Burkina Faso : « L’heure est grave et il faut poser des actions » (Atiana Serge Oulon)
Le journaliste burkinabè Atiana Serge Oulon dans cet interview accordé à Faso7, donne son analyse de la situation sécuritaire au Burkina Faso qui se dégrade de jour en jour. Journaliste et écrivain, il est auteur de trois livres à savoir « Comprendre les attaques armées au Burkina Faso », « Le Général Diendéré parle » et « Insurrection populaire d’Octobre 2014 : Les trahisons ».
Faso7 (F7) : Quelle est votre analyse globale de la situation sécuritaire actuelle ?
Atiana Serge Oulon (A.S.O) : La situation sécuritaire est difficile parce que si on se fie aux statistiques, nous avons environ 1 500 000 personnes déplacées internes. Je sais qu’à la date de mai 2021, on était à un peu plus de 2 200 écoles fermées.
On peut ajouter le fait qu’on a une soixantaine de communes qui ne fonctionnent pas du tout, des communes rurales au Sahel, à l’Est, dans la Boucle du Mouhoun, dans le Centre-Nord. Vous avez des localités entières où il n’y a pas d’administration.
Vous prenez la province du Yagha où il n’y a pas de service de Police, aucun. Vous prenez la province de l’Oudalan, vous avez le chef-lieu de province Gorom-Gorom qui fonctionne et aujourd’hui les axes sont devenus compliqués.
Si on ajoute à des éléments factuels, le fait qu’il ne puisse se passer un seul jour au Burkina sans qu’il y ait un incident sécuritaire, que ce soit des actes d’intimidations, des menaces, des enlèvements, des assassinats ciblés, des tentatives d’embuscades, ou bien des actions çà et là, on peut dire globalement que l’heure est grave et que la situation est assez compliquée.
L’heure est grave et la situation est très difficile
Ça s’est métastasé comme on le dit et la situation est assez critique, sinon très critique. Globalement, au regard du fait que, contrairement à ce que l’on pense, c’est l’ensemble du pays, parce qu’il y a une mobilité des groupes armés terroristes ou des individus armés non identifiés du fait qu’il y a des tensions communautaires aussi, du fait qu’il y a des actes d’insécurité marqués par des actes de braquages et tout le reste. Récemment, l’actualité à l’Est est quand même montée d’un certain niveau avec des signes vraiment très inquiétants.
Vous avez carrément des zones qui se vident. Vous avez des compagnies de transport qui décident de ne plus desservir certaines parties du pays. Il y a des localités au Burkina qui sont coupées du reste du pays où c’est difficile de pouvoir vivre, où c’est difficile de pouvoir s’y rendre, où il n’y a aucun signe de l’Etat. Donc, pour me répéter encore, l’heure est grave et la situation est très difficile.
F7 : Après le Sahel, le Nord et l’Est, on remarque que l’Ouest est désormais sous l’emprise des groupes terroristes. Peut-on dire qu’il y a une stratégie d’encerclement en cours ?
A.S.O : Je crois que c’est peut-être la première lecture faussée, peut-être, qu’on a eu à faire dès le début. C’est vrai que les groupes armés terroristes ont pris racine dans le Soum, mais ça ne veut pas dire que les visées terroristes ou bien les visées par rapport à l’objectif recherché c’est essentiellement cette partie du Burkina.
Aujourd’hui, tout ce qui se passe, pour ceux qui suivent la situation, depuis 3 ans, 2 ans déjà, il y avait des signes dans les Cascades. Il y a eu des opérations coup de poing dans cette partie du pays. Il faut se rappeler que dans le Centre-Sud, il y a eu une base terroriste qui a été démantelée il y a 3 ans. C’est pour dire que c’est un peu partout.
On a besoin de complices, on a besoin de gens qui sont comme des coursiers, des agents de liaison pour aller payer à manger, aller payer des piles, aller payer du carburant. Donc, c’est une autre vie et le fait que rien ne se passe au Sud, ça ne veut pas dire que le Sud est tranquille.
C’est l’ensemble du pays qui est dans une situation d’insécurité. On ne cherche pas à être dans l’armée, mais quand on essaie de voir un peu la situation du fonctionnement des groupes armés, la mobilité des hommes armés non identifiés, quand les gens, peut-être, sont au Nord, dites-vous bien qu’il y a un appui ou bien il y a une certaine assise, il y a une réplique ou bien il y a des refuges au Sud.
