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Procès Thomas Sankara : « J’ai coulé des larmes avec Pascal, le frère de Sankara », Bognessan Arsène Yé

Domba Jean-Marc Palm, 71 ans et chercheur à la retraite, Bognessan Arsène Yé, médecin militaire et Etienne Traoré, enseignant d’université à la retraite ont comparu en qualité de témoins à l’audience du procès de feu Thomas Sankara et 12 autres, le jeudi 18 novembre 2021 à Ouagadougou.

En l’absence de l’accusé, Tibo Ouédraogo dont le repos médical a été prolongé, ce sont les témoins Domba Jean Marc Palm, chercheur à la retraite, Bognessan Arsène Yé médecin militaire et Etienne Traoré, enseignant d’université à la retraite qui se sont succédé à la barre, le jeudi 18 novembre 2021, lors de la reprise du procès Thomas Sankara et douze autres. C’est le Pr Domba Jean Marc Palm, par ailleurs président du Haut conseil du dialogue social (HCDS) qui a ouvert les interrogatoires.

Il a, d’entrée de jeu, précisé qu’au moment des faits, il était membre du Comité central du Conseil national de la révolution (CNR) en qualité de représentant du Groupe communiste burkinabè (GCB). Sans nier, il a reconnu avoir servi aux côtés des ténors de la Révolution burkinabè avant, pendant et après, puisqu’il a été ministre des Relations extérieures après les évènements du 15 octobre 1987, sous le Front populaire de Blaise Compaoré. Dans sa déposition, il a déclaré qu’il ne pouvait rien dire des évènements du 15 octobre 1987 parce qu’il était domicilié à Bobo- Dioulasso.

A la barre, il a reconnu que le CNR est entré, entre temps, dans « une zone de turbulence ». Le « parti » aurait commencé à dévier de sa trajectoire, car, selon lui, il englobait en son sein des groupes antagonistes aux visions divergentes que sont l’Union communiste burkinabè (UCB), l’Union des luttes communistes (ULC), l’Organisation des militaires révolutionnaires (OMR) etc. « Il y avait des dissensions au CNR à cause des tracts orduriers qui sapaient les efforts de cohésion entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré.

Mais, ce sont les rumeurs en dehors du Conseil et la problématique de la création du parti unique, qui ont précipité la fin du CNR et la mort de son président», a confié le témoin avant d’ajouter qu’il était contre les messages diffusés à la radio et qui tentaient de présenter Thomas Sankara comme un misogyne. M. Palm a affirmé également ne pas apprécier les jugements qui se faisaient sur le capitaine Sankara surtout que ce dernier, selon lui, aimait à dire que tous ceux qui ont été jugés doivent être condamnés.

« Le Lion est un piteux menteur »

Pour Me Anta Guissé, Jean-Marc Palm a bien servi le Front populaire.

Me Anta Guissé, de la partie civile, a demandé au témoin s’il avait un commentaire particulier sur la déclaration de Boukari Kaboré dit le Lion, disant que c’est lui (Domba Jean Marc Palm) qui était à l’origine des tracts à Bobo- Dioulasso. Il n’en fallait pas plus pour voir le septuagénaire se mettre en colère: « C’est faux. Boukari Kaboré est un piteux menteur, ce monsieur est d’un mental de gamin de 15 ans.

Il a inventé cette histoire de toutes pièces. Je rejette totalement cette accusation. Boukari Kaboré est un esprit faible et je trouve écœurante cette attitude », a-t-il martelé. Le président du Tribunal n’a pas manqué de ramener le témoin à l’ordre, celui-ci s’est confondu en excuses séance tenante. La partie civile, via l’interrogatoire de Me Guissé, a confronté le témoin à ses rôles joués après les évènements du 15 octobre. « Vous avez été nommé tout juste après le 15 octobre, ministre des Affaires étrangères par Blaise Compaoré ? ». « Oui », a répondu le témoin.

« La même année, en mi-décembre précisément, vous avez effectuez une mission à Paris et vous étiez porteur d’un message de Blaise Compaoré ? ». « Oui » a acquiescé M. Palm. Alors quel était votre rôle en ce moment ? a interrogé l’avocate. « Il s’agissait d’aplanir les tensions, de renforcer les liens d’amitié et de coopération avec les pays voisins et la France », a dit le témoin.

