Gouvernance au Burkina : « Les manquements de cette transition, c’est qu’il n’y a pas de contrôle sur les démarches du président et du MPSR 2 » (Kalifara Séré)
L’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique, section du Burkina (ARGA-Burkina) a, en partenariat avec l’Institut néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD), dans l’après-midi de vendredi, 25 novembre 2022 à Ouagadougou, tenu son deuxième « café politique » sous le thème : « Quelles priorités et quelles contributions pour un retour serein à l’ordre constitutionnel ? ». La réflexion s’est déroulée sous forme de panel, avec pour intervenants, l’enseignant-chercheur, Dr Aboubacar Sango ; l’expert en stratégie du territoire et développement, Kalifara Séré et l’avocat Me Guy Hervé Kam.
Pour ces panélistes, il s’est essentiellement agi d’identifier les priorités de l’heure du Burkina, en mettant en exergue les enjeux et les défis de la transition et en proposant des solutions pour un retour à l’ordre constitutionnel normal.
Ainsi, le juriste et enseignant-chercheur, Dr Aboubacar Sango, a d’abord scruté les réformes susceptibles d’améliorer le système électoral burkinabè, souhaitant qu’à l’image des pays occidentaux, le Burkina puisse œuvrer à établir des politiques porteuses de fruits. Pour y parvenir, Dr Sango pense qu’il faut réduire l’emprise de l’argent dans les élections, afin d’éviter de corrompre les institutions concernées. Un bon président est celui qui a un bon programme et est capable de le mettre en œuvre, définit-il.
Dr Aboubacar Sango
Il préconise ensuite des réformes pour davantage rendre responsables les gouvernants. « Je pense que la démocratie ne peut pas s’accommoder de présidents qui ont les pleins pouvoirs et sont malheureusement irresponsables », fait-il observer avant d’ajouter la nécessité de renforcer la citoyenneté. « Ce que nous vivons est une crise de la citoyenneté. La démocratie sans des citoyens responsables est une ruine de l’État », a conclu Dr Aboubacar Sango.
L’avocat, Guy Hervé Kam, a rappelé à la transition, sa mission prioritaire d’inverser la tendance sur le plan sécuritaire (et laisser les questions de développement à un pouvoir démocratique). Me Kam pense d’ailleurs qu’en 21 mois (durée de la transition), il est très difficile de parler de projets de développement.
C’est pourquoi insiste-t-il sur le fait que le gouvernement de la transition doit aller à l’essentiel, afin de permettre la mise en place d’un pouvoir constitutionnellement légitime. « Dans un contexte d’insécurité où le pays n’exerce pas sa souveraineté sur près de la moitié du territoire, dans un pays avec près de deux millions de déplacés (…), je pense que la priorité pour un gouvernement de transition dont la durée a été fixée à 21 mois doit être consacrée à la question d’inversement de la tendance actuelle sur le plan sécuritaire. Commençons à avoir le contrôle du territoire sur le plan national ensuite, on pourra penser au retour des déplacés, on pourra penser au développement. Si le gouvernement actuel met dans son programme de faire du développement, de faire des réformes qui vont diviser la population au bout de 20 mois, on ne sera pas allé loin. Je pense qu’il y a certaines choses qui conviennent mieux à un gouvernement légitime. Il faut que la transition travaille à ce qu’après elle, il y ait un gouvernement légitime qui aura le temps pour faire les réformes », argue le co-panéliste, Guy Hervé Kam. De son avis, à ce stade, il est déraisonnable de penser à la question du chemin de fer, à des sujets de changements de curricula dans un pays où la majorité de la population ne cherche qu’à vivre, finalement.
Vue partielle des participants.
« La démocratie ne peut pas s’accommoder de présidents qui ont les pleins pouvoirs et sont malheureusement irresponsables »
L’administrateur civil à la retraite, Kalifara Séré, planchant sur les manquements de la transition, affirme que ceux-ci sont de plusieurs ordres. « Au niveau institutionnel, surtout au niveau macro-institutionnel, dès que le président du MPSR2 est installé dans ses fonctions, il n’y a aucun contrôle. Il n’y a rien. Pas de monitoring sur lui et ça, ce n’est pas normal. Aucun être humain ne peut être là avec un pouvoir illimité pratiquement, avec un groupe de compagnons sans contrôle. Non ! Il faut créer un ordre de contrôle. C’est-à-dire un ordre de gestion, de contrôle, d’auto-contrôle, d’évaluation », préconise Kalifara Séré, pour qui, l’Assemblée législative de transition ne joue absolument pas ce rôle, car la majorité des membres a été choisie par le chef de l’Etat lui-même. Tout comme son prédécesseur, M. Séré pense que la priorité du pouvoir Traoré doit être la sécurité.
Me Guy Hervé Kam
« Le défi pour nous, c’est d’élaborer des éléments de mesure d’itinéraire afin de mieux nous orienter. Les manquements de cette transition, c’est qu’il n’y a pas de contrôle sur les démarches du président et du MPSR 2. A cela, s’ajoutent les dérives au niveau des questions diplomatiques dénoncées par certaines personnes. Il faut qu’ils écrivent leurs opinions afin qu’elles soient mieux élucidées. Je pense que le président peut régler ces aspects avant de mieux mener son combat. Avec cela, nous pouvons aller avec tout le monde et tout le monde peut partir avec nous, si tout est bien clair sur des supports. Il faut aussi une union sacrée de notre armée », suggère l’expert en stratégie du territoire et développement, Kalifara Séré.
Boureima Ouédraogo
M. Séré a passé en revue, des scénarii de sortie de la crise actuelle et fait des propositions pour un retour à l’ordre constitutionnel normal. Ainsi parle-t-il de scénario pessimiste, stade auquel le Burkina se trouve actuellement. Le scénario moyen qui est la situation où on contrôle et où il existe de l’auto-contrôle par les parties-prenantes qui peuvent amener la mitigation des éléments constitutifs du scénario pessimiste. Le troisième scénario est celui de la reprise des démembrements structurels, institutionnels.
Pour rappel, « café politique » est une initiative de débat politique qui a pour objectif de mener des échanges avec les acteurs publics sur les questions traitant des situations d’enjeu national.
O.L
Lefaso.net