Donc, quand ils sont à l’Est, on doit se dire peut-être qu’ils y sont déjà. Il y a une réplique parce qu’on n’attaque pas partout, parce qu’on a besoin d’endroits où on puisse se ravitailler, on a besoin des zones où se cacher, on a besoin des zones où on peut cacher un certain nombre de personnes et de choses parce que tout le monde n’est pas combattant dans les groupes armés terroristes, tout le monde ne passe pas à l’acte.
On a besoin de complices, on a besoin de gens qui sont comme des coursiers, des agents de liaison pour aller payer à manger, aller payer des piles, aller payer du carburant. Donc, c’est une autre vie et le fait que rien ne se passe au Sud, ça ne veut pas dire que le Sud est tranquille.
Aujourd’hui, on voit ce qui se passe en Côte d’Ivoire et Dieu seul sait le nombre d’individus suspects qui sont au Ghana, au Togo, au Bénin. Maintenant, entre la phase d’observation ou bien la phase de passage à l’acte, il peut se dérouler un long temps parce que ça ne veut pas dire qu’on est dans une situation de sécurité ou bien dans une situation où il y a la paix.
F7 : On connait le GSIM et l’Etat islamique au grand Sahara comme opérant sur le territoire. Mais y a-t-il d’autres acteurs quand on sait que les attaques ne sont le plus souvent pas revendiquées ?
A.S.O : Effectivement, vous avez bien planté le décor avec les groupes armés qui sont actifs. Il faut en fait catégoriser. Vous avez les deux groupes que vous avez cités, l’Etat islamique au grand Sahara, le groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, mais il faut se dire qu’ils ne sont pas les seuls acteurs du banditisme dans ces zones.
Vous pouvez ajouter l’autre catégorie, ce sont les individus armés non identifiés ou des hommes armés non identifiés parce que ce sont des gens qui posent des actes sans revendiquer. Dans la définition de l’acte terroriste, l’aspect revendication est très important et c’est ça qui permet de donner ces définitions même s’il n’y a pas eu des définitions standards.
Partout au monde, chaque pays, les organisations, chacun définit le terrorisme par rapport à son contexte, par rapport à son environnement. Donc, il y a cet élément-là. Il y a des individus armés non identifiés ou des hommes armés non identifiés qui posent des actes qui ne répondent pas aux actes, qui ne sont pas forcément des groupes armés terroristes.
Vous avez des gens qui étaient déjà des délinquants, qui étaient déjà des malfrats, qui ne vivaient que de ça, qui profitent de cette situation d’absence de l’Etat, de la situation de confusion où n’importe qui peut poser n’importe quel acte et facilement, on met ça sur le dos des groupes armés terroristes.
Vous avez aussi dans notre contexte les conflits communautaires, les tensions communautaires qui ne sont pas à mettre de côté parce que c’est peut-être des conséquences du pourrissement de la situation sécuritaire. Vous avez sur des bases ethniques, sur la base peut-être des sédentaires et des nomades, c’est des choses qui peuvent se constater soit à l’Est, soit au Centre-Nord, soit au niveau du Sahel. C’est aussi un autre aspect.
Et vous avez ce qu’on peut appeler les loups solitaires. Ça veut dire, des gens qui profitent de la situation aussi pour commettre des vols de bétail, des braquages.
Vous avez cet ensemble d’environnement qui fait que tout ce qui se passe en matière d’insécurité n’est pas forcement du fait du terrorisme. Vous avez des gens qui étaient déjà des délinquants, qui étaient déjà des malfrats, qui ne vivaient que de ça, qui profitent de cette situation d’absence de l’Etat, de la situation de confusion où n’importe qui peut poser n’importe quel acte et facilement, on met ça sur le dos des groupes armés terroristes.
Il faudrait sérieusement se dire que les groupes armés terroristes ne sont pas seuls acteurs de la violence ou de l’insécurité au Burkina. Même partout, si vous prenez notre voisin malien, c’est à peu près pareil.
F7 : Pensez-vous que la stratégie militaire actuelle est opérante ?