Mais, Me Guissé, citant des passages de documents déclassifiés par la France, a expliqué à la cour que les autorités françaises notamment le Premier ministre, Jacques Chirac, en son temps, étaient plus à l’aise avec Blaise Compaoré que Thomas Sankara et au soir du 15 octobre, c’est M. Palm qui devrait relancer l’axe Ouaga-Paris. Chose que le témoin n’a pas véritablement rejeté puisqu’il a reconnu que les « méthodes d’approche » de Sankara étaient moins appréciées par l’Elysée surtout que le capitaine Sankara envisageait de changer la monnaie nationale.

Chantal Compaoré était une espionne

A la barre, le témoin Etienne Traoré dit avoir été informé du décès de Sankara le 16 octobre 1987 et c’est le capitaine Blaise Compaoré lui-même qui lui a fourni l’information

Pour Me Anta Guissé, Jean-Marc Palm a bien servi le Front populaire.

au Conseil de l’entente. Si la fin du CNR est douloureuse pour lui, il a reconnu que ce qui est arrivé est le corollaire d’une série d’erreurs qui jalonnaient la marche de la Révolution burkinabè.

Il dit avoir collaboré aux premières heures du Front populaire avec Blaise Compaoré qui l’a fait nommer inspecteur d’Etat, jusqu’à prendre définitivement ses distances avec ce dernier après les exécutions du commandant Jean-Baptiste Lingani et le capitaine Henri Zongo. Lui aussi a reconnu le rôle crucial que les tracts ont joué dans la chute du régime Sankara et il a affirmé que ces bouts de papier étaient rédigés par le regretté Salifou Diallo. Interrogé par le président de la Cour sur d’autres mécanismes qui ont scellé le sort du CNR, M. Traoré pointe du doigt l’alliance du capitaine Blaise Compaoré.

« Blaise était fiancé à une autre femme que nous connaissons bien, mais qu’il a laissée par la suite au profit de Chantal Compaoré. Cela a été voulu par le président ivoirien Félix- Houphouët Boigny qui est d’ailleurs le principal comploteur de l’assassinat de Sankara. Chantal s’est mariée sans enquête de moralité et elle était vue comme une espionne envoyée par la Côte d’Ivoire, à un moment où les forces droitières étaient totalement hostiles à Sankara et à la révolution burkinabè.

Et Houphouët disait qu’il était un crocodile qui se nourrissait de capitaine », a expliqué l’universitaire. A sa suite, le médecin militaire, Bognessan Arsène Yé, directeur central des services de santé des Forces armées nationales au moment des faits a, selon son récit dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons, dit avoir entendu des coups de feu depuis son bureau et s’était rendu au Camp Guillaume Ouédraogo pour s’apprêter avec ses collègues médecins, à répondre d’un soutien médical en cas de besoin.

Il a ajouté avoir passé la nuit au camp avant de chercher à comprendre la situation le lendemain. « J’ai joint le Conseil de l’entente et le standardiste m’a dit que Blaise était occupé, mais que je pouvais être reçu. Quand je suis arrivé, il m’a introduit dans une salle où j’ai trouvé Lingani et Zongo. Quand je leur ai posé la question où est Sankara, Lingani a regardé une photo de Sankara qui était accrochée dans la salle et a dit : le pauvre ! J’ai compris qu’il n’était plus de ce monde », raconte-t-il à la barre.

Il dit qu’à sa rencontre avec Blaise Compaoré, celui-ci lui a donné des explications selon lesquelles la mort de Sankara est survenue à la suite d’ une arrestation qui a mal tourné. Et sa mission a commencé avec le Front populaire lorsque Blaise Compaoré lui a demandé d’aller rencontrer les délégués CDR venus des régions. « Quand je suis arrivé, je n’ai pas pu diriger la réunion.

J’ai vu le frère de Sankara, Pascal Sankara, on s’est regardé. On a coulé des larmes sous l’émotion », a-t-il dit. Puis, il a été invité à rencontrer les ambassadeurs à la suite des événements. Mais il dit croire à la continuité de la révolution. « Les partis membres du CNR se sont retrouvés au Front populaire sans le chef suprême lui-même » a indiqué le témoin. De son avis, le problème majeur au sein du CNR concernait la mise en place du parti unique d’avant-garde de la révolution. L’audition de Bognessan Yé va se poursuivre le lundi 22 novembre 2021.

Wanlé Gérard COULIBALY

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