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La leçon des moissons

Mais où sont passés ces hommes de pouvoir que l’on craignait tant ? Où sont-ils ces demi-dieux de la terre qui faisaient la pluie et le beau temps et que sont devenus leurs courtisans et partisans ? Il paraît que toute chose a une fin, que tout est éphémère, peu importe le temps que l’on dure au pouvoir. Le temps finit par régner sur le pouvoir des hommes. Certains ont déjà rendu l’âme et d’autres comptent leurs jours sur le grabat d’une agonie qui dure plus que leur temps de gloire. Même la mort qu’ils implorent avec remord traine les pas pour les emporter.

Comme pour faire languir le pire qui soupire de plaisir, il y en a qui brûlent déjà en enfer les pieds dans la fournaise et la tête sur l’enclume qui résonne. D’impénitentes momies vivantes remontent la pente raide de leur existence en s’effritant en mille morceaux. Comme Sisyphe, ils sont déjà condamnés et rien ne sert de les embaumer des parfums les plus fins. C’est peine perdu de les encenser au risque de les enfumer, de les étouffer. Ils ne sont plus là avec nous mais le destin les a retenus en vie sans leur ravir la vue, afin qu’ils respirent dans la douleur ; afin qu’ils voient tout sans pouvoir rien oublier. Leur souffrance est un calvaire qui se trame dans l’âme qui se blâme sous la peau du mort qui crame, sans flamme. L’enfer existe, oui, il existe ! Il est sur terre dans le regard hagard du plus fort d’antan qui louche sans pouvoir dormir.

Même quand il vole un somme pour oublier, pour échapper à lui-même, ses méfaits le rattrapent et le réveillent, pour le tenir en haleine loin du repos qu’il ne mérite pas. L’enfer existe ici-bas, dans le silence coupable du bourreau au bout de rouleau, qui se débat seul face au taureau qu’il fut, en se donnant les coups de sa propre destinée. L’enfer, c’est la fin qui dure et perdure en soi sans que personne ne puisse l’endurer avec soi ou l’en délivrer, sans qu’aucune morphine ne puisse soulager, sans qu’aucun artifice ne puisse servir de sacrifice au supplice. Alors à quoi sert donc de le médire et de le maudire puisqu’il incarne le pire ? A quoi bon le vernir de délires pour lui mentir qu’il ne va pas mourir ; il est déjà dans l’antichambre de la mort en attendant que sa révérence se retire sans qu’il n’ait à le faire. Rien ne sert de chercher à vendanger les rancœurs du passé, le vin est déjà tiré. Quand la vie se venge, même la mort se range, se cherche et il n’y a pire malheur que la douleur qui vit et sévit sans sursis.

Regardez-le et admirez comment il souffre ; contemplez sa dernière demeure dorée qui l’attend et vivez chaque instant de son parcours ultime et irréversible. Il marche sur des braises que le vent attise et quand il tombe dans la poussière étincelante de la fournaise de l’abîme, aucune âme n’accourt, point de secours. Il crie mais personne ne l’entend ; il parle mais personne ne l’écoute. Ses mâchoires portent déjà les cadenas du verdict ; sa langue porte la saveur fumante de ses maux et le grincement de ses dents s’entend entre les fers aiguisés des cerbères qui se croisent. En attendant que l’impitoyable couperet retentisse à jamais sur la petite vie du minable grand homme des hommes, écoutez le silence des fanfares fatidiques, entendez le mutisme des griots cyniques et retenez que l’on moissonne ce que l’on sème. Toujours ! Adieu, odieux vivant qui se meurt à petit feu. Va-t’en et laisse en paix la terre qui t’a fait et t’enterre ! Tas de poussière à souffler, où est ta gloire et de quelle victoire te prévalais-tu ? Vanité, des vanités, tout est vanité !

Clément ZONGO clmentzongo@yahoo.fr

 

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