A.S.O : On n’a pas le contenu de cette stratégie, donc il serait un peu trop facile, à mon niveau, de m’assoir sans avoir lu le document et être dans les jugements d’a priori. Je pense qu’il faut laisser les choses venir. Mais c’est de rappeler que la stratégie a été adoptée, c’est le fruit d’un certain nombre de concertations.
Rappelez-vous du Forum national sur la sécurité tenu en 2017, il y a eu des foires au niveau régional, on a tenu ce forum au niveau national. C’est le fruit de ces concertations ajouté à d’autres études. L’actuel ministre de la Défense nationale et des anciens combattants était à la tête du Centre d’étude stratégique.
C’est l’ensemble de ces réflexions qu’on a associées à différentes composantes de la société et la stratégie aussi découle de la politique nationale de sécurité, parce que souvent, on fait la confusion.
Il y a la politique de sécurité, la politique nationale de sécurité qui englobe différents secteurs, qui englobe la sécurité physique, la sécurité sanitaire, si on prend le contexte du covid-19. Vous avez la sécurité liée à l’individu aujourd’hui qui est marquée par la question du terrorisme. Cette politique de sécurité a permis de pouvoir réfléchir et de dégager la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme.
Aucun pays du monde n’a réussi à vaincre le terrorisme avec seulement dans son arc, le volet militaire.
En entendre ce qu’il se dit, en entendre les premiers responsables qui ont dit que c’est une vision holistique, ça permettra peut-être de corriger le tout sécuritaire ou le tout militaire. On a peut-être compris que la lutte armée ou la riposte militaire n’est pas la seule riposte et du reste, aucun pays du monde n’a réussi à vaincre le terrorisme avec seulement dans son arc, le volet militaire.
Evidemment, il faut avoir une vision globale, essayer de faire en sorte que chaque secteur de la société puisse jouer sa partition. C’est peut-être comme cela qu’on pourra résoudre le problème sinon autrement, on perd du temps, on perd de l’argent, on perd des vies humaines et la situation ne fait que s’aggraver davantage.
On a la critique sur l’armée, or si vous menez une opération militaire, si après il n’y a pas de vie et que les militaires repartent, évidemment, les gens vont reprendre encore leurs habitudes. On est dans un perpétuel recommencement et ça devient comme un cycle infernal où véritablement on ne s’en sort pas. On attend de voir à l’application et après, on avisera.
F7 : Les récents changements opérés à la tête de l’armée comportent-ils des leviers opératoires ?
A.S.O : En principe, ça c’est le volet politique. Un ministre de la défense n’a rien à voir avec « l’opérationnel » comme on le dit, sur ce que les gens font sur le terrain. C’est beaucoup plus en termes de management, beaucoup plus en termes de conception de politique pour permettre aux hommes sur le terrain d’avoir les conditions réunies, les conditions matérielles et logistiques financières.
En principe, il n’y a pas à s’attendre à quelque chose de particulier. Maintenant, dans ce cas précis, oui on peut peut-être mener l’analyse d’une autre façon.
Chacun à son niveau, a sa partition à jouer au lieu de croire que c’est forcément un individu, parce qu’il est ministre de la défense, a la panacée ou la solution pour mettre fin à cette situation d’insécurité.
C’est beaucoup plus en termes peut-être de vision, en termes d’approche, de réflexion qu’il faut mener. De concept aussi au niveau du ministère de la défense. Peut-être que c’est à ce niveau qu’il faut voir. Et là, on revient avec d’autres questions précédentes. Il ne faut pas se leurrer.
Si on est d’accord que l’aspect militaire ne peut pas résoudre le problème, ce n’est pas le fait de changer au niveau du ministère de la défense que la situation sécuritaire va s’améliorer du jour au lendemain. C’est une vision globale, ce n’est pas une affaire du ministre de la défense. Le ministre de la sécurité doit se sentir concerné. Le ministre de l’administration territoriale doit se sentir concerné. Le ministre de l’économie et des finances doit se sentir concerné.
C’est dire que chacun à son niveau, a sa partition à jouer au lieu de croire que c’est forcément un individu, parce qu’il est ministre de la défense, a la panacée ou la solution pour mettre fin à cette situation d’insécurité.
