Les faits divers de Zatibagnan : L’ingrat

J’ai l’intime conviction que tout est lié sur terre. Toute action entraîne forcément une conséquence.

Lorsque Kader a débouché dans son entrer-coucher cette soirée du 10 septembre 2005, Stéphane a systématiquement su que quelque chose n’allait pas. Son impression se confirme avec les premiers mots de son ami de longue date :

-Mon frère, mon ami, sauve-moi !

Il lui demanda ce dont il devrait  le sauver, après lui avoir donné un endroit où s’asseoir.

-Je dois déposer un avis de recrutement. Mais je t’assure que je n’ai absolument rien dans mes poches. Rien du tout ! Pourtant, je sais que ce recrutement est à ma portée. Quand tu lis l’avis, tu as l’impression que le recruteur m’a regardé et a décrit textuellement mon portrait.

-De combien as-tu besoin ?, a demandé son ami.

-Juste 5 000 F CFA. Je te jure au nom de Dieu et de mes ancêtres que si je suis recruté, ce n’est pas 5 000 F CFA que tu auras comme remboursement. Je te jure !

-Dieu n’aime pas qu’on jure sur lui.

Le jeune étudiant se lève et va dans un coin de sa chambre. Il fouille une valise et sort une enveloppe sur laquelle est marquée « budget de ticket de RU ». Il ouvrit l’enveloppe. Le billet de 5 000 FCFA se dandina seule dans le carré de papier. Stéphane soupira.

Il enleva le billet et revint le tendre à Kader.

-Je te souhaite bonne chance !

Kader se leva et se jeta dans les bras de son ami et le serra contre lui avec une force monumentale.

Il l’aurait avalé s’il en avait la capacité buccale.

Deux semaines plus tard, Kader lui envoya un SMS pour lui exprimer sa joie. Il a été effectivement recruté. Il lui donna même son salaire. Quelques centimes manquaient pour lui faire compter un million de FCFA dans son compte en banque à chaque fin de mois !

Stéphane se réjouit pour lui. Kader lui dit qu’il n’avait pas encore assez d’argent pour l’appeler mais qu’ils iront « casser la baraque » dès que son premier salaire tombait.

Deux mois plus tard, Stéphane n’avait toujours pas de nouvelle de  son ami. Et un matin, il décida de l’appeler. Et voici la phrase qu’il lâcha :

-Je te reviens plus tard. Je suis un peu occupé !

Il ne le rappela plus. Puis, le jeune homme décida de l’oublier. Des ingrats, on en rencontre à la pelle dans ce monde.

Puis, un jour, une opportunité se présenta à Stéphane. Mais il lui fallait dans l’urgence, un compte en banque. Il se rappela à nouveau de Kader. Il l’appela, mais il ne décrocha pas. Il décida de se rendre néanmoins dans l’agence où il travaillait car il était vraiment au bord du désespoir.

Comble de chance, le jeune homme tomba directement sur son ami dès qu’il ouvrit la porte de la banque. Et Stéphane lui dit :

-Mon cher mai, sauve-moi !

-Viens je vais voir ce que je peux faire !

Il l’emmena dans son bureau et Stéphane lui expliqua son problème. Kader dit que ce n’était pas un souci. Il lui fallait juste débourser 25 000 F CFA pour les frais de dossier.

-Mais, je n’ai pas cette somme sur moi, dit le jeune homme.

-Ah, mais il faut ça, sinon, ça va pas être possible !

-Tu ne peux rien faire pour moi ?

-Non, vraiment rien ! Si je pouvais, toi-même tu sais, je n’allais pas hésiter !

Stéphane regarda le visage qui venait de perdre à ses yeux, à l’instant, son statut d’ami.

-Au revoir !

Stéphane n’attendit pas ses molles protestations. Mais il apprit dix mois plus tard, dans la presse, que son ancien ami était poursuivi pour malversations et pratiques contraires à la déontologie de son métier.

Toute action a une conséquence.

Zatibagnan

A vendredi prochain

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