo est le 1er témoin à comparaitre à l’audience du procès de l’affaire Thomas Sankara et 12 autres personnes, le mercredi 8 décembre 2021, au Tribunal militaire de Ouagadougou. Lieutenant au moment des faits, M. Gambo était le commandant de la première compagnie du Bataillon d’intervention rapide (BIR) au Conseil de l’Entente. Au moment des faits, le témoin a indiqué qu’il était en permission de 72 heures sur la période du jeudi 15 au samedi 17 octobre 1987. « Je devais me rendre à Tenkodogo pour rendre visite à un frère. Mais le 15 octobre je suis revenu incidemment au bureau pour préparer un cours de topographie pour les éléments de la FIMATS », a-t-il expliqué. A son avis, pendant qu’il préparait le cours, son chef, le lieutenant Gilbert Diendéré l’a appelé au téléphone, lui informant qu’il voulait le voir et qu’il passerait au bureau. « Cela m’a intrigué. Car, habituellement lorsqu’il veut me voir je le rejoins dans son bureau.

Comme il ne venait pas, je l’ai rappelé pour en savoir davantage. Il m’a répondu que si j’étais pressé, il allait hâter le pas», a confié le témoin. Quelque temps après, le commandant dit avoir entendu un coup de feu. A l’en croire, cela ne lui a rien dit. Car il avait l’habitude d’entendre de tels tirs au conseil. « Quand les tirs de rafales se sont intensifiés, j’ai vu que cela devenait inquiétant. Je suis alors descendu précipitamment. Dans ma course, j’ai dépassé Gilbert Diendéré sans le savoir. Il m’a appelé pour m’informer que l’ETIR va attaquer le conseil et de préparer mes éléments », a témoigné le lieutenant Gambo. Dans la cour, le témoin dit avoir constaté que des soldats tiraient dans tous les sens et qu’il a dû calmer ses éléments pour mieux cerner le problème. Il a aussi déclaré avoir vu des personnes mortes de loin si bien qu’il était difficile de les identifier.

La tension entre Thomas et Blaise

Le commandant de la première compagnie du BIR a indiqué, en outre, en réponse aux questions des avocats de la partie civile, qu’en pareille situation où la menace est venue de l’intérieur du conseil, il valait mieux ne pas manifester « trop de curiosité » et attendre les instructions. « Cela a été éprouvant pour un jeune lieutenant que j’étais à l’époque. Toute la nuit du 15 octobre, je n’étais pas tranquille.

J’ai fumé trois paquets de cigarettes », a-t-il soutenu. Concernant sa mission de Koudougou pour neutraliser les éléments du BIA, le commandant Gambo a confié avoir reçu l’ordre de son supérieur Diendéré. « A Koudougou, il y a eu un combat, les éléments du BIA ont été mis en déroute. Parmi mes éléments il n’y a pas eu de morts », a-t-il rappelé. Appelé à la barre pour une confrontation, le général Diendéré a nié avoir eu des échanges téléphoniques au sein du conseil avec son subordonné dans la mesure où il était en permission. Il a aussi contesté que l’ordre de l’attaque soit venu de lui. « Je suis profondément étonné que le général dise cela », a répliqué le témoin. A la suite de M. Gambo, le deuxième témoin du jour était Arzouma Lankoandé, sergent au moment des faits. Il a aussi indiqué avoir aperçu le général Diendéré au conseil le 15 octobre aux environs de 15 heures. A l’écouter au moment des tirs, il a trouvé refuge dans un bureau.

Le troisième témoin, l’Adjudant-chef major à la retraite, Abderrahmane Zetiyenga, 66 ans a expliqué qu’il était à Pô depuis septembre 1987 pour une formation d’Adjudant-chef. M. Zetiyenga a déclaré avoir pris des nouvelles de Ouagadougou avec le caporal Somda Der qui était de passage à Pô. « Je savais qu’il y avait une tension entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré. Compte tenu de mes bonnes relations avec les 4 leaders de la révolution, j’ai voulu en connaitre davantage. Der m’a dit que la situation n’était toujours pas bonne » a-t-il expliqué. Le témoin a aussi noté que le président Thomas Sankara lui a écrit une lettre qu’il a reçue le 8 octobre. « Lorsque j’ai pris connaissance de la note, j’étais déçu de savoir que des menaces pesaient sur la Révolution. J’ai demandé une autorisation et le 10 octobre je suis rentré à Ouagadougou où j’ai rencontré le même soir Thomas Sankara qui m’a expliqué la situation. Il m’a rassuré qu’il avait trouvé une solution et que les choses allaient rentrer dans l’ordre entre Blaise Compaoré et lui », a-t-il indiqué.

Le complot de 20 heures

A l’écouter, le lendemain 11 octobre, le témoin dit avoir rencontré Gilbert Diendéré qui était surpris de le voir à Ouaga. « Le considérant comme un ami, je lui ai fait le compte rendu de ma rencontre avec le président du Faso. Je lui ai demandé d’organiser une rencontre avec les éléments de sécurité des deux hommes. Il a dit qu’il allait le faire, mais il n’était pas très ouvert. J’ai senti qu’il avait une attitude de méfiance. Je suis donc resté dans mon coin », a-t-il regretté. Toutefois, sous son insistance, a-t-il noté, la réunion a été programmée pour le 15 octobre à 9 heures.

« Ce jour-là, seul Hamidou Pathé Maïga de la sécurité de Blaise Compaoré était présent alors que les éléments de sécurité de Thomas Sankara étaient bien représentés. En tant que le plus ancien des sous-officiers, j’ai pris la parole pour inviter les éléments de sécurité à se mettre au-dessus et à faire des propositions pour une sortie de crise », a-t-il relevé. A l’entendre, il a suggéré de mettre en place une petite cellule composée des éléments de sécurité des deux parties pour rencontrer les deux leaders. D’autres propositions ont été faites. Certains ont proposé que les deux capitaines soient amenés dans une autre ville où ils seront face à face jusqu’à ce qu’ils s’entendent.

D’autres ont souhaité la dissolution de la garde de sécurité présidentielle pour former trois groupes chargés d’assurer de façon rotative la sécurité des deux personnalités. « De toutes ces propositions, Diendéré n’a pas dit un seul mot », a soutenu Abderrahmane Zetiyenga. C’est après la rencontre, a-t-il poursuivi, qu’il m’a confié qu’il a reçu un message de catégorie A évoquant un complot à 20 heures. Pour éviter une effusion de sang, il a dit qu’il allait faire arrêter Thomas Sankara. C’est ainsi que le drame du 15 octobre est survenu, a-t-il expliqué. Après la déposition de Abderrahmane Zetiyenga, l’audience a été suspendue aux environs de 16 heures 10 minutes. Le témoin comparait toujours ce matin pour se prêter aux questions du parquet militaire et des avocats de la partie civile et de la défense.

Abdoulaye BALBONE

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