F7: Il y a eu également des changements au niveau des Etats-majors…
A.S.O : Je crois qu’il faut remettre cela dans son contexte. En juin, il y a eu levée de boucliers pour réclamer le départ des deux ministres à l’époque, Ousseini Compaoré de la Sécurité, et Chérif Sy de la Défense. Est-ce que le Président du Faso a cédé à cette pression ? Je n’en sais rien. Je ne suis pas dans sa tête.
Je note tout simplement avec vous qu’il y a eu un changement au niveau du Chef d’État-Major des Armées et qu’il y a eu d’autres changements au niveau de l’armée de l’air et à la gendarmerie. Il faut se dire que pour le principe, ça permet de sortir peut être de la routine. Ça permet peut être de créer un certain élan d’espoir parce que quand il y a un changement, ça donne en quelque sorte de l’espérance pour les gens. On se dit que quelqu’un va apporter quelque chose.
On attend de voir ce qui va se passer concrètement sur le terrain et espérer vraiment parce que ce que les gens attendent, c’est que la situation puisse s’améliorer, qu’il y ait des actions urgentes sur le terrain.
F7: Le Mali a décidé de faire appel au groupe Wagner. Est-ce que le Burkina peut envisager cette option ?
A.S.O : Je crois qu’il ne faut pas faire de fixation sur les Russes. En tout cas, à mon niveau, les Russes, ce n’est pas ça. Les Maliens cherchent des solutions à leurs problèmes.
Si les Maliens estiment que les Russes sont la solution ou un élément de la solution, pourquoi nous Burkinabè, on va s’en plaindre ? C’est d’espérer que ce soit la solution. Je ne veux pas être fataliste, vous avez un pays comme le Mali qui fait plus de 5 fois le Burkina, le nord du Mali fait 4 fois le Burkina. C’est autour de 800 000 Km2 donc c’est un Etat dans un Etat.
Vraisemblablement, quand vous analysez, tant que le Mali n’a pas retrouvé l’intégrité territoriale, il est difficile pour nous d’avoir la paix. A partir du moment où ces gens ont des bases arrières, ont des camps où ils s’entraînent, nous, en tant que Burkinabè, c’est de penser effectivement que les Maliens vont pouvoir se relever et apporter la solution à cette situation qui n’a fait que trop durer.
On attend de voir ce que ça va donner
On a cette présence de milliers de soldats mais malheureusement, la situation ne fait que s’aggraver. Au départ, la Libye, le Mali et aujourd’hui, nous, on souffre aussi, les Nigériens, les Ivoiriens ainsi de suite.
Quand ça arrive, on se dit que les solutions qui sont mises en place ne sont pas les plus efficaces, il faut en trouver davantage, donc les Russes peuvent être une partie de la solution.
On est en train de voir sur le terrain que ça se ressente. Mais bon, on constate qu’on est toujours dans la phase des débats, il n’y a toujours pas d’actions concrètes. L’État malien n’a pas encore acté ce partenariat avec cette société militaire. On attend de voir ce que ça va donner.
F7: Pour vous, est-ce que cette solution est envisageable par le Burkina Faso ?
A.S.O : Je crois que le Burkina Faso multiplie aussi et diversifie les partenariats. Les gens ne font pas attention. Il y a eu en 2018, le sommet Russie-Afrique, le Burkina y était. Il n’y avait pas d’ambassade. On a tous suivi cet accord et cette discussion avec les Turcs. C’est pour dire qu’on multiplie les partenariats. Il y a la Chine qui est là. Les gens cherchent la solution.
Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, que ce soit Russe, Chinois ou Français, personne ne viendra nous sauver à notre place. Ce sont des contributions. Ce sont des aides. Ce sont des appuis. Il ne faudra vraiment pas se leurrer. Nous sommes seuls responsables de notre situation.
Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, que ce soit Russe, Chinois ou Français, personne ne viendra nous sauver à notre place.
C’est à nous de trouver la solution, mais il ne faut pas penser qu’il y a quelqu’un quelque part qui viendra nous sauver de cette situation. Dans l’histoire de l’humanité, je ne vois pas un seul pays qui a pu s’en sortir grâce à des interventions, des aides et des appuis. Il n’en existe pas.
Les premiers concernés, ce sont les Burkinabè et c’est à eux de trouver des solutions avec les voisins maliens et ainsi de suite.
F7: Quelles pourraient être les limites de ces probables partenariats ?
A.S.O : Ça contribue à nous déresponsabiliser. On est dans une sorte d’infantilisation où nous n’assumons pas nous mêmes notre situation. Vous prenez nos différents États, ça fait des années que les gens sont là, ils disent venir nous aider. Finalement, qu’est-ce que nous mêmes nous faisons pour nous en sortir ?
Ça ne nous permet pas nous aussi de pouvoir nous assumer, d’être responsables face à nos problèmes. C’est l’un des gros problèmes de cette situation de main tendue ou de mendicité. Si on pense que c’est de l’extérieur qu’on viendra nous aider, on s’est tiré une balle dans le pied.
Vous appelez les Russes, vous appelez les Chinois, ils ne vont pas intervenir tant que ça ne répond pas à leurs intérêts économiques, géostratégiques, financiers et diplomatiques
Vous prenez le Burkina Faso, le Mali ou le Niger, vous avez des milliers de soldats, nationaux, internationaux qui sont là, mais la situation, on fait le constat, 10 ans en arrière et 10 ans aujourd’hui, où est-ce que nous en sommes ?
Il faut tirer des leçons et dire que ça ne marche pas. Vous appelez les Russes, vous appelez les Chinois, ils ne vont pas intervenir tant que ça ne répond pas à leurs intérêts économiques, géostratégiques, financiers et diplomatiques. Et s’ils le font, est-ce que ce sera en fonction de nos intérêts ?
Je pense qu’il faut sortir de ce schéma et s’assumer tout simplement. Nous devons faire face à nos problèmes. Nous devons être en mesure de choisir nos partenaires et dire ce dont nous avons besoin et forcément ne pas attendre que quelqu’un vienne nous sortir de notre gouffre à notre place.
F7: Est-ce que l’option de la négociation est viable pour le Burkina Faso ?
A.S.O : Pour le cas du Burkina, ça me fait toujours sourire. Le Burkina a déjà négocié. Je suis journaliste à l’Evènement. Nous avons diffusé un article où nous avons clairement démontré que l’Etat du Burkina à travers, le service de renseignement, a libéré 29 présumés terroristes qui étaient à la Prison de haute sécurité. L’information n’a pas été démentie. Nous n’avons pas eu de droit de réponse. Donc les informations publiées par l’Evènement étaient exactes.
Le Burkina a négocié et c’est pour cela que certains avaient constaté la relative accalmie vers la fin de l’année 2020 jusqu’en début d’année 2021. Et c’est maintenant qu’on voit que les attaques ont repris davantage. Il faudrait chercher à comprendre pourquoi ça n’a pas marché.
Est-ce que ce sont les clauses du contrat qui n’ont pas été respectées ? C’est que à quelque part, quelqu’un n’a pas respecté son engagement. Ça c’est sûr ! Mais il est clair, et nous, on peut l’affirmer avec éléments à l’appui, que le Burkina a négocié à partir du deuxième semestre de 2020 et on a libéré 29 présumés terroristes. Donc le Burkina aussi a négocié.
Le Burkina a déjà négocié
Mais si vous négociez et que ça ne s’inscrit pas dans le cadre de la politique et de la stratégie, évidemment vous aurez, comme souvent on le dit, on a notre main dans la gueule du lion et dans la gueule du crocodile et quand ça lui plait, il va mordre, vous allez crier et après peut-être vous donnez ce que vous pouvez donner et ça devient comme un jeu d’enfant où les gens sont fatigués. Ça devient un fonds de commerce et une prime à l’impunité et ça encourage à refaire. Malheureusement, si on pense que c’est comme cela on va s’en sortir, bien au contraire on va se compliquer davantage la tâche.
Votre question prenait par rapport à Djibo, les informations aujourd’hui à Djibo, vous avez des secteurs où on ne fête pas de baptême, on ne fête pas de mariage parce que les gens ont pris position et on les laisse faire ce qu’ils veulent.
C’est eux qui dictent leurs lois, les femmes doivent être voilées, il faut mettre un pantalon sauté pour les hommes et se laisser pousser la barbe. Ça ce sont des réalités vécues dans le Soum. Et quand vous prenez le Soum en dehors de Djibo, les gendarmes et les militaires et les policiers qui y sont ne font aucune patrouille. Il y’a des braquages en plein jour mais personne n’y va.
Est-ce que ce sont les clauses de cette négociation, ça c’est un autre débat. Mais c’est pour dire que la situation se complique davantage et quand on laisse, ils sont à l’intérieur de la société, il y a la facilité et la capacité de pouvoir endoctriner davantage les gens et c’est ça qui devient encore plus dangereux, plus grave et plus nocif pour la société burkinabè.
Faso7 : Avez-vous eu connaissance des clauses de ces négociations ?
A.S.O : Dans l’article, on a précisé que le Burkina a négocié en contrepartie qu’il n’y ait pas d’attaques. L’autre contrepartie est que l’Etat du Burkina s’engage à ne plus mener des opérations ou de patrouilles.
On ne les embête pas. C’est pour cela que vous avez eu des leaders dans le Soum qui ont dit que les terroristes sont revenus mais sans les armes. Plusieurs fois, des confrères comme Omega ont réalisé des reportages, Burkina Info ont réalisé des reportages à Djibo où l’Emir a eu à dire que les combattants reviennent mais sans armes. Donc ça faisait partie des clauses. C’est-à-dire, on ne vous attaque pas, vous ne nous attaquez pas et on vous laisse faire ce que vous voulez faire.
C’est ce que je vous disais tout à l’heure, j’ai dit qu’ils imposent leurs règles : les femmes doivent se voiler, ils interdisent les fêtes.
Ce sont des choses qui sont là. L’autre close, c’est la libération des présumés terroristes comme je l’ai dit, 29. En tout cas, nous sommes en mesure de pouvoir démontrer. 29 présumés terroristes qui étaient en détention à la Prison de haute sécurité qui ont été libérés. Il y a eu de l’argent qui a été versé.
En toute honnêteté, les montants varient d’une source à une autre. On a préféré s’abstenir parce que c’est ça aussi le journalisme. Si on n’a pas la preuve de ce qu’on veut avancer, vaut mieux s’abstenir. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y a eu de l’argent qui a été versé. Ça c’est clair. Voilà ce que je peux dire par rapport à cette négociation menée par les services de renseignement en fin 2020.
Faso7 : Il est question d’une mobilisation populaire pour faire face au terrorisme. Cette lutte populaire peut être menée sous quelle forme ?
A.S.O : Je dis toujours que la meilleure façon de lutter contre le terrorisme, qui est un visage de l’insécurité tout comme les détournements, les surfacturations, les rackets, est que chacun fasse bien son boulot.
Que des policiers ne s’arrêtent pas aux bords des voies pour racketter les gens, que des gendarmes ne fassent pas pareil, que les douaniers au niveau des frontières surveillent bien les frontières et que pour des pots-de-vin, des gens ne laissent plus passer des motos.
Quand vous prenez les terroristes, ils roulent sur des motos sans immatriculation. C’est de la fraude et ça passe par eux. Donc c’est une situation de ce genre. Que chacun fasse son boulot et le pays se portera nettement mieux.
Si on pense qu’on doit faire appel à l’union pour que les gens se retrouvent pour ne pas critiquer tel homme politique ou tel président ou tel régime, je pense qu’on se fout le doigt dans l’œil parce que l’unité dans ça, ce n’est pas ça.
Il faut respecter les textes qu’on n’a tous arrêtés en république pour que tout le monde puisse se porter bien. Ce n’est pas plus que çà et il n’y a pas autre solution. Il faut appliquer les règles de la république et on se porterait nettement mieux.
Aujourd’hui, figurez-vous que ça fait six (6) ans qu’on est dans une situation sécuritaire. On a mis tellement de moyens dans la lutte armée, tellement de moyens pour améliorer les conditions de travail des militaires. On est quand même en droit de se demander si on met autant de moyens pour quel résultat aujourd’hui ?
Où va tout cet argent ? Je pense que c’est un minimum. Et je crois que ça participe aussi à donner confiance aux populations, au système. Croire que c’est autre chose, je crois qu’on se fout le doigt dans l’œil.
Donc les questions de gouvernance, d’application des textes de la république, les questions que chaque Burkinabè ait un minimum de conscience professionnelle pour faire correctement son boulot, et là où chacun doit pouvoir être capable à même d’apporter sa contribution, je pense que c’est de cette façon que nous pouvons lutter contre le terrorisme.
Parce qu’aux origines, ce sont les inégalités sociales, les frustrations, les questions de marginalisation, des questions d’adéquation de politique de développement, des questions de corruption, des questions d’injustice. C’est tous ces éléments-là qui le font.
Que chacun fasse son travail pour l’intérêt supérieur de la nation et on verra bien que le pays se portera nettement mieux que cette situation dans laquelle nous sommes
Quand on prend le cas de Malam Dicko, c’est de la frustration. Pour ceux qui ont suivi les procès, comment des orpailleurs, quelqu’un qui va chercher de l’or, du jour au lendemain en écoutant juste des éléments audio, il se permet de trouver une arme, et se dit djihadiste.
C’est le désespoir. Donc, il faut créer des conditions pour que des gens ne puissent pas faire de la religion, un refuge où ils peuvent aller se défouler. Il y a d’autres histoires qu’on n’a pas pu juger. Comment quelqu’un qui était au marché de Roodwoko, qui vendait des sacs, parce que ça ne va pas, il rencontre un commerçant pakistanais, il le suit, il se retrouve au Mali et c’est lui qui devient djihadiste. A quelque part, il y a un problème.
C’est pour dire que ce sont ces aspects là qu’il faut relever. Ces défis sont là et on ne demande rien d’extraordinaire. Que chacun fasse son travail pour l’intérêt supérieur de la nation et on verra bien que le pays se portera nettement mieux que cette situation dans laquelle nous sommes.
Faso7 : Dans l’urgence, qu’est-ce qui peut être fait aujourd’hui pour sauver le Burkina Faso?
A.S.O : Ce serait prétentieux de ma part de dire qu’il faut faire ceci ou cela. Mais ce que je sais, c’est qu’il faut agir. Il faut des actions concrètes sur le terrain. Et je pense que quand c’est comme cela, c’est la réponse militaire.
Il faut être offensif. Il ne faut pas attendre qu’on vienne nous attaquer pour qu’on pourchasse les gens. Il faut faire en sorte qu’on ne puisse pas se bunkeriser dans les détachements. Tant qu’on ne les attaque pas, on regarde faire.
L’heure est grave et il faut poser des actions.
Et les actions à mon avis, il faut réorganiser une réponse vigoureuse et militaire afin de stabiliser, de donner un minimum d’espoir afin qu’on puisse envisager d’autres actions qui vont tenir compte de tous les compartiments de la société afin de lutter contre le terrorisme.
C’est la question du moral de la troupe. Il faut remobiliser la troupe parce qu’apparemment, il y a des choses.
Je pense qu’il y a aujourd’hui un aspect qu’on ne voit pas. C’est la question du moral de la troupe. Il faut remobiliser la troupe parce qu’apparemment, il y a des choses. Ça ne va pas. Il appartient aux chefs militaires de trouver les déclics pour que les gens puissent avoir confiance en leur chef, qu’ils puissent avoir confiance en eux-mêmes.
Comme on l’a dit souvent, les terroristes ne sont pas des gens extraordinaires. Ils n’ont pas de gilets pare-balles, ils n’ont pas de casques. On les a tout simplement endoctrinés. On leur a fait croire que s’ils tuent quelqu’un qui n’est pas comme eux, ils iront au paradis et je pense que ceux qui commandent ont aussi ce devoir et doivent faire de telle sorte qu’on puisse mobiliser davantage les gens afin qu’eux aussi, pour la patrie, ils puissent la défendre au prix de leur vie.
C’est aussi le serment que certains ont pris pour défendre la patrie. Maintenant, il faut créer les conditions, remobiliser les troupes, faire de telle sorte que les gens puissent avoir confiance et que des gens soient gonflés à bloc pour défendre leur patrie. Après les autres compartiments, la stratégie, on pourra la dérouler au fur et à mesure.
Interview réalisée par Amadou ZEBA
Faso